À son origine, kebab est un mot générique qui désigne des brochettes cuites au feu de bois. Tout peut être kebab : mouton, boeuf, poulet, veau et aussi légumes, notamment les aubergines, originaires elles aussi d’Asie centrale. Dans cet espace infini, le kebab est le liant alimentaire et culturel qui relie les hommes et leurs cultures. Le kebab suppose le charbon de bois pour cuire la viande, des pics de fer pour en tenir les morceaux, des galettes de pain à la fois assiette et nourriture. Les sauces et les épices qui l’agrémentent varient selon les pays et les peuples et ce qui est capable de pousser dans des espaces froids et balayés par les vents. Autour du foyer et de la viande qui crépite, le kebab se fait point d’unité et point de fixité. Le temps d’un repas, les cavaliers s’arrêtent et dégustent.
Des steppes d’Asie centrale, le kebab s’est fixé dans les mondes turcs et perses. Il quitte la plaine et les grands espaces pour envahir les rues et les villes. Sur les berges du Bosphore et d’un empire ottoman qui aspire à l’Europe, le kebab se fait sandwich et gagne les petites échoppes qui le proposent à la volée. Le pain pita en devient le compagnon de route et la sauce blanche son assaisonnement inconditionnel. Beaucoup plus tard, en Europe cette fois, il s’associe avec les frites tant le sel de celles-ci se marie bien avec le gras croustillant de la viande cuite. Tous les peuples ont fait des brochettes de viandes grillées aux herbes amères, tous les peuples y ont joint des galettes et des pains de céréales : le kebab est un plat de l’universel dont on peut trouver traces et origines partout et c’est en même temps un plat identitaire fort, associé à la culture turque et à son implantation en Europe. Mais pour cela, il lui a fallu passer par Berlin. [...]
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