Vous ne le savez peut-être pas, mais, fin juin, vous allez être appelés aux urnes pour élire des gens dont vous n’avez jamais entendu parler, que vous n’avez jamais vus et que vous ne verrez sans doute jamais, que vous rémunérerez de vos propres deniers pour siéger durant six ans dans un bel hémicycle où seront prises tout un tas de décisions dont vous ignorerez tout malgré les sommes qu’ils dépenseront, toujours issues de vos propres deniers, pour vous faire savoir à quel point ils vous sont entièrement dévoués et suent sang et eau, jusqu’à pas d’heure, pour améliorer votre vie quotidienne, j’ai nommé les conseillers régionaux.
Faites le test en allant voir les noms des élus sortants sur le site de votre Conseil régional, à supposer que vous le connaissiez, et vous serez édités. « Mais qui c’est çui-là ? » Peut-être bien quelqu’un pour qui vous avez voté la dernière fois, en 2015, en tout cas quelqu’un que les électeurs de votre région ont choisi, et qui va bientôt se souvenir, à l’approche du scrutin, qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire et que le moment est venu qu’il vous en manifeste de la reconnaissance s’il veut être réélu.
Pas de campagne dans les campagnes
Il ne va guère être possible de parler de quoi que ce soit, « crise sanitaire » oblige. Une élection sans campagne électorale, c’est une première en France. De quoi combler d’aise les majorités actuelles sollicitant leur reconduction, qui bénéficient déjà de la fameuse « prime aux sortants », quoi qu’ils aient accompli ou pas, tant ils ne manqueront pas de faire valoir que si les trains régionaux peuvent encore desservir les patelins les plus reculés, malgré la volonté de l’État d’en finir avec ce maillage, c’est grâce à eux, ou que si les lycéens peuvent suivre une scolarité dans des locaux et avec des moyens leur offrant toutes garanties de réussite dans leurs études, c’est encore grâce à eux. Tandis qu’en face, les opposants auront bien du mal à présenter leur bilan d’opposants (qu’ils n’ont pas) et leurs projets alternatifs (s’ils en ont).
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Or la quasi-totalité des douze Conseils régionaux continentaux est contrôlée par les deux partis – ou des dissidents de ceux-ci, mais non macronisés – que l’on dit morts au plan national, le Parti socialiste et Les Républicains. D’une part parce que La République en marche n’existait pas lors du dernier scrutin, Emmanuel Macron étant alors ministre de l’Économie de François Hollande, ce qu’il n’est jamais inutile de rappeler ; d’autre part parce que le Front national, pas encore devenu Rassemblement national, n’était pas parvenu à conquérir une seule région, du fait du « front républicain » qui avait conduit la gauche à se retirer dans les Hauts-de-France et en Paca.
Le RN a le regard fixé sur 2022
Six ans plus tard, quels sont les enjeux de ces élections ? Ils sont nationaux. Pour le RN, il s’agit de prouver que le « front républicain » est définitivement mort. Que la « dédiabolisation » est achevée. Qu’il n’est plus de « plafond de verre ». Que Marine Le Pen peut donc, en 2022, accéder à l’Élysée. Principal théâtre d’opérations, auquel nous consacrerons un reportage le mois prochain : la Paca. En 2015, Marion Maréchal, bien que victorieuse, avec plus de 40 % des suffrages, du premier tour, avait été battue du fait du retrait de la liste du PS conduite par Christophe Castaner. Thierry Mariani, qui conduit la liste RN, parviendra-t-il à torpiller le président sortant Renaud Muselier ?
Pour le RN, il s’agit de prouver que le « front républicain » est définitivement mort. Que la « dédiabolisation » est achevée. Qu’il n’est plus de « plafond de verre »
Dans les Hauts-de-France, Marine Le Pen, dans une situation comparable, avait échoué face à Xavier Bertrand. Cette fois, l’enjeu est plus important encore. Sébastien Chenu, qui mène la liste du Rassemblement national, n’affronte pas seulement un président sortant, face auquel il doit faire plus que ne l’avait fait la présidente du Front national il y a cinq ans, mais un homme qui joue son avenir politique – que dis-je, son destin national ! Candidat déclaré à la présidence de la République, Xavier Bertrand doit prouver qu’il est le mieux placé pour battre, et le faire sévèrement, le Rassemblement national. Sinon c’est la retraite. Anticipée ou de Russie, comme on voudra.
Il est une troisième région à surveiller, pour mesurer la poussée vraisemblable du RN, c’est l’Occitanie. Comme en Paca, c’est un ancien député UMP, tendance Droite populaire, qui conduit la liste, Jean-Paul Garraud, face à la présidente sortante, la socialiste Carole Delga. Les chances d’arracher la région sont quasi nulles, mais le rallié se doit de dépasser le score de la liste conduite par Louis Aliot en 2015, surtout maintenant que celui-ci est maire de Perpignan, soit faire plus de 32 % au premier tour. Et bien sûr, aux départementales cette fois, le RN doit enfin emporter un département, qui pourrait être le Vaucluse, à moins que la surprise ne vienne du nord de la France.
Le premier qui perd pied est mort
L’autre enjeu principal est interne à ce qu’on appelait en des temps anciens « la droite de gouvernement ». À savoir le centre droit, estampillé LR ou dissident, mais non entièrement rallié à Emmanuel Macron[...]
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