À la lecture de votre essai se fait jour une forme de dépit amoureux tant vous décrivez un sport différent de celui qui était joué durant notre enfance.
Ça y ressemble de plus en plus. Mais impossible de rompre définitivement pour autant, la passion étant trop forte ! Dans ce livre, j’ai voulu raconter un glissement : montrer comment, au fil des décennies, le football est passé de jeu à sport, puis de sport à business, avant de devenir un divertissement planétaire. De cette évolution découle une course effrénée, une surenchère de muscles saillants, de buts invraisemblables, d’argent éclaboussant un milieu dans des proportions encore jamais atteintes. Jadis, Kopa, Platini, Tigana, Rocheteau, Touré, Papin et Cantona étaient entourés d’une certaine aura. Leur football était érotique et léger. Cette vision n’existe plus. S’y est substituée une conception pornographique du football où tout doit être forcément efficace, grandiose et divertissant. Comme si l’on pouvait promettre une jouissance constante et répétée.
Vous êtes aussi l’auteur d’un très français Éloge de la Défaite. Cela vous déplaît-il que le football soit désormais le sport par excellence des winners de la mondialisation ?
On affuble le foot d’une dimension victorieuse obligatoire, comme si la défaite, jadis envisagée comme une possibilité, était devenue une honte absolue. Cela dépasse d’ailleurs largement le cadre du football et du sport. Le rejet absolu de l’échec se mesure partout: dans l’espace de nos vies amoureuses, au travail, dans notre obsession de l’efficacité et du résultat. Si bien qu’une nouvelle société se dessine : celle des winners absolus d’une part, celle de ceux qui perdent de l’autre. Et l’on comprend alors à quel point ce qui n’était que du football au départ se transforme en question politique. [...]
Le sport de haut niveau est devenu tellement exigeant physiquement qu'il ne peut plus être pratiqué que par des athlètes hyper-malléables
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