Dimanche 16 janvier, environ 10 000 personnes ont marché dans Paris lors de l’annuelle « Marche pour la Vie ». Cette année comme la précédente, tous ont marché contre la loi Gaillot dont la mesure phare consiste à étendre les délais légaux d’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse. Adoptée en seconde lecture à l’Assemblée nationale en novembre, cette proposition sera de nouveau examinée le 19 janvier au Sénat. Cette deuxième lecture en chambre haute laisse peu de place au suspense, puisque comme l’an dernier la majorité sénatoriale a annoncé un rejet pure et simple de la proposition. Mais comme toujours, les députés auront le dernier mot. Il est donc plus que jamais nécessaire d’énoncer les raisons pour lesquelles cette proposition de loi est non seulement stupide si l’on se place du côté des partisans de l’avortement, mais qu’elle relève surtout d’une barbarie inouïe si l’on se place du côté du simple bon sens.
Mesure contre-productive
Ce n’est pas sans raison que le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof) s’opposent à la loi d’Albane Gaillot. D’abord parce que dans le projet de loi initial figurait l’abolition de la clause de conscience spécifique (à l’avortement), garante de la liberté de conscience des soignants. Cette clause de conscience spécifique, reconnue comme « constitutionnelle » à l’époque de la loi Veil, garantit qu’aucun médecin ne soit jamais contraint de pratiquer un avortement. Contrairement aux arguments avancés par les promoteurs de la loi Gaillot, cette clause de conscience spécifique n’a rien à voir avec la « clause de conscience générale » qui exempte un personnel de santé de pratiquer un acte médical sous certaines conditions. Cette clause de conscience générale n’a qu’une valeur réglementaire et pourrait être abolie par simple décret. Rien à voir donc avec une clause à valeur constitutionnelle. Fort heureusement, cette mesure ne fait plus partie de la proposition de loi.
Les médecins ne sont plus que 27% à accepter de pratiquer des avortements
Mais pourquoi cet acharnement contre la clause de conscience spécifique ? Parce qu’avec les progrès de l’imagerie médicale, et l’avancée des connaissances sur le développement in utero, les médecins ne sont plus que 27 % à accepter de pratiquer des avortements. C’est aussi la raison pour laquelle la loi Gaillot autoriserait les sages-femmes à pratiquer des avortements chirurgicaux jusqu’à la 10e semaine de grossesse. L’avortement chirurgical n’est pas une pratique sans risque pour la femme, l’aspiration pouvant endommager durablement l’utérus, voire déclencher une hémorragie. Utiliser l’argument de la « revalorisation » (financière) pour reléguer à des sages-femmes un acte aussi dangereux, par manque de médecins volontaires, au détriment de la sécurité des femmes, relève d’un cynisme assez ahurissant.
Quant à la mesure phare d’extension des délais d’IVG de 12 à 14 semaines, les gynécologues s’y opposent également. Cet allongement des délais est censé remédier à une inégalité d’accès à l’avortement sur le territoire. Cette inégalité existe certainement, mais serait davantage résolue par une politique intelligente contre les déserts médicaux. Enfin les études montrent que les femmes les plus pauvres ont davantage recours à l’avortement. Les quelques milliers de femmes qui, se retrouvant hors délai, partent avorter à l’étranger ne font probablement pas partie des classes sociales les plus défavorisées. Si les délais sont étendus, les femmes tarderont davantage à prendre leur décision et subiront des avortements infiniment plus douloureux physiquement et psychologiquement. Plus la grossesse est avancée, plus l’attachement mère-enfant est développé, et plus le traumatisme est lourd.
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En outre, passé 12 semaines de grossesse, l’avortement nécessite des gestes chirurgicaux à l’intérieur du corps de la femme, non seulement dangereux pour elle, mais aussi beaucoup plus traumatisants pour celui qui les pratique. Il faut broyer le crâne du fœtus, le démembrer et l’extraire morceau par morceau. Ces morceaux n’étant pas des « amas de cellules », mais des morceaux de tête, de bras, de jambes miniatures. Dès 2019, le professeur Nisand (président du CNGOF), alertait sur le fait que comme lors du précédent allongement des délais d’IVG en 2001, de très nombreux médecins cesseraient de pratiquer des avortements.
Souffrance fœtale possible dès 12 semaines
« Reconsidering fetal pain » (Reconsidérer la souffrance fœtale) est une étude publiée le 14 novembre 2019 dans le Journal of Medical Ethics, par les professeurs John C. Bockmann et Stuart WG Derbyshire. L’étude remet en cause le mythe selon lequel le fœtus ne ressentirait la douleur qu’à partir de 24 semaines de grossesse. Loin d’être un anti-IVG, le professeur Derbyshire était consultant pour le Pro-choice forum et le Planned Parenthood (planning familial) au Royaume-Uni. Autrefois convaincu de l’impossibilité d’une souffrance fœtale en deçà de la limite consensuelle, son avis a changé. Ainsi, avec le Pr. Bockmann, il appelle désormais à la reconnaissance d’une souffrance fœtale précoce possible dès la douzième semaine de grossesse. Les deux professeurs concluent de leur étude que si le cortex cérébral est nécessaire à l’expérience de la douleur, celle-ci peut être ressentie de manière purement sensitive, immédiate et non-consciente dès 12 semaines de développement. Cette notion de souffrance fœtale précoce rend d’autant plus monstrueux l’allongement des délais légaux d’IVG de 12 à 14 semaines, devant les gestes que cela implique : broyer le crâne du fœtus à la pince, le démembrer à l’intérieur du ventre de sa mère, pour ensuite le faire sortir morceau par morceau.
À 12 semaines de grossesse, tous les organes sont en place et poursuivent leur développement fonctionnel. Le visage du bébé commence à apparaître avec des traits qui s’affinent, et ses cheveux commencent à pousser. Le cerveau et le système nerveux sont suffisamment développés pour qu’il puisse coordonner ses mouvements : ainsi il peut replier sa main, ouvrir et fermer la bouche. À 13 semaines, les traits du visage sont dessinés pour ne presque plus se modifier. Ses yeux, son nez, ses oreilles sont à leur place comme pour un nouveau-né. Il commence à sentir le goût du liquide amniotique de sa mère qu’il est désormais capable d’avaler grâce au réflexe de succion. Il découvre aussi le sens du toucher. Son squelette continu de s’ossifier, ses membres s’allongent et ses articulations fonctionnent : il peut mouvoir ses bras et même replier ses doigts.
Comment penser qu’un fœtus doté d’un système nerveux et capable de produire des mouvements coordonnés ne ressentirait aucune douleur au moment où une pince coupante vient broyer son crâne ?
À 14 semaines, les principaux organes sont en place. Le fœtus ressemble déjà à un nouveau-né version miniature. Sur son visage, de petites mimiques apparaissent, il peut froncer les sourcils et tourner les yeux. Ses mouvements sont de plus en plus amples. Son cœur et sa circulation sanguine sont parfaitement fonctionnels et même harmonisés sur ceux de sa mère. Il commence même à percevoir les bruits du corps de cette dernière, comme les battements de son cœur.
Comment penser qu’un fœtus doté d’un système nerveux et capable de produire des mouvements coordonnés ne ressentirait aucune douleur au moment où une pince coupante vient broyer son crâne ? Pourquoi à un stade équivalent de grossesse un fœtus destiné à naître bénéficie-t-il d’une anesthésie si une opération chirurgicale in utero s’avère nécessaire ? Tout cela n’a absolument aucun sens, et montre s’il en était encore besoin, que l’allongement des délais d’IVG est une mesure purement idéologique. L’enfant à naître n’est alors considéré comme vivant que s’il est le fruit d’un « projet parental ». Et cet allongement des délais à 14 semaines de grossesse n’est qu’une étape, un cliquet supplémentaire vers une absence de délais légaux pour l’avortement.
Les féministes du planning familial réclament l’harmonisation des délais sur les pays européens les plus « progressistes » à savoir le Royaume-Uni où l’avortement est légal jusqu’à 24 semaines de grossesse, c’est-à-dire à partir du moment où l’on considère que l’enfant est viable ex utero. Or, il est déjà possible de maintenir en vie un enfant né à seulement 21 semaines de grossesse, comme le montre le cas du petit Curtis. Cet enfant américain est le bébé le « plus prématuré » du monde. Né le 5 juillet 2020, il ne pesait que 420 grammes lors de sa naissance. Un jour prochain, il existera probablement des utérus artificiels (comme le réclament les partisans de la GPA), et il sera alors possible de maintenir en vie des enfants, hors du ventre de leur mère, à n’importe quel stade de grossesse. Ce jour-là, quels pourront bien être les arguments des féministes, mis à part prétendre que selon le credo « mon corps mon choix », la mère peut décider de mettre un terme à la vie de son enfant du moment que celui-ci vit toujours en son sein ?
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Allongement des délais : risque de féminicides in utero
On l’a bien compris, l’idéologie féministe nie le caractère humain et vivant de l’enfant tant qu’il demeure dans le sein maternel. En revanche les féministes s’ulcèrent des avortements sexo-selectifs des petites filles dans les pays d’origine des migrants et « réfugiés » qu’elles appellent à accueillir en masse. Or, cette pratique d’avortement sexo-selectif est désormais quantifiable sur le sol européen, dans les pays où il existe des statistiques ethniques notamment.
Une enquête de The Independant datant de 2014, basée sur les chiffres du recensement britannique, révélait qu’il « manquait » à l’époque entre 1 400 et 4 700 filles en Angleterre et au pays de Galles : « L’avortement illégal de fœtus féminins dans le seul but de s’assurer que les familles aient des fils est largement pratiqué au sein de certaines communautés ethniques en Grande-Bretagne et a entraîné des déficits importants dans la proportion de filles, selon une enquête de The Independent». Le reste de l’Europe n’est pas épargné : le phénomène des « filles manquantes » est déjà observé depuis de nombreuses années dans des pays d’Europe orientale comme l’Albanie, le Kosovo, le Monténégro et la Macédoine occidentale. Mais en 2013, l’Ined (Institut national d’études démographiques) publiait un rapport alarmant sur ce phénomène en Europe occidentale : « Le même phénomène a été signalé en Italie chez les Chinois, en Norvège chez les Indiens, ainsi qu’en Grèce et en Italie chez les immigrés albanais ».
En France, impossible de quantifier le phénomène, puisqu’il n’existe pas de statistiques ethniques. Mais l’on voit mal pour quelle raison miraculeuse les communautés issues de pays où l’on avorte les filles perpétueraient la pratique en Italie, en Angleterre, et pas en France. D’autant plus si « grâce » à la loi Gaillot, les délais d’avortement dépassent les 12 semaines de grossesse, moment à partir duquel, il est possible, si le fœtus est bien positionné, de connaître son sexe.