Parmi tous les tourments que l’homme s’est infligés à lui-même, la guerre se détache comme le principal engin de défaite sociale et spirituelle, alerte Arnold Toynbee en préface d’un assemblage de petits textes au titre évocateur: Guerre et civilisation. De la défaite sociale, nos médias parlent abondamment, même si de façon partiale, unilatérale; de la défaite spirituelle, pas un mot; peu de mots aussi de l’affaissement civilisationnel en cours; peu de mots des opportunités gâchées d’offrir à l’Occident une nouvelle dynamique et à l’Europe de l’Est un ordre territorial plus stable.
En ce début d’année 2022, profitant d’un répit sanitaire, la guerre, la vraie, celle de la destruction et de la mort, est de retour. Non pas directement chez nous, comme Emmanuel Macron a tenté de le faire croire aux Français par son fameux – et pitoyable: « La guerre est là, sur notre sol », mais indirectement, par la fracturation du socle chrétien orthodoxe, par l’intensification et la globalisation d’un conflit régional reposant sur des questions non réglées de souveraineté et de territoire, par la réactivation d’un choc civilisationnel endogène en Europe, par notre basculement collectif dans le célèbre « piège de Thucydide » que Graham Allison avait anticipé entre les USA et la Chine, et qui s’est refermé sur les deux blocs historiques, l’Otan et la Russie. Nous nous apprêtons à payer, collectivement, les conséquences de la guerre sur les plans politiques, énergétiques, économiques et sociaux, mais le prix le plus lourd sera probablement la défaite spirituelle de l’Occident.
Que faire? Kautilya écrit, au chapitre VII de son Artha-Sastra: « Un roi faible, menacé par un roi plus fort dont les armées sont en marche, doit se soumettre sans délai, et chercher la paix en offrant son trésor, son armée, sa personne ou son territoire ». Mais ni Biden ni Macron, ni Scholtz ni von der Leyen n’ont probablement lu Kautilya, pas plus que le roi faible, Volodymyr Zelensky. « Transiger » aurait dit Beaumarchais, aller directement et de manière réaliste à l’essentiel, au territoire – ceux de la frontière Est – pour éviter le pire. Mais nul ne lit plus, non plus, le talentueux Augustin Caron de Beaumarchais, pas même la lettre si remarquable qu’il adressa au roi Louis XVI, mettant en garde le souverain contre la tentation moralisante: « La politique nationale qui maintient les États diffère presque en tout de la morale civile qui gouverne les particuliers ». C’est à l’inverse l’anti-Beaumarchais, la morale civile élevée au rang de politique internationale, qui constitue le projet des hérauts de la démocratie libérale, des aspirants à la « paix perpétuelle », ostracisant les récalcitrants, tel Vladimir Poutine, que nos médias peignent en militariste invétéré, façon Adolf Hitler, en lecteur assidu de Ludendorff, adepte de la guerre totale, ou en fou isolé et mégalomaniaque. [...]
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