Dans la bataille que se livrent France et non-France, la prison joue un rôle fondamental. Signe éclatant du monopole de la violence légitime – car outre la mise à mort, quelle plus grande violence que celle d’enfermer les corps ? – elle doit incarner la reprise en main des sécessionnistes par l’État central et la souveraineté de son droit.
L’islam, la première religion carcérale
Et pourtant, au sein même des prisons et sous le poids du nombre, les enclaves étrangères faites d’un mélange de cultures racaille et islamique se reforment. La vie carcérale est effectivement régie par des effets de bandes, eux-mêmes fondés sur des considérations religieuses et ethniques. Rap- pelons que dans son livre Prisons de France, le sociologue Farhad Khosrokhavar expliquait que le taux de prisonniers musulmans dépasse souvent les50%, et avoisine parfois les 70 % dans les prisons proches des banlieues (contre 8 à 14 % dans la population globale). Inutile donc de disserter des heures : la culture du quartier y règne en maîtresse. Incarcéré à la maison d’arrêt de Nantes, Julien nous le confirme : « Pour vivre en tant que blancs, il y a deux solutions : se racailliser en adoptant leur comportement et leur culture, ou ne pas parler et éviter tout contact avec les autres détenus ».
Les prisons sont devenues un incubateur à islamistes et un terrain d’action privilégié pour les chasseurs de têtes
La pratique de l’islam y est forte ; la musique « raï » colore la vie locale ; les appels à la prière retentissent pendant le ramadan. Sans y être obligée, l’administration pénitentiaire a été enjointe, par le Conseil d’État en 2016, à garantir autant que possible aux prisonniers une alimentation respectant leurs convictions religieuses. En 2017, 17 899 personnes détenues se sont inscrites au dispositif de restauration adaptée durant le mois de ramadan, soit 26 % de la population carcérale. Julien conclut : « Si tu ne les acceptes pas et qu’ils le savent, ce sont les menaces de mort, les prises à partie dans les couloirs ou promenades, les insultes aux fenêtres, le tout ponctué de “sales Gaulois” pour bien rappeler qu’eux, ne le sont pas ». Les surveillants le savent tellement qu’ils pratiquent la non-mixité pour éviter les troubles. Cas extrême : en 2016 eut lieu le premier attenta jihadiste en prison à Osny, formenté par un détenu condamné pour terrorisme Bilal Taghi, qui tenta de tuer un surveillant avec un couteau artisanal aux cris d’« Allahu akbar ».
Se refaire aux yeux d’Allah
Mais le drame ne s’arrête pas là: les prisons sont aussi de- venues un incubateur à islamistes et un terrain d’action privilégié pour les chasseurs de têtes. D’abord, la radicalisation : par quête de sens, l’incarcération est pour beaucoup l’occasion d’une intensification de la vie religieuse qui peut les mener tout droit aux velléités terroristes. Ensuite, le recrutement (risque qui n’existait pas jadis avec le terrorisme corse ou basque) par des détenus radicalisés et prosélytes : les islamistes y recrutent via des réseaux sophistiqués car ils y trouvent des jeunes gens violents prêts à l’emploi. Une étude britannique de 2016 révélait que parmi 79 jihadistes européens étudiés, 57 % avaient passé du temps en prison avant leur radicalisation et 27 % de ceux qui ont été incarcérés ont été radicalisés pendant cette incarcération. « Les groupes sont très hiérarchisés. Il y a un meneur qui marque les esprits ; il embrigade des lieutenants qui eux-mêmes recrutent les bras armés. Tous conspirent au sein même des structures », expliquait David Daems, secrétaire national FO pénitentiaire.
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Bien souvent, c’est la recherche de la rédemption qui est le levier de la conversion et/ou de la radicalisation. Il faut mettre sa force au service du « bien » : «Le groupe État islamique représente la brutalité, la force et la puissance que recherchent ces jeunes, souvent d’anciens membres de gangs. L’État islamique leur dit en gros : vous pouvez continuer à faire toutes les choses que vous avez faites jusque-là. Mais cette fois, vous irez au paradis », affirme Peter Neumann, le directeur de l’étude susmentionnée.
Les islamistes dans et en dehors des prisons
En 2021, sur les 68 000 détenus en France, on comptait 461 personnes incarcérées pour des faits de « terrorisme islamiste » (TIS) et environ 660 détenus de « droit commun suspectés de radicalisation » (DCSR). Ces individus font un séjour dans un Quartier d’évaluation de la radicalisation (structure créée en 2016 en réponse aux attentats) puis orientés vers la détention ordinaire si jugés peu dangereux (80 %) ; vers le Quartier de prise en charge de la radicalisation s’ils sont fortement imprégnés idéologiquement sans risque de passage à l’acte imminent (10 %) ou mis à l’isolement s’ils représentent une menace directe (10 %). Reste la difficile question des sorties de prison. Devant la commission des lois en mars, le directeur de l’administration pénitentiaire Laurent Ridel résumait la situation : « Aujourd’hui, nous avons plus de terroristes islamistes qui sortent de prison que de terroristes qui y entrent. Et cela continuera à s’accélérer à mesure qu’expirent les premières condamnations pour terrorisme et pour retour de zone irako-syrienne. Nous comptons actuellement 60 à 80 sorties par an. À travers nos dispositifs, nous suivons 271 terroristes islamistes en milieu ouvert, et 320 radicalisés de droit commun placés sous mains de justice sont suivis par nos services d’insertion et de probation. Ces derniers sortent à raison de 15 à 20 par mois ».