André Rougé est député français du Rassemblement national au Parlement européen
Quand l’orateur exceptionnel qu’était André Malraux parcourait la France de la IVè République pour convaincre nos concitoyens de rallier le Rassemblement du Peuple français du général de Gaulle, il concluait presque toujours ainsi ses discours : « …Et par-dessus-tout, la France a besoin d’un chef qu’elle puisse enfin regarder en face sans avoir envie de rire ! »
Que dirait-il de notre époque de basses-eaux qui voit le lointain successeur du général prendre le conseil d’un « humoriste » condamné pour menaces de morts (et accessoirement partisan du voile à l’école) afin de décider s’il doit ou non participer à la grande manifestation du 12 novembre dernier contre l’antisémitisme ?
Que penserait-il d’un président qui, dès son premier voyage en Afrique (novembre 2017), humilie son hôte – le chef de l’État burkinabé, Roch Kaboré – en se demandant s’il s’est absenté d’une réunion pour « réparer la clim » mais qui, depuis six ans, se révèle incapable de défendre l’intégrité territoriale d’un département français (Mayotte) face aux visées expansionnistes d’un État d’à peine 800 000 habitants (l’Union des Comores) dont le chef injurie la France à la tribune de l’Onu et envoie des vagues de migrants illégaux s’emparer des terres de nos compatriotes Mahorais ?
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Nul doute que s’ils vivaient encore, l’auteur de La Condition humaine et les Français auxquels il s’adressait n’auraient plus envie de rire… mais de pleurer !
Car voici plusieurs quinquennats que l’œuvre de redressement entreprise par de Gaulle n’est plus qu’un lointain souvenir, ses successeurs ayant renoué, en pire, avec les « poisons et les délices » de l’insipide IVè !
Je dis en pire car, en dépit de l’instabilité chronique de ladite République, la continuité de l’État était assurée par une administration exemplaire dont la compétence équilibrait l’impuissance chronique des figurants qui occupaient la scène. Or depuis son arrivée à l’Élysée, l’actuel président n’a eu de cesse de désorganiser notre fonction publique par le recours aussi dispendieux qu’inefficace à des sociétés de conseil mais aussi en détruisant les grands corps de l’État, le dernier en date étant le corps diplomatique.
Que reste-t-il, dès lors, de la Vè République ? Sa Constitution… vingt-deux fois amendées depuis 1958 et que le président s’apprête à modifier une vingt-troisième ! Mais alors que dans l’esprit de ses rédacteurs, notre loi fondamentale devait offrir à l’exécutif une stabilité lui permettant de préparer l’avenir en inscrivant son action dans la durée, elle remplit aujourd’hui une fonction presque inverse : servir de tuteur à un pouvoir dont l’action au jour le jour a provoqué une crise de confiance démocratique inédite. J’emploie « tuteur » au sens que lui donnent les maraîchers : un piquet permettant à un végétal immature de tenir debout. Du mouvement des Gilets jaunes à la mobilisation contre la réforme des retraites en passant par la gestion délirante de la crise sanitaire (pas moins de cinq ministres de la santé en six ans !), la Macronie, c’est certain, peut dire merci à l’efficience de nos institutions… et pas seulement au 49.3 !
Mais peut-on, sans danger pour leur crédit, les confondre avec des béquilles ? Pour leur pérennité même, il est urgent qu’elles retrouvent, à l’occasion de la prochaine élection présidentielle, un rôle moteur dans l’application d’un programme de salut public qui ne se limite pas aux urgences – déjà nombreuses – mais prenne en compte l’intérêt des générations à venir !
Il y a aujourd’hui un demi-siècle que, pour la dernière fois, un gouvernement français – celui de Pierre Messmer, sous l’impulsion de Georges Pompidou, qui savait sa fin prochaine – a laissé au vestiaire les oripeaux de la politique politicienne pour s’inscrire dans l’Histoire. Quelques semaines après la guerre du Kippour qui allait faire s’envoler le cours des énergies fossiles et deux mois avant que, le 23 décembre 1973, les États producteurs de pétrole ne décrètent officiellement le quadruplement de son prix de vente, la France décidait l’accélération de son programme électronucléaire. Et ce ne fut pas qu’un vœu pieu. Dès le 6 février 1974, EDF annonçait la mise en chantier immédiate de 6 nouvelles centrales nucléaires, et de 7 autres en 1975. Grâce à quoi, le taux d’indépendance énergétique de la France est passé, en cinquante ans, de 24% à près de 52 % aujourd’hui !
Pour leur pérennité même, il est urgent qu’elles retrouvent, à l’occasion de la prochaine élection présidentielle, un rôle moteur dans l’application d’un programme de salut public qui ne se limite pas aux urgences – déjà nombreuses – mais prenne en compte l’intérêt des générations à venir !
André Rougé
Face à une telle maestria stratégique, aura-t-on la cruauté de rappeler la navigation à (courte) vue qui caractérise le pouvoir actuel ? Passons sur le nucléaire où l’on a vu se succéder trois Macron en sept ans : celui, suiviste, de 2017 confirmant la fermeture de la centrale de Fessenheim décidée sous François Hollande ; celui, farouchement antinucléaire de 2018, décidant d’envoyer à la casse pas moins de 12 réacteurs supplémentaires… Et celui, pro-nucléaire de 2022 annonçant la prolongation de tous les réacteurs menacés de fermeture et la construction de 14 nouveaux ! On a bien lu : deux changements de pied en sept ans, dans un domaine où les effets des décisions prises se mesurent une, voire deux générations plus tard…
Cette plasticité, pour ne pas dire cette inconsistance, bat tous les records en matière de politique étrangère. Comment s’étonner que la voix de la France ne soit plus entendue quand, sur le conflit Israël-Hamas, le président a changé trois fois d’avis en cinq semaines ! Le 7 octobre, après l’attaque meurtrière du Hamas, il proclame le droit d’Israël à se défendre. La moindre des choses, n’en déplaise à la France insoumise. Le 24, en visite à Tel-Aviv, il va nettement plus loin dans le soutien à Israël en proposant, sans s’être concerté avec quiconque – et donc sans succès –, que la France participe à une coalition internationale contre le Hamas ! Et voici que le 11 novembre, le même Macron s’en prend frontalement à Israël, en l’accusant de « faire trop de victimes à Gaza » et appelle à un cessez-le-feu, ce qui fait presque de lui un compagnon de route des Insoumis qui renvoient dos à dos l’agresseur et l’agressé !
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De telles volte-face seraient le fait d’un Joe Biden, traitant de « dictateur » le président chinois qu’il recevait la veille à San Francisco, on n’en serait pas spécialement surpris. Mais venant d’un président en pleine possession de ses moyens, on renonce à comprendre… Tout en se disant que non, trois fois non, et quelles que soient les méandres de son cerveau, paraît-il supérieur, la parole de la France ne mérite pas d’être dévaluée avec autant de légèreté !
« Gouverner c’est prévoir » : telle est la maxime que la postérité a tirée, à juste titre, du Testament politique de Richelieu, créateur de l’État moderne et inspirateur de Marine Le Pen. Après tant d’année d’impostures, il est temps, vraiment, de donner sa chance à la seule femme politique qui ne s’est trompée sur aucune des questions non résolues assaillant la France. La seule qui raisonne dans le temps long comme devrait le faire tout postulant au pouvoir suprême de la République, la seule ayant le caractère et l’envergure de porter la voix de l’Occident face à un Erdogan, un Modi, un Xi Jin Ping, un Poutine ou un Khamenei. Bref, l’ensemble de ses prises de positions l’atteste, qui a su prévoir pour se mettre en position de gouverner.