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Hier soir, la très chic Salle Pleyel accueillait la grande famille du cinéma venue s’autocélébrer. Sous la présidence de Kristin Scott Thomas, à l’étrange coupe au bol, la cérémonie se révéla une nouvelle fois trop longue, dramatisante et à peu près sans surprise.
Cette année le grand argentier du cinéma français confia les rênes de l’animation à Kad Merad qui, à défaut d’offrir une nouvelle dynamique à une cérémonie sur le déclin, joua parfaitement le rôle d’animateur de supermarché, au point de transformer la marque Canal + en simple ponctuation. Grimé en Freddy Mercury version Tuches, l’acteur ouvrit le bal par une adaptation en français des grands classiques de Queen. Entre flatteries aux starlettes et jeux de mots foireux, le grand Robert Redford présent pour récupérer son César d’honneur (nos vedettes nationales attendront d’être mortes) se demandait où donc pouvait survivre l’esprit français. Sûrement pas Salle Pleyel.
Si deux ministres étaient présents, seul Franck Riester eut droit à son nom cité, et pour une fois sans se faire huer (les avantages de l’inexistence, diront certains), Jean-Michel Blanquer se contentant d’un « Ministre de l’éducation », parce que « ça change tout le temps », expliqua le maitre de cérémonie. Cette année, pas d’odes aux intermittents ni aux migrants, mais pas non plus, ô surprise, aux Gilets Jaune…à peine une référence « humoristique » au grand débat national en forme de fausses questions : « Pourquoi les meilleurs acteurs français sont-ils Belges ?» Le temps n’est plus à la politique, mais aux drames humains.
JUSQUÀ LA GARDE TRIOMPHE DU GRAND BAIN
Présenté comme un duel entre Le Grand Bain et Jusqu’à la garde (10 nominations chacun), la victoire revint finalement au second, un drame de Xavier Legrand sur les violences conjugales qui remporta les César du meilleur film, meilleur scénario original, meilleur montage et de la meilleure actrice pour Léa Drucker qui dédia « cette récompense à toutes les Miriam, toutes ces femmes qui ne sont pas dans une fiction, qui sont dans cette tragique réalité ». En lui remettant son trophée, Guillaume Gallienne nous offrit néanmoins le meilleur moment de la soirée : « J’allais faire une vanne, mais je suis un mâle blanc hétéro, je vais juste fermer ma gueule »
Léa Drucker, #César2019 de la Meilleure Actrice, lance un message de soutien aux femmes victimes de violences : “La violence elle commence par les mots”
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Douche froide, donc, pour Le Grand Bain de Gilles Lellouche (également nommé dans la catégorie « Meilleur acteur » pour Pupilles) qui se contentera du César du meilleur second rôle pour Philippe Katerine, lequel réveilla l’assistance par un discours délicieusement loufoque adressé à son personnage « Moi je me demande toujours ce que deviennent les personnages après les films. Thierry, peut-être tu dois nous regarder à la télé. (…) Ça fait bien plaisir, salut Thierry. Toi Thierry qui, quand tu parles, on t’écoute pas. (…) Je me suis reconnu en toi et j’espère que tu t’es reconnu en moi. Je pense que tout le monde a quelque chose de Thierry. » avant de conclure en chantant du Johnny.
“Thierry, je me suis reconnu en toi et j’espère que t’es reconnu en moi” Philippe Katerine reçoit le César du Meilleur acteur dans un second rôle dans Le Grand Bain. 44e Cérémonie des #César2019 en clair, direct et exclu sur @canalplus et @myCANAL ? https://t.co/n2kRTiMKpc pic.twitter.com/fgWm0VryAm — cinemacanalplus (@cinemacanalplus) 22 février 2019
RIRE ENTRE LES DRAMES
Les Chatouilles d’Andréa Bescond, autre drame en lice abordant le sujet de la pédophilie, repart avec le César de la meilleure adaptation et permet à Karine Viard de décrocher sa troisième récompense pour le second rôle qu’elle y tient, de mère coupable. Le dicton débile « Jamais deux sans trois » se confirma néanmoins lorsque l’autre drame social, Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin rafla trois trophées (meilleur premier film, meilleur espoir féminin et meilleur espoir masculin) dont l’un fut remis par un Laurent Laffitte botoxé au point d’humilier les frères Bogdanov et qui s’adressa à l’assemblée, laquelle ne sut s’il fallait rire, pour expliquer que « plus on vieillit, moins on vit de premières fois. Je sais que beaucoup d’actrices dans la salle seront d’accord avec moi ce soir, continua-t-il, de faire bien attention à éviter « la fois de trop ».
Lire aussi : Les César servent-ils autre chose qu’eux-mêmes ?
Si « Le cinéma français vit de ses comédies et récompense ses drames », comme l’expliquait Coluche, cette 44ème cérémonie de César joua en tout cas la carte de l’humour entre chaque couronnement de film dramatique. Mais encore faut-il parvenir à être drôle et il n’est pas sûr qu’Elie Semoun le put, qui arriva en slip de bain pour remettre le César des meilleurs costumes, s’imaginant sans doute que montrer son cul et envoyer quelques brimades outre-Atlantique suffirait. « J’étais en femme face à Dustin Hoffman, je devais être en peignoir face à Robert Redford. La prochaine fois, je serai en écolier face à Kevin Spacey. Ou en rabbin face à Mel Gibson ». Hilarant… Surtout, que penser du courage d’une corporation qui dénonce l’omerta des autres mais convie Niel Arestrup sur scène pendant que les caméras de Canal zooment sur Clovis Cornillac ? Seul Jérôme Commandeur nous arracha un rire lors de son hommage à Betty Marmont « actrice parti en éternuant » qui eut « son moment en 1940 et 1944 » et dont la « carrière connut un léger creux en 1945 et 2019 ».
Hommage à toi Betty Marmont, la mâchoire aux mille dents. #Cesar2019 pic.twitter.com/qXvq68pLUy
— Jérôme Commandeur (@commandeur_j) 23 février 2019
La soirée se termina pourtant sur deux petites surprises. Alors que tout le monde s’attendait à voir Jusqu’à la garde repartir avec les César de la meilleure réalisation et du meilleur acteur, Alex Lutz pour sa composition dans Guy souffla le trophée à Denis Ménochet et Jacques Audiard repartit avec son deuxième prix de meilleur réalisateur, après celui reçu en 2010 avec Un Prophète, pour ses merveilleux Frères Sisters.
Arthur de Watrigant
Le palmarès complet
- Meilleur film: Jusqu’à la garde (Xavier Legrand)
- Meilleure réalisation: Jacques Audiard (Les Frères Sisters)
- Meilleure actrice: Léa Drucker (Jusqu’à la garde)
- Meilleur acteur: Alex Lutz (Guy)
- Meilleure actrice dans un second rôle: Karin Viard (Les Chatouilles)
- Meilleur acteur dans un second rôle: Philippe Katerine (Le Grand Bain)
- Meilleur espoir féminin: Kenza Fortas (Shéhérazade)
- Meilleur espoir masculin: Dylan Robert (Shéhérazade)
- Meilleur premier film: Shéhérazade (Jean-Bernard Marlin)
- Meilleur scénario original: Jusqu’à la garde (Xavier Legrand)
- Meilleure adaptation: Les Chatouilles (Andréa Bescond et Éric Métayer)
- Meilleur film étranger: Une affaire de famille (Hirokazu Kore-eda)
- Meilleur film documentaire: Ni juge, ni soumise (Jean Libon et Yves Hinant)
- Meilleure musique originale: Guy (Vincent Blanchard et Romain Greffe)
- Meilleure photographie: Les Frères Sisters (Benoît Debie)
- Meilleurs costumes: Mademoiselle de Joncquières (Pierre-Jean Larroque)
- Meilleurs décors: Les Frères Sisters (Michel Barthélémy)
- Meilleur son: Les Frères Sisters (Brigitte Taillandier, Valérie de Loof et Cyril Holtz)
- Meilleur montage: Jusqu’à la garde (Yorgos Lamprinos)
- Meilleur court métrage: Les Petites Mains (Rémi Allier)
- Meilleur film d’animation: Dilili à Paris de Michel Ocelot
- Meilleur court métrage d’animation: Vilaine Fille d’Ayce Kartal
- César du public: Les Tuches 3
- César d’honneur: Robert Redford
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