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[ ÉDITORIAL ] Paysans du futur

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Publié le

11 mars 2019

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Tous les ans depuis 1964, soudain familier et viril, Homo politicus vient serrer des « pognes » au Salon de l’Agriculture. Version augmentée des Comices de nos villages, le hangar de la porte de Versailles à Paris devient pendant une semaine une étable, un marché, une ferme pédagogique géante.

 

Et ce pour le bonheur des parents et des enfants, pour le bonheur du JT de 13 h. Mais de moins en moins pour celui d’Homo politicus, chahuté dans les allées tandis qu’il goûte une bière d’Alsace, des rillettes du Mans, un verre de Languedoc. Les agriculteurs sont à la fête, mais c’est aussi le rude moment où l’on négocie les prix, et où l’on annonce les derniers chiffres de la profession, d’année en année plus désespérants.

 

Lire aussi : L’éditorial de Jacques de Guillebon: Fragments de France

 

Tout le monde aime les paysans, mais plus personne ne veut devenir agriculteur ou « exploitant agricole ». C’était l’ancien temps, celui de l’élan productiviste d’après-guerre, celui des potions magiques des Trente glorieuses et de l’euphorie irresponsable de la société de consommation: un monde déjà mort, complètement désuet, mais qui continue de bouger au Salon « International » de l’agriculture comme partout ailleurs.

 

Plaies et Beauce

 

C’est le monde zombie dans lequel nous vivons, maintenu sous perfusion par le marché mondialisé et les multinationales du rêve idiot et du cauchemar climatisé. « À la fin tu es las de ce monde ancien, disait Apollinaire, Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin ». Les exploitants agricoles se sont réveillés exploités, les paysans libres devenus esclaves: des banques, de la grande distribution, des semenciers, de l’industrie chimique…

 

 

Et tous les deux jours, l’un d’entre eux est trouvé pendu dans sa grange. À l’appauvrissement des paysans s’est ajouté celui des sols, et puis désormais la spéculation étrangère autour des dernières terres fertiles de France. Le remembrement des années 50, détruisant les bocages, les haies, les forêts, a accouché de paysages désolants comme la Beauce, qui plus est hantée aujourd’hui par des éoliennes au ralenti.

La Beauce un jour sera comme la Mésopotamie, hier berceau fertile de l’agriculture, désert aujourd’hui. « Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre / Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux », chantait Péguy à propos de cette Beauce, belle tapisserie de Notre-Dame de Chartres.

 

C’est tout un archipel qui surgit lentement mais fermement, un nouveau monde à côté de celui qui ne sait pas encore qu’il est mort. C’est un archipel d’hommes et de femmes qui travaillent dur pour un revenu faible.

 

Encore jugée comme une fierté du monde agricole, là où se réalise dit-on les meilleurs rendements – tout doucement en baisse parce que le sol répond de moins en moins aux « intrants » chimiques. Et puis la Beauce c’est l’export, la fierté que d’exporter encore un peu, face aux greniers à céréales que sont l’Ukraine ou l’immense Russie… Fierté du monde ancien, fierté ringarde et cynisme de ceux qui savent faire de l’argent avec des cadavres.

Si nous en sommes là, c’est parce que le lobby de l’industrie agro-alimentaire est encore tout-puissant. Les tentatives d’Homo politicus, parfois sincères, sont à chaque fois réduites à néant par les lobbyistes et cette autre âme damnée, Homo œconomicus.

 

Lire aussi : [TRIBUNE] Macron, ou l’Europe sans la France

 

Derniers exemples en date : l’interdiction repoussée du glyphosate et la loi « Egalim » (admirable novlangue) conçue pour protéger les paysans. Les prétendus Sages du Conseil constitutionnel viennent d’en censurer 23 propositions (sur 98). Parmi elles, l’autorisation de vendre des semences paysannes. Monsanto (Bayer) et ses pairs pourront donc seuls commercialiser leurs semences produites en laboratoire.

 

La nouvelle graine

 

Nous sommes las de ce monde ancien, de ce modèle ancien, mais nous avons l’espérance. Dans les ruines libérales libertaires (cf. Matthieu Baumier) déjà visibles, fleurissent des initiatives et des alternatives modernes, parfois depuis des décennies, dans le silence et l’anonymat. Le désastre écologique déjà bien entamé, l’extinction de l’espèce paysanne (avec eux des oiseaux et des insectes), la défiguration des paysages, les scandales sanitaires de la « mal-bouffe », la santé qui vacille, ne sont pas une fatalité.

 

 

Chacun peut observer autour de soi des habitudes qui changent, des solutions qui naissent, des idées qui paraissent de bon sens, parce que nous avons tout oublié. Il ne s’agit pas seulement de citadins sautant du train fantôme pour devenir paysans bios, mais aussi de scientifiques retrouvant les secrets d’un sol vivant, d’agriculteurs refusant de s’endetter avec des machines « agri-tech » qui les coupent du lien à la terre, de vignerons arrêtant les pesticides et le trucage pour retrouver le goût du travail et le travail du goût, de particuliers s’organisant pour consommer en circuits courts et locaux, de fondations sauvant les terres fertiles de la spéculation ou du béton pour y installer des paysans, d’éleveurs tournant le dos aux fermes-usines pour que leurs animaux retrouvent pâtures et fourrages.

 

Lire aussi : Comment favoriser la transmission des petites fermes

 

Ou encore les maraîchers, les arboriculteurs, les paysans-boulangers qui conservent et cultivent, parfois illégalement, des variétés menacées de disparition. C’est tout un archipel qui surgit lentement mais fermement, un nouveau monde à côté de celui qui ne sait pas encore qu’il est mort.

C’est un archipel d’hommes et de femmes qui travaillent dur pour un revenu faible, parce qu’ils privilégient une autre vision de l’existence, une quête de sens. C’est l’archipel de la « vie bonne » et du « bien commun ». Deux notions qui fondent la civilisation française, et qu’il ne tient qu’à nous de défendre pour garantir à notre pays un avenir et préparer à nos enfants un héritage.

 

Dans les ruines libérales libertaires (cf. Matthieu Baumier) déjà visibles, fleurissent des initiatives et des alternatives modernes, parfois depuis des décennies, dans le silence et l’anonymat.

 

La question paysanne est immense, parce qu’elle recouvre à la fois la question de la sauvegarde du paysage et des traditions, de la qualité du terroir et de la nourriture, et bien sûr de l’autonomie et de la vigueur de nos agriculteurs. La question paysanne, en un mot, recouvre à elle seule la question de notre survie sur une terre où la population augmente sans cesse. Nous n’avons pu traiter ici que certains aspects du problème et montré des ébauches de solutions.

 

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L’essentiel, pour nous, est que chacun puisse réaliser à la fois sa responsabilité et prendre conscience de son pouvoir. Ce fameux « pouvoir d’achat », mais bien compris, qui peut nous permettre de quitter, enfin, ce monde ancien pour donner naissance à un monde vivant.

 

Péguy le disait encore :

« Mais c’est toujours la France,

ou petite ou plus grande,

Le pays des beaux blés et des encadrements,

Le pays de la grappe et des ruissellements,

Le pays de genêts, de bruyère, de lande »

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