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Le 15 septembre dernier, sept millions d’électeurs tunisiens étaient appelés à élire leur Président de la République. Vingt-six candidats étaient alignés sur la ligne de départ représentant toutes les opinions et sensibilités du pays : des islamistes à l’extrême gauche en passant par les socialistes et les candidats les plus loufoques. Deuxième tour le 6 octobre avant des législatives où Ennahdah pourrait prendre sa revanche.
Les milliers d’Algériens, qui chaque année partent sur les côtes tunisiennes profiter du tourisme, peuvent être envieux. Ils ne seront pas étonnés par les espaces bétonnés de La Goulette ou d’Hammame mais par une vie démocratique certes imparfaite mais vivante. En Tunisie, la présidentielle a bel et bien lieu et le jeu est ouvert.
Comme un symbole d’une page qui se tourne, Ben Ali mourait en exil quelques jours après le premier tour, dans sa prison dorée de Djeddah en Arabie Saoudite. Tout n’est pas rose cependant. Certes, le pays est celui du Printemps arabe qui a tenu le plus ses promesses en ce qui concerne le respect des droits civiques et des libertés publiques. Mais mettre un bulletin dans l’urne ne règle pas tout et la crise économique ajoutée à des erreurs de casting ont profondément affecté le moral de nombreux citoyens tunisiens. Le pays connaît une crise de confiance profonde envers ces élites en place depuis 2014. L’économie n’a pas redémarré. Dépassant dans les années 2010 l’Afrique du Sud comme premier atelier africain en matière de textile, le pays est aujourd’hui en crise économique. La révolution n’a pas eu l’impact escompté sur les finances du pays; les mesures prises par les gouvernements respectifs furent autant de fiascos.
Le duel du second tour va donc opposer, le 6 octobre prochain, deux candidats « hors système », deux électrons libres de la politique à l’image de leur pays. L’universitaire Kais Saied, arrivé en tête avec 18,8 % sans parti ni moyen de communication fera face au magnat de la presse Nabil Karoui arrivé second avec 15,4 %. Petite particularité tunisienne, ce véritable self-made-man, patron d’une importante chaîne de télévision est en détention provisoire pour fraude fiscale.
Depuis 2016, le chômage est toujours à 15% et touche plus particulièrement les femmes en milieu rural. Mais le problème est plus ample : fer de lance de la révolution de 2011, les étudiants sont les premiers touchés par le manque d’emploi et en particulier les « sur-diplômés ». Ces grosses têtes, parfois bien faites, sont les premiers frustrés par le système en place. Et ils n’ont pas hésité à s’en plaindre sur les réseaux sociaux. Près d’un tiers des étudiants sortant de l’université ne trouvent pas leur place sur le marché de l’emploi. La faute est en partie dû à un système éducatif peu adapté au marché tunisien et à une fuite des cerveaux toujours aussi présente.
C’est dans ce contexte de rejet des élites post-révolution que s’est déroulé ce scrutin. Celui-ci est total sans pour autant tomber dans une nostalgie du Benalisme. Il faut « sortir les sortants » a été le slogan adopté par la plupart des candidats. La participation a été de 49% selon des chiffres encore provisoires de l’Isie: un taux faible en regard des 64% enregistrés lors du premier tour de la présidentielle de 2014. La campagne a d’ailleurs été calme et plus respectueuse que certaines élections occidentales : pas de bourrage d’urnes, aucune fraude avérée, un réseau internet intact, des militants sincères et peu agressifs.
Les « Frères » tunisiens d’Ennahdah pensaient clairement arriver en tête du scrutin. Moncef Marzouki, proche du mouvement (et président en 2011) avait en 2014 atteint le second tour en perdant face au défunt président, l’ancien diplomate néo-destourien Béji Caid Essebsi.
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En tentant d’effacer leur image de parti islamiste pour apparaître, tel le Parti de la Justice et du Développement marocain, en bon démocrate-musulman, Ennahdha pensait attirer vers eux les classes moyennes et les plus diplômés : erreur de stratégie puisque Abdlelfattah Mourou a terminé troisième avec 12,9 % des scrutins. Le visage abattu du président du parti Ghannouchi, à l’annonce des résultats, était révélateur de la déception de son camp.
Le duel du second tour va donc opposer, le 6 octobre prochain, deux candidats « hors système », deux électrons libres de la politique à l’image de leur pays. L’universitaire Kais Saied, arrivé en tête avec 18,8 % sans parti ni moyen de communication fera face au magnat de la presse Nabil Karoui arrivé second avec 15,4 %. Petite particularité tunisienne, ce véritable self-made-man, patron d’une importante chaîne de télévision est en détention provisoire pour fraude fiscale.
Musulman particulièrement pieux, sans être suspecté d’une quelconque collusion avec les intégristes, il fut à de nombreuses reprises évasif sur l’application de la charia dans la société tunisienne. Il reste favorable à la peine de mort et il est très ferme sur son opposition à l’homosexualité en Tunisie « amenée selon lui par les Étrangers ».
Kais Saied a déjoué tous les sondages en parvenant en tête du premier tour. Ce juriste longiligne au visage d’ascète remplit beaucoup de critères qui expliquent cette ascension fulgurante. Parfait connaisseur de la constitution, il a promis de réformer le pays en décentralisant la république tunisienne en s’appuyant davantage sur les cantons. Décentraliser pour rendre le pouvoir au peuple. Universitaire reconnu, fin lettré, il a fait campagne en arabe littéraire, avec beaucoup de pédagogie pour expliquer son programme. Surtout « Robocop », avec sa voix monocorde, est l’anti-thèse du tribun. Et ce sont paradoxalement ses austères qualités qui lui permettent de faire des émules chez les étudiants et la classe moyenne éduquée, lassés des fausses promesses nées d’une révolution où l’art de communiquer a pris le pas sur le réel. Musulman particulièrement pieux, sans être suspecté d’une quelconque collusion avec les intégristes, il fut à de nombreuses reprises évasif sur l’application de la charia dans la société tunisienne. Il reste favorable à la peine de mort et il est très ferme sur son opposition à l’homosexualité en Tunisie « amenée selon lui par les Étrangers ».
Ces déclarations lui ont apporté sur un plateau les voix des musulmans pratiquants et des plus vieux, peu tentés par ailleurs par une nouvelle aventure Ennahdah. Mais ces derniers n’ont pas dit leur dernier mot. Grand spécialiste de l’entrisme, ils ont déjà montré à de nombreuses reprises leur capacité au sein de l’Assemblée à influencer les votes. Dès l’annonce des résultats, ils ont appelé à voter pour le « révolutionnaire-conservateur » Kais Saied. C’est en grande partie leurs électeurs qui pourraient faire le faire gagner si l’abstention devait rester au même niveau.
La gauche qu’elle soit socialiste, trotskiste ou laïque est si désunie qu’elle ne devrait pas soutenir le charismatique, mais très clivant, Nabil Karoui. Kais Saied est donc le grand favori.
Cyril Garcia
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