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Sélectron : les meilleurs films de 2021

10 - Le dernier voyage : que c’est beau les voyages

Pour son premier film, l’audacieux Romain Quirot ambitionne de s’incruster sur le terrain de jeu favori d’Hollywood, la science-fiction. Dans un futur proche, une mystérieuse lune rouge est exploitée à outrance pour son énergie. Alors qu’elle change brusquement de trajectoire et fonce droit sur la Terre, Paul W.R, le seul astronaute capable de la détruire, refuse d’accomplir cette mission et disparaît. Si le Dernier Voyage souffre de sérieux problèmes d’écriture, entre dialogues simplistes et quelques trous scénaristiques, il offre pourtant l’une des plus belles propositions de cinéma de ces dernières années. Si les premières minutes lorgnent chez Mad Max et Melancholiale voyage de Quirot s’échappe rapidement de ses lourdes références pour offrir un univers singulier fait de souvenirs dans un noir et blanc somptueux et de paysages post-apocalyptiques filmés comme un western. Ses images imprègnent la rétine, on pense au Petit Prince, ses comédiens croient dur comme fer à leurs personnages et la dernière ligne droite embarque tout sur son passage dans un onirisme épique assumé. Et lorsqu’on ose chorégraphier des bastons dans un rade miteux paumé dans le désert avec Eddy Mitchell en bande son et terminer sur du Barbara, on se dit que c’est beau les voyages, même à la fin du monde : « Ah ! Les voyages, Aux rivages lointains, Aux rêves incertains, Que c’est beau, les voyages Qui effacent au loin Nos larmes et nos chagrins, Mon Dieu ! Ah ! Les voyages. Comme vous fûtes sages De nous donner ces images ». Imparfait mais audacieux, un premier film qui mérite sa place dans le Sélectron 2021

Le dernier voyage de Romain Quirot avec Hugo Becker, Lya Oussadit-Lessert et Paul Hamy

https://www.youtube.com/watch?v=vJ0K4IYpH-A&ab_channel=FilmsActu

9 - Finch : à contre-courant

À contre-courant des films de type Marvel, le Finch de Miguel Sapochnik joue de son univers post-apocalyptique pour transmettre au spectateur une élégante et touchante leçon d'humanité. Produit par Robert Zemeckis sous la houlette d’Amblin, la mythique boîte de production de Spielberg, Finch est un cas d’école en matière de film familial anachronique, tant il semble sortir tout droit du début des années 90 : rythme contemplatif, message humaniste (voire chrétien) et mélancolie tenace. En exploitant la trame usée du dernier homme après la fin du monde (Tom Hanks), ici flanqué d’un chien et d’un robot naïf et touchant, le réalisateur britannique Miguel Sapochnik, issu de la série télé, brode une belle fable post-apocalyptique sur la seule question valable de la science-fiction : qu’est-ce que l’humanité ? Ici, chien et robots sont les symboles d’une humanité « alternative » et diffuse, qui permet au héros d’accomplir son destin, jusqu’à un final qui tirera probablement de grosses larmes à vos enfants – et à vous-même. Une réussite délicieusement à contre-courant, en ces temps de marvelleries bourrines, portée par une direction artistique sobre et élégante.

Finch de Miguel Sapochnik avec Tom Hanks et Caleb Landry Jones

https://www.youtube.com/watch?v=Gd7ebz9I08c&ab_channel=FilmsActu

8 - Sans un bruit 2 : retour en enfer

John Krasinski est de retour derrière la caméra pour Sans un bruit 2, la suite du thriller sorti en 2018. Le film reprend directement là où l’opus précédent s’était conclu, alors que la famille Abbot cherchait à survivre après la mort du père, joué par Krasinski lui-même. Ce deuxième épisode de la saga réussit l’exploit de dépasser le premier, qui était déjà excellent. Tout touche juste, alors que la séparation rapide des personnages voit l’intrigue se subdiviser en deux quêtes parallèles où chacun est confronté à ses propres faiblesses. La tension est maîtrisée à la perfection par Krasinski, qui exploite à fond l’ouïe surdéveloppée des créatures du film à travers un foisonnement d’idées originales de mise en scène. Aucune place au superflu : le scénario avance sans temps mort, les dialogues sont ciselés, le moindre regard est porteur de sens. Cette sobriété se met au service d’une histoire qui traite finement les thèmes de l’hérédité, du dépassement de la peur par l’amour des siens et du passage de l’enfance à la maturité. [...]

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Label Dais : post-punk not dead

Fondé en 2007 par deux musiciens, Gibby Miller basé à Los Angeles et Ryan Martin de Brooklyn, le label Dais nous rassure en confirmant que l’hipsterisation générale du monde et de la « contre-culture » en particulier n’est pas un phénomène inéluctable. Les « Mutins de panurge » comme les nommait Philippe Muray, même quand ils se veulent transgressifs sont en réalité les pires ennemis de la création notamment en raison de leur hygiénisme moral. Fondée à la suite du punk, la scène musicale industrielle aimait au contraire cultiver la provocation et l’ambiguïté, comme le prouvaient ses artistes phares : Nurse With Wound, Throbbing Gristle, NON (Boyd Rice), Cabaret Voltaire et quelques autres. Le monde sortait de l’activisme gauchiste et hippie des années soixante et soixante-dix et sou$rait de la grande gueule de bois de la fin de ses illusions. En France, Yves Adrien s’était sorti du punk et des cheveux longs pour devenir le chantre des NovöVisions, inventant, sous le nouveau patronyme d’Orphan : Air World, un groupe avec l’ex-reine des punks, Edwige, qui jamais ne s’incarna : « Nous serons des Sonny and Cher synthétiques, nous chanterons les yeux clos, le groupe opérera sous le nom d’Air World et donnera ses interviews dans les aéroports ».

Héritage industriel

À part Yves Adrien, devenu depuis son propre exécuteur testamentaire, la majeure partie des figures de l’ère industrielle sont morts ou presque à l’exception de Boyd Rice et Drew McDowall. Ce dernier, issu du punk le plus violent passé ensuite par Coil (projet né à la suite du départ de Genesis P-Orridge de Throbbing Gristle) constitue une des racines de Dais records. Un label qui ose poursuivre un certain esprit post indus très « contre-cool » tout en évitant les impasses de la cold wave et du militantisme. On croyait les enfants du post-punk perdus dans une certaine pleurnicherie néo-romantique, voire dans l’hystérie woke : Dais prouve le contraire. Conçu comme une fusée avec à sa base les premiers projets de Genesis P-Orridge dont COUM Transmission, Tony Conrad (collaborateur des mythiques Faust), Coil, William S Burroughs, Annie Anxiety ou Merzbow, soit les figures tutélaires d’une certaine esthétique froide et expérimentale, le label sauve l’héritage de l’underground occidental mythique du tournant des années 80. Quand on lui demande la signification du nom de son label, Gibby Miller répond : « J’ai trouvé que c’était un beau mot. Un “dais” est à l’origine une plateforme ou un socle surélevé, permettant d’élever un locuteur, une personne ou un objet. Cela semblait conforme à notre mission qui était de trouver et de libérer des forces spéciales. Je l’ai proposé à Ryan (Martin, copropriétaire) et il l’a vraiment aimé ! C’était simplement le nom parfait pour nous deux ». [...]

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Romain Olive : l’obsession christique
« Il y a un effet miroir de la face du Christ, j’en suis persuadé, on se voit en Lui ». Il veut peindre ce mystère pour le sonder. Son support est du papier car ses toiles s’écrivent comme les icônes. Il trace, puis barbouille, puis rature, puis grillage les scènes. Ensuite il ponce le papier pour adoucir l’évidence des traits, pour donner une matière au support. Il ponce parfois jusqu’à le trouer, mais on ne peut pas chercher l’usure sans risque et c’est toujours grâce aux accidents que l’œuvre parvient à échapper à son auteur pour s’imposer à tous. Ses scènes saturées de traits noirs semblent représenter l’humanité piégée dans un texte. [...]
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La meilleure version de moi-même : folies de femmes
Abondamment commentée, la première série de Blanche Gardin est un objet curieux et ambivalent, courageux mais insatisfaisant, à la fois osé et facile, sinistre et parfois hilarant. Il y a dans La Meilleure version de moi-même un côté Psychose, à la façon dont le film de Hitchcock brisait un tabou à l’époque en montrant la cuvette des toilettes où Marion Crane (Janet Leigh) jetait une preuve griffonnée de son vol. Si l’argent hitchcockien se révélait un excrément menant à la mort, la merde aujourd’hui fait gagner de l’argent, ce que montre frontalement Gardin dans un plan effarant d’étrons aspirés à la source pendant une séance d’hydrothérapie. C’est également le sens du parcours auto-fictionnée de l’humoriste en crise devenue instagrammeuse néo-féministe pour racheter d’improbables péchés. Derrière la satire du développement personne wokisé se cache un (...)
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Madeleine Collins : efficace et subtil
Judith mène une double vie entre la Suisse et la France. D’un côté Abdel, avec qui elle élève une petite fille, de l’autre Melvil, avec qui elle a deux garçons plus âgés. Peu à peu, cet équilibre fragile fait de mensonges, de secrets et d ’allers-retours se fissure dangereusement. Prise au piège, Judith choisit la fuite en avant, l’escalade vertigineuse. La première réussite du deuxième film d’Antoine Barraud est d’avoir su prendre le temps. [...]
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Paul Schrader, la sentinelle

Paul Schrader est une sentinelle, le porte-flingue du Nouvel Hollywood, au sens propre comme au figuré, puisque le cinéaste a développé très tôt une fascination pour les armes à feu. Certains disent qu’il en posséda même une par pièce, « en cas de coup dur ». Pourtant, comme son ami John Milius, il n’a connu que brièvement le feu des projecteurs et a laissé les honneurs aux autres. À la fois artisan, critique, scénariste, metteur en scène, Paul Schrader fait partie des électrons libres évoluant à la fois en marge et à l’intérieur du système. Sa carrière en dents de scie le prouve : pas vraiment à l’aise dans le grand bain des studios, sa filmographie est émaillée de ratages rocambolesques comme cette genèse de L’Exorciste au début des années 2000, cruellement stoppée en plein tournage par des producteurs frileux qui voyaient d’un mauvais œil la tournure trop réaliste prise par le film. Ou encore cette reprise pop et sulfureuse de Cat People, chef-d’œuvre du fantastique signé Jacques Tourneur, massacré par une post-production hasardeuse et le jeu erratique de Nastassja Kinsky.

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Penn et Antonioni dans le même lit

Le réalisateur n’est pas vraiment né sous les meilleurs auspices : élevé dans une famille extrêmement puritaine par un père psychopathe qui fouettait ses gosses à peu près tous les jours et leur interdisait la télévision, le cinéma et la musique rock, Schrader finira tout de même par se rendre à dix-sept ans dans une salle obscure, la boule au ventre. Il dira avoir fait un malaise en pleine projection : cette sensation de braver l’interdit et ce projecteur fendant les ténèbres provoquant même chez lui une hallucination biblique dans laquelle il se vit tiré vers l’Enfer par une procession de diablotins : une vocation était née. À New-York, il fréquente les bancs de la prestigieuse Columbia School of Arts, devient le protégé de la mythique Pauline Kael, redoutable critique connue pour ses envolées lyriques et ses détestations aussi brutales que respectées. À l’instar des cinéastes de la Nouvelle Vague en France, c’est donc par le biais de l’analyse que Schrader fait son entrée dans le monde du cinéma. En 1972, il publie un essai sur le cinéma « transcendantal », dans lequel il met en regard les œuvres d’Ozu, de Dreyer et de Bresson. Pas vraiment intéressé par l’aspect technique, Schrader voit davantage le cinéma comme une écriture délivrée des contraintes du langage et dont la force serait de pouvoir dialoguer avec l’inconscient. Admirateur des premiers brûlots du Nouvel Hollywood, dont le Bonnie and Clyde d’Arthur Penn, il rêve d’y incorporer cette liberté qu’il entrevoit chez les Européens ou dans le cinéma asiatique. Comme il le dira plus tard, son idéal de film c’est de « mettre Penn et Antonioni dans le même lit, en les forçant à baiser sous la menace d’un flingue, pendant que Bresson regarde par le trou de la serrure ». [...]

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Station opéra : princesse de glace
Vêtus de costumes stylisés aux couleurs vives, ses personnages-silhouettes habitent une scène dépouillée à l’extrême. Et si l’action semble affranchie des contraintes du temps, c’est par le moyen qu’il maîtrise à merveille : le jeu métaphysique des lumières. On se demande comment ce plasticien de l’intemporel a pu attendre le grand âge avant de s’attaquer à Turandot. Rien de plus accordé à sa vision du théâtre que l’ultime opéra (inachevé) de Puccini, fable exotique mêlant les élans passionnés du mélodrame et l’ironie acide de la commedia dell’arte. [...]
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Léna Situations : le zéro à l’infini

Il est toujours délicat de déverser des tombereaux d’ordures sur des gens qui ont l’air d’avoir un bon fond. Mais le monde moderne étant fait de telle façon que désormais, être sympathique est un métier, il n’y a pas de raison. Parlons ainsi de Léna Mahfouf, dite « Léna Situations », une sympathique vidéaste qui expose la vacuité de sa vie (Léna se maquille, Léna fête son anniversaire, Léna va à la Fashion Week) à des centaines de milliers de fans transis. Âgée de seulement vingt-quatre ans, elle compte déjà plus d’un million d’abonnés sur ses réseaux sociaux, et peut se targuer d’un Best Seller, Toujours plus, vendu à 250 000 exemplaires, défoncé par Frédéric Beigbeder, qui avait qualifié l’ouvrage de « 147 pages de vide ». Bien entendu, la réponse ne s’était pas fait attendre, avec en filigrane l’éternel choc des générations. « C’est facile de s’attaquer à la nouvelle génération, de dire c’était mieux avant. Il écrit ce qu’il veut et nous on répond ce qu’on veut. On répond qu’on est fatigué par ce snobisme intellectuel et le mépris qu’on peut avoir face à des jeunes qui essayent de faire des choses », avait-elle contre-attaqué. Le mot est lâché : « snobisme intellectuel ». En effet, pour la jeune génération (à laquelle appartient à peu près encore votre humble serviteur), essayer d’avoir un niveau minimal de réflexion serait du snobisme, et produire des tutos maquillage sur YouTube « faire des choses ». Rappelons à toutes fins utiles que Roger Nimier avait le même âge que Léna Situations lorsqu’il a publié Les Épées. […]

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