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Éditorial culture de mars : La mort de P-G de Roux

Pierre-Guillaume de Roux s’est envolé et, avec lui, un certain degré de légende comme une certaine notion de l’honneur en littérature. Je me souviens très bien comment on m’avait interrogé à son sujet, en 2017, lorsque Le Monde préparait un dossier à charge contre l’« éditeur des maudits ». J’avais alors passé une heure dans un café avec un journaliste qui souhaitait me questionner sur Pierre-Guillaume en vue de cet article. Le garçon était sympathique, il s’était montré vraiment curieux, sincèrement intéressé par ce que je lui rapportais de mon expérience du milieu littéraire des dix dernières années : les « affaires », les faux scandales, la mainmise d’une certaine gauche et ses oukazes, et comment Pierre-Guillaume était un homme libre et non la caricature à quoi son journal avait prévu de le réduire.

Lire aussi : Éditorial culture de février : Mais les Cosaques ne meurent jamais

Le journaliste prenait des notes, me relançait, paraissait tout comprendre et admettre. Quand nous nous levâmes, il m’invita en me disant : « C’est la presse bien-pensante qui paye ! » J’avais souri et lui avais rétorqué que la Bien-Pensance avait cet avantage d’être aussi bien-payée, ce qui n’était pas le cas des articles que j’écrivais, alors, ni celui de Pierre-Guillaume qui pouvait éditer Tarr, de Wyndham Lewis, le vorticiste anglais, et investir dans une traduction de 400 pages pour ne vendre que quelques centaines d’exemplaires de ce chef-d’œuvre des avant-gardes que personne, si ce n’est lui, n’aurait eu le courage de proposer au public. [...]

Pacific Rim : Notre critique

Guillermo Del Toro, avant d’être adoubé par Hollywood pour des blockbusters à la moraline parfois pesante (La Forme de l’eau) était un vrai cinéaste fan-boy, allaité à toute la culture série B des années 70 et 80. Avec Pacific Rim, il rend un hommage vibrant aux films japonais de kaijus (monstres) qui mettent en scène des robots géants aux prises avec des créatures post-apocalyptiques. Un projet casse-gueule sur le papier, qui se solda par un petit succès d’estime : pourtant Del Toro remplit parfaitement le cahier des charges en signant un film à la fois survolté et iconique, qui se paye le luxe de parfaitement intégrer son legs nippon à une focale plus large, embrassant aussi les démons de la modernité. [...] 

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Son style à elle : Crucifié avant la onzième heure

La culture est méprisée. Pourtant elle englobe tout. Et en particulier le langage qui se rapproche de plus en plus de l’infra-mince. Les idées apparaissent aujourd’hui à l’extérieur de nous, les médias s’en chargent. Le conformisme repose sur cette imposture : le confort moderne. Mais nous avons certainement besoin de cette hiérarchie de signes, ces mesures et ces repères. J’ai lu pendant les fêtes le Journal d’un résistant (1972-2018), Vincent Bioulès, peintre, catholique. Somme et retour sur sa vie, audace de la clandestinité. Journal où toute réflexion définitive ressemble à une faute. 

Bioulès citant Balthus : « L’art est un moyen d’accéder au mystère de Dieu, de tirer les derniers éclats, de se mettre en situation de capturer un fragment. Le tableau est une prière, le saisissement de l’innocence, un temps arraché au désastre du temps qui passe. Une immortalité capturée ». L’athée est détourné du désir d’élévation. La vie sacramentelle crée des liens qui éclairent. [...]  

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Les critiques musicales de février

BRILLANT MAIS TROP SAGE

Siempre lo Mismo de Belkacem Drif, Oime Production – Inouïe Distribution, 15,99 €

Rien ne prédestinait Belkacem Drif à devenir ce fameux batteur, compositeur, et arrangeur. D’une initiation aux percussions flamencas auprès d’une famille gitane, naît chez lui une passion pour le flamenco. Il étudie ensuite au Conservatoire de Paris les percussions classiques et l’harmonie jazz. « J’avais envie de regrouper des musiciens venant d’horizons divers pour une seule et unique raison : casser les clivages ». Siempre lo Mismo est l’opus d’un amoureux des rythmes, qu’ils proviennent de sa Kabylie d’origine, de l’Espagne ou des États-Unis. Ce goût certain pour la découverte contient toutefois un bémol : ce disque reste un rien trop sage, trop « propre ». Au vu de l’entourage de rêve – Marc Buronfosse, contrebasse ; Julien Alour, bugle ; Éric Le Lan à la trompette – on était en droit d’espérer plus d’audace. La surprise survient cependant avec la seule reprise de l’album, le Boléro de Ravel exécuté en trio, basse, batterie et piano. Revisité et arrangé, il ne comprend aucun solo et le célèbre ostinato à la caisse claire ouvre toujours la partition mais les mesures rythmiques se succèdent en 4/4, 1/8, 5/8 avant de recouvrer le calme et la douceur d’une respiration binaire sur quatre mesures. Un artiste à suivre. Alexandra Do Nascimento [...]

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Partout, les saints : Saint Raymond Nonnat

L’histoire de Raymond commence avant sa naissance, en 1204. Sa mère ne parvient pas à lui donner la vie, et meurt en couches. Le père, au désespoir de perdre à la fois femme et enfant, demande à un membre de sa famille d’ouvrir le ventre de sa femme pour en sortir le bébé. Un scénario qui fait grincer des dents : on n’ose imaginer le genre de césarienne avec un couteau rouillé éventrant une jeune femme morte. Mais en réalité, les larmes donnent la vie. Et il fallait au moins ça à Raymond. Car vu le projet que Dieu a pour lui, autant annoncer la couleur tout de suite. Démarrage en côte, et ça ne va pas s’arranger. Maman partie rejoindre le Bon Dieu, un papa un peu désemparé s’occupe de lui du mieux qu’il peut. Son enfance reste peu connue, mais il sort du petit garçon non-né (d’où son nom « nonnat ») un jeune homme pieux, à l’âme en acier trempé et au cœur bourré de charité.

Lire aussi : Partout, les saints : Sainte Élisabeth de Hongrie

À 18 ans, le talentueux Raymond prend l’habit de prêtre. À l’époque, pour ne pas changer, des terroristes musulmans prennent des chrétiens en esclavage le long des côtes de la Méditerranée, contre rançon. Al Qaïda n’a rien inventé. Comme Raymond consomme de la lourde bouffe catalane riche en cochon et testostérone, son seuil de tolérance aux razzias de la religion de paix et d’amour est très limité. Il s’engage donc dans l’Ordre de la Merci. Cet ordre forme les ancêtres d’Arnaud Beltrame par cargos entiers : ces prêtres au courage sidérant se livraient aux preneurs d’esclaves dans le plus grand des calmes à la place des otages. Et ce, jusqu’à ce que le pognon demandé soit versé. Tout ça, pour épargner à leurs frères chrétiens les tourments de la chair. [...]

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La roue : notre critique

Comme tous les films culte du grand Abel Gance, La Roue était à peu près inaccessible jusqu’à la sortie de cette édition DVD exhaustive qui rend hommage à ce film d’une ambition délirante. Sorti en 1923, La Roue peut se ranger aux côtés des grands chefs-d’oeuvre de Murnau ou de King Vidor : comme eux, Gance entend bien injecter dans son film toute la dramaturgie et toute la grammaire visuelle dont le cinéma était capable à l’époque. [...]  

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George Orwell, saint laïc et justicier

Comment avez-vous choisi les textes composant ce volume ? Et pourquoi ce titre, Écrits de combat ?

Constance de Bartillat, Charles Ficat et moi avons choisi les huit essais qui nous ont paru les plus représentatifs de l’engagement politique et social de George Orwell. Nous leur avons ajouté, en guise de pendant, sa longue et magistrale étude de l’œuvre de Charles Dickens parce qu’elle illustre bien, par incidence, la pensée de l’auteur du Quai de Wigan, notamment autour de la notion de common decency qui lui était si chère. Le titre, Écrits de combat, nous a semblé découler naturellement de ce choix dont l’un des critères était de montrer qu’Orwell se range toujours du côté des démunis, des laissés-pour-compte et, de manière générale, des personnes les plus vulnérables de la société.

Lequel de ces textes vous a le plus frappé ?

Tous m’ont fait une forte impression, à des périodes différentes de ma vie. Je me rappelle avoir lu Shooting an Elephant (« Comment j’ai tué un éléphant ») dans un train de nuit, entre Paris et Venise, il y a environ vingt-cinq ans, et Down the Mine (« Au fond de la mine ») sur le pont d’un bateau où je n’arrivais pas à dormir à la belle étoile, faute de disposer d’une cabine, entre Venise et Corfou, pendant l’été 1999. Ce dernier texte, en particulier, a radicalement influencé mon point de vue politique. On a du mal à ne plus être de gauche quand on l’a lu.

La gauche n’est plus la seule à se réclamer de lui : tout le monde se l’approprie…

Oui, cela finit par être agaçant. Chaque fois qu’une opinion ou un goût devient majoritaire, je suis inévitablement enclin, comme beaucoup de francs-tireurs qui préfèrent les marges, à défendre le parti contraire, quitte à faire l’avocat du diable. [...]

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Netflix et l’affaire Elisa Lam

Les amateurs de légendes urbaines connaissent le cas Elisa Lam par cœur, mais il a fallu que la plateforme de streaming américaine s’en empare avec les gros sabots qu’on lui connaît pour que cette ténébreuse affaire non élucidée refasse surface, et avec elle tout l’inconscient collectif qui entoure la Californie et sa criminalité.

Généalogie du mal

En janvier 2013 une étudiante canadienne d’origine chinoise, Elisa Lam, décide de s’offrir un voyage en Californie pour couronner son entrée dans l’âge adulte et faire face à ses inhibitions. A 21 ans, la jeune fille est en effet plutôt effacée et sa vie sociale comme amoureuse semblent être au point mort. Dans une page Tumblr elle consigne quotidiennement ses états d’âmes et ses espoirs : ceux d’un esprit plutôt doué, sensible, épris de littérature et de romantisme. Une jeune fille comme beaucoup d’autres à ceci près qu’elle est soumise à une médication assez lourde pour des troubles bipolaires constatés tout au long de son adolescence. Sans le sou mais bien désireuse de s’immerger dans le Lala Land de ses fantasmes – elle opte pour un hôtel en plein downtown, le Stay On Main, qui propose des chambres en colocation pour des prix défiant tout concurrence, le tout à quelques encâblures à peine du centre névralgique de la mégalopole. Elle ne sait pas encore que derrière le Stay On Main ce cache le Cecil Hôtel, un des plus vieux hôtels de L.A, situé en plein skid row, un des quartiers les plus pauvres et les plus violents des Etats-Unis, où s’entassent plus de 2000 sans-abri.

Un esprit plutôt doué, sensible, épris de littérature et de romantisme. Une jeune fille comme beaucoup d’autres à ceci près qu’elle est soumise à une médication assez lourde pour des troubles bipolaires

L’hôtel, qui fut plutôt luxueux lors de son ouverture dans les années 20, héberge désormais tout ce que le quartier compte de marginaux, de drogués et de souteneurs. C’est en espérant capter un nouveau public que la direction du Cecil a décidé d’isoler quatre étages et de les réserver à une clientèle plus chic : étudiants, touristes et petits négociants issus de la classe moyenne. Elisa Lam ne semble pas désappointée pour autant : arrivée dans la cité des Anges, elle applique scrupuleusement son programme. Elle assite à un enregistrement d’émission télévisée à Burbank, elle visite les studios, elle se rend dans une fameuse librairie du quartier où elle chine quelques éditions rares de ses livres préférés, elle déambule dans les rues ensoleillées et se laisse aller à son rêve californien.

Un problème d’eau courante

Dans ses post quotidiens, si elle dit être régulièrement la proie de types bizarres qui viennent l’accoster, mais pour autant elle ne fait pas particulièrement mention de l’atmosphère délétère qui règne à Skid Row. Enfant modèle, elle écrit chaque jour à ses parents pour leur relater son aventure. Pourtant, dans sa colocation, son comportement commence à déranger les autres filles : elle refuse d’ouvrir la porte certains soirs, elle laisse des mots désobligeants sur les oreillers et semble sujette à des espèces de bouffées délirantes. La direction décide alors de la placer au 4ème étage, dans une chambre seule. C’est le dernier étage du Stay On Main : juste au-dessus d’elle, commence le Cecil Hôtel et ses chambres peuplées de murmures. Le 31 janvier devait être la date de son départ : ce jour-là, elle ne donne pas de signe de vie à ses parents, qui tentent de la joindre et s’inquiètent. Devant le silence obstiné de leur fille, ils préviennent les autorités. La police de Los Angeles envoie une poignée d’enquêteurs : aucune trace de la canadienne dans sa chambre.

Lire aussi : Les zéros sociaux : Gabriel Attal

Toutes ses affaires sont encore là, comme si elle devait revenir dans la seconde. Mais elle ne revient pas et les jours passent. Les équipes sinophiles détectent bien son odeur près de l’escalier de service, mais la piste s’arrête là. Stupéfaction. L’enquête piétine pendant deux semaines. Au-même moment plusieurs clients de l’hôtel se plaignent à la direction : la pression est très faible dans les robinetteries et l’eau qui s’en écoule est saumâtre, malodorante, presque noire. Selon certains témoignages, « l’eau sent la transpiration ». La direction dépêche un employé afin qu’il vérifie la pression d’eau dans les citernes qui alimentent l’hôtel et qui sont disposées sur le toit du bâtiment. L’employé ouvre la trappe du réservoir principal et y trouve le corps d’Elisa Lam qui flotte, nu et à moitié décomposé. Fondu au noir.

Mystères en série

Rien ne va dans cette affaire : comment la jeune femme a-t-elle pu se hisser toute seule sur le toit ? En effet, pour accéder au toit, seulement deux moyens : un escalier de service qui traverse une corniche, sans aucun garde-fou, et une porte réservée au personnel, reliée à un système d’alarme. Peu probable qu’elle ait emprunté la corniche, suspendue à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du vide. Mais si elle est passée par la porte, pourquoi le système d’alarme ne s’est pas déclenché ? Et si elle a été victime d’un meurtre, comment le ou les meurtriers se sont-ils débrouillés pour transporter son corps sur le réservoir, perché à quatre mètres au-dessus du sol, sans provoquer la moindre contusion sur son corps ? Une vingtaine d’enquêteurs travaillent désormais sur le cas, mais tous se cassent les dents sur les incohérences de sa mort. D’autant que les médecins légistes peinent à établir les causes de son décès.

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