


Avant d’être une anomalie politique qui a contribué à faire entrer la France au forceps dans la post-histoire, Mitterrand est l’homme d’une époque et d’une génération. C’est la fameuse génération des baby-boomers qui a épousé voluptueusement son autoritarisme florentin maquillé en socialisme. Entre le Sphinx élyséen et les enfants des yéyés, biberonnés aux Trente Glorieuses, c’est presque une histoire incestueuse, l’un et l’autre procédant d’une même réalité « décentrée » : si les boomers sont sortis de l’histoire, Mitterrand est sorti du politique. Ces deux évacuations vont propulser la France dans le multicolore marasme que l’on sait. Retour sur une génération « sacrifiante ».
François Ricard parle de « génération lyrique » en brossant le portrait de cette génération née à la fin des années 50 et qui accède au pouvoir en 1981. Pour l’essayiste québécois, c’est la première génération qui fut conçue non comme une prolongation de la précédente, mais bien comme une sorte de nouveauté totale, une « génération zéro » destinée à faire oublier le monde d’avant. Aujourd’hui on parlerait volontiers de disruption, faute de mieux. Pourtant les baby-boomers ne sont pas exactement nés d’un clivage radical mais plutôt d’un glissement. La modernité des boomers se définit non « comme ce qui se distingue de l’ancien [mais comme ce qui] la poursuit pour elle-même, comme une valeur en soi » (Ricard).
L’issue de la Seconde Guerre mondiale venait d’ouvrir considérablement le champ des possibles : la technique, qui pouvait aussi bien se répandre dans un génocide que pacifier un pays par la stupeur atomique, avait peu à peu tiré à elle les draps du salut
L’HYPER-PRÉSENT DE L’APRÈS-GUERRE
L’ultime vestige de l’ancien monde qui résistait jusque-là aux assauts de la modernité, c’était la place de l’enfant dans un cycle de génération et de morts, un rôle réduit à une simple transitivité : jusqu’alors on procréait pour transmettre un legs, pour fertiliser l’avenir. Cependant l’issue de la Seconde Guerre mondiale venait d’ouvrir considérablement le champ des possibles : la technique, qui pouvait aussi bien se répandre dans un génocide que pacifier un pays par la stupeur atomique, avait peu à peu tiré à elle les draps du salut. Dans cet ultime geste de recouvrement, ce qui restait de l’enfantement n’était plus ni la transmission ni le besoin de prolonger son existence, mais simplement la gratuité de l’acte, la possibilité que son engeance ne soit pas fonctionnelle dans une réalité familiale qui lui est propre, mais spontanément indépendante dans une société désormais coupée de son socle ontologique.
La famille nucléaire était en train de céder sa place à une famille « quantique », où l’enfant devait jouer pleinement son rôle de particule affranchie de la gravité. Il n’était plus chargé en amont par la pesanteur des héritages, ni investi d’une quelconque mission sacrée, mais simplement défini comme un horizon indéterminé. Il se libérait en quelque sorte du cycle des causes et des conséquences, encouragé bientôt par la culture pop, les bandes dessinées et tout un éventail de divertissements conçus pour lui seul : un écrin culturel propre à soutenir et glorifier ce que Ricard nomme son « narcisse multitudinaire », c’est-à-dire une conscience de soi célébrée par un présent pur.
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GÉNÉRATION SPONTANÉE
Avant le boomer, l’enfance se réduisait à une poignée d’années et était souvent vécue comme une humiliation : avec lui elle prend désormais une dimension et une durée inédites, une parenthèse enchantée, dilatée dans le temps, qu’il faut remplir de chansons, de feux de camp, de cérémonies d’intronisation et de rituels néo-panthéistes. À ce titre, on peut noter que tous les héros de bande dessinée devenaient subitement orphelins, ou au moins sans parents directs : Spirou, sans ascendance, Tintin l’éternel adolescent âgé dans une asexualité réconfortante, ou même les fameux neveux de Picsou dont on ne connaîtra jamais ni le père ni la mère, tous ces héros de papier encourageant l’idée d’une génération spontanée qui culmina bientôt avec la culture yéyé et rock – et inventèrent jusqu’à la notion d’adolescent.
La culture urbaine fut la réponse collectiviste et anti-patrimoniale de ces enfants terribles, bientôt montée en épingle par les soviets mitterrandiens de la culture officielle
Ce fut l’époque où les cultures urbaines furent créées, au croisement d’une politique duplice qui entendait bien capitaliser sur cette subite élongation de la durée enfantine, et du réel besoin de faire sécession avec la tradition familiale. La culture urbaine fut la réponse collectiviste et anti-patrimoniale de ces enfants terribles, bientôt montée en épingle par les soviets mitterrandiens de la culture officielle[...]
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Dites, Elle, on vous dérange ? Nous, les jeunes femmes de droite ? Dire qu’on croyait qu’il fallait des quotas de femmes en politique ! Dire qu’on pensait que nous devions toutes devenir super copines pour lutter contre l’immonde mâle ! Si on ne pense pas comme vous, on devrait rester à la cuisine, c’est cela ?
Mais peut-être n’êtes-vous pas dérangés par notre sexe. Peut-être est-ce notre mise qui vous chiffonne. Dur de nous prendre en défaut sur notre vécu et les statistiques officielles. Vous attaquez donc notre physique. Ah, si seulement nous étions moches ! Pas entretenues exprès, une pilosité en guise d’opinion politique ! Si seulement nous étions comme les filles de gauche !
Nous nous sentons bien dans notre peau (et notre « genre »), merci ! Dans une société qui s'enlaidit de jour en jour, dans un quotidien toujours plus oppressant et dangereux, des jeunes femmes se lèvent à la recherche du beau et du juste. Les attaquer parce qu'elles sont jolies est au mieux indigne d'un journal féminin, au pire le témoignage d'une volonté délétère de soumettre les femmes à votre doxa.
Ne vous en déplaise, nous ne sommes pas instrumentalisées par des milieux trop « masculins » à votre goût : c’est par nécessité, et de notre propre chef, que nous élevons aujourd’hui la voix pour nous faire entendre ensemble, au-delà de nos saines différences de points de vue
Nous voyons notre corps comme notre pays : on l’entretient du mieux possible, sans le transformer, on l’aime et on le chérit pour ce qu’il est. Vous prétendez « liberté », nous comprenons « négligence » : vous vous malmenez, déformez, déchirez, et nous obligez à applaudir le désastre. [...]

Le Conseil d’État a confirmé hier la dissolution de Génération identitaire suite à votre référé-suspension. Quelle a été votre réaction ?
Nous avions en effet déposé un référé-suspension qui demandait à ce que nous puissions continuer à militer jusqu’à la décision finale du Conseil d’État. C’est ce référé-suspension qu’il a rejeté. Cette décision est scandaleuse dans la mesure où ce qui nous est reproché est totalement ubuesque. On nous accuse de faire le lien entre terrorisme et immigration alors que ce lien est reconnu par Emmanuel Macron ou encore Bruno Le Maire suite à l’égorgement de cette pauvre policière à Rambouillet. Cela est d’autant plus paradoxal que c’est le slogan « On les accueille, ils nous égorgent » qui nous a été reproché. Les récents événements nous donnent encore une fois raison. Ils ne vont pas pouvoir dissoudre la réalité, mais préfèrent se voiler la face et nous faire taire.
Il nous était aussi reproché d’essentialiser les étrangers. Nous avions fait une action sur un toit avec une banderole afin de demander de l’argent pour les Français et encore une fois on nous a accusés de discriminer les étrangers, alors que nous réclamions seulement la préférence nationale, comme le fait le Rassemblement national et tant d’autres personnalités politiques. Nous avons toujours dénoncé cette décision qui a des motifs purement politiques puisqu’aucun de nos porte-paroles n’a jamais eu aucun mot plus haut que l’autre. Nous sommes toujours restés dans le cadre de la liberté d’expression, et les opinions que nous exprimons sont partagées par une large partie de la population française.
Aviez-vous un maigre espoir d’inverser le processus ?
Pas vraiment, cette décision n’est malheureusement pas une surprise. On s’y attendait puisque le Conseil d’Etat n’est généralement que peu favorable à ceux qui expriment des opinions telles que les nôtres. C’est un procès politique, et c’est sans grande surprise qu’ils allaient continuer sur cette lancée. Mais nous avons quand même voulu essayer car nous ne voulions pas rester sans rien faire. Le fait d’accepter bêtement et simplement cette décision sans même protester ne nous paraissait pas normal. Il était nécessaire de pointer du doigt cette décision politique, quand bien même nous avions peu de chance de gagner.
Vous êtes accusés de xénophobie, de racisme, d’utilisation d’une rhétorique guerrière et d’agir comme une milice privée. Que répondez-vous à cela ?[...]
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10 - « Le monde est plein de vertus chrétiennes devenues folles » de G.K Chesterton
9 - « Il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des Russes, mais l'homme, je ne l’ai jamais rencontré » de Joseph de Maistre
8 - « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes » de Jacques-Bénigne Bossuet
7 - « Tout est morale dans les individus, tout est physique dans les masses » de Benjamin Constant
6 - « Droite et gauche sont des détaillants qui se fournissent auprès du même grossiste, l’Europe » de Philippe Séguin
Lire aussi : Sélectron : les citations (retravaillées) d’Éric Zemmour 2/2 [...]
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Dans le salon brillamment illuminé, l’aiguille de l’horloge était d’accord avec celle des montres des convives pour se rapprocher dangereusement de l’heure fatidique.
– Quand je pense qu’on est en plein couvre-feu, qu’il est presque minuit et qu’on reste encore assis là à bavarder, comme on faisait avant…
Chantal de S., en dépit de la quantité phénoménale de macarons qu’elle était parvenue à ingérer depuis la fin du dîner, supportait mal les digestifs et autres alcools forts. Son mari, Lucien, lança un regard désolé à son vieux copain E., et à leur hôte, Jean-Philippe.
– Eh bien on dira ce qu’on voudra, mais ça, c’est très français ! poursuivit la moraliste pompette. C’est très français de violer la loi en se réclamant de l’ordre, et de récriminer contre les atteintes aux libertés tout en se plaignant de l’absence d’autorité !
Être « très français », c’est être fier de l’être, et amoureux de la France jusqu’à en mourir
– Ma pauvre Chantal, répliqua aussitôt Mathilde en fixant les reflets mordorés de son verre de Chartreuse, je pense surtout que c’est très français de dire « c’est très français » – dans le but de dire du mal de ses compatriotes, passés, présents et futurs… Vu la manière dont vous l’utilisez, cette formule, qui vise chacun d’entre nous, devient un instrument d’auto-dépréciation masochiste, de culpabilisation collective, l’accessoire indispensable du petit collabo du « décolonialisme » contemporain !
– Mesdames, Mesdames ! s’interposa E., dissimulant derrière un front soucieux une forte envie de rire aux éclats. Allons, vous n’allez tout de même pas vous battre pour une formule ?
– Surtout aussi délicieusement française ! approuva Jean-Philippe, en hôte de choix.
– À ce propos, j’ai lu le mois dernier un papier de L’Incorrect où j’ai appris que sa première utilisation attestée remontait à la Monarchie de juillet – dans un roman de Marie Nodier, la fille de Charles, paru en feuilleton dans un journal fouriériste. À un personnage qui déclare qu’il n’a jamais su en vouloir à une femme, surtout quand elle est jolie, un autre répond en s’exclamant que « c’est très français, très chevalier…
– Très macho, oui, ça ne m’étonne pas, mon cher E., que vous ayez lu ça dans L’Incorrect ! bougonna Chantal, qui n’avait jamais été assez jolie pour que les messieurs ne lui en veuillent pas.
Lire aussi : Tribune des généraux : les Français approuvent massivement
– En fait, j’y réfléchissais en lisant ce papier, cette expression est intéressante en ce qu’elle nous dit de quelle manière les Français (car eux seuls sont légitimement autorisés à l’employer) se voient, comment ils conçoivent leur propre identité, ce qui les définit, ce qui les caractérise, ce qui les distingue, qui n’a d’ailleurs rien à voir avec le passeport[...]
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La possibilité de la transcendance et donc du désir était la dernière chose qu’il nous restait à détruire et par conséquent la seule que nous devions sauver. Le programme aujourd’hui consiste à vous laisser dans votre salon, seul, docile, face à un porno. C’est vrai que les gens meurent. L’impraticable et l’effacement ont gagné. Désirer est emprunté de l’étymologie considérer. Je suis au regret de vous annoncer que nous ne considérons plus rien. On cherche encore un peu à obtenir satisfaction. Par orgueil. Ou simplement pour passer le temps. Le désir est mort. C’était Dieu.
Le désir ne se vit pas il se pense, comme presque tout. Une lamentable certitude de volupté. On prend son matériau là où il se trouve. On copule entre fantômes. Le désir, personne ne sait bien ce que c’est. Un concept fou. Comme le peuple. « L’essence même de l’homme », l’appelait Spinoza, n’est rien. L’objet du désir n’est qu’un objet. Fluctuant et incompréhensible.
Le héros est celui qui ne cède pas sur son désir, disait Lacan. On enlève le mot désir. Le héros est celui qui ne cède pas
On veut arriver à un but pour la puissance. Seule prévaut la détermination. La petite parcelle de réalité perçue. Le petit vice. Le héros est celui qui ne cède pas sur son désir, disait Lacan. On enlève le mot désir. Le héros est celui qui ne cède pas. Désirer n’ouvre que des possibles. On ne désire finalement qu’une représentation, quelque chose qui comblera le manque ontologique. Quand il n’y a pas de manque, il n’y a pas de sujet. Le manque, l’excès et le déchet se formalisent dans le sexe ou l’argent. Posséder ce qu’on n’a pas encore. Pas très longtemps. Le temps n’est-il pas l’accident des accidents ? La propriété est un sentiment fugace. Le sujet est insatiable et productif. Il ne désire pas, il fait du chiffre. Le marketing transforme tout en besoin, et donc en aliénations et rebuts, addictions et aventures. Les désirs ? Les stratégies plutôt.
L’être ne peut sortir de lui-même. Les liens ne dépassent pas l’envie de découvrir un nouveau décor (qui n’a pas suivi quelqu’un juste pour avoir le plaisir de découvrir la décoration d’un appartement ?) Voir. Avoir. Savoir. L’autre disparaît sous le moi. L’acharnement est borné à lui-même. Le désir n’est qu’imitation. Envie d’avoir envie. Le désir est la libido de voir quelqu’un qui n’est pas là. Disait Cicéron.
Tout se dilue et se fond et parfois on est lasse de tout, jusqu’à ne plus pouvoir remuer la jambe avec l’idée. On a tellement peur du néant, qu’on fait semblant de s’intéresser à la vie – jusqu’au désir[...]
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