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Grégor Puppinck : « La notion d’islamophobie interdit toute critique »

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Publié le

7 mai 2021

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Le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) adressait le 30 avril dernier une lettre au rapporteur des Nations unies Ahmed Shaheed, après qu’il ait présenté un rapport particulièrement militant pour promouvoir la notion d’islamophobie. Entretien avec Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ.
gregorpuppinck

Qui est Ahmed Shaheed, dont vous pointez l’action ?

Ahmed Shaheed est un rapporteur spécial des Nations unies. Un rapporteur est une personne qui est choisie par le Conseil des Droits de l’Homme (47 États). Il s’agit d’un travail d’avocat, de promoteur, de défenseur des droits de l’homme. C’est une personne qui est censée être totalement indépendante, qui normalement n’est pas payée et donne beaucoup de son temps pour promouvoir tel ou tel droit. Au départ, Ahmed Shaheed est un homme politique, qui a ensuite été rapporteur spécial sur l’Iran. Il était donc chargé de promouvoir les droits de l’homme dans ce pays. Ensuite, lui qui avait un mandat spécifique sur l’Iran est étonnement devenu rapporteur spécial sur la liberté de religion. Il est donc censé être le défenseur de la liberté religieuse auprès des Nations unies, c’est-à-dire qu’il devait visiter les pays, faire des recommandations et prendre position en soutien de tel ou tel. Jusqu’alors, le rôle des rapporteurs était vraiment de défendre la liberté religieuse, avec une conception plutôt positive et égalitaire des religions, sans faire de distinction et en garantissant les mêmes droits à tout le monde.

En quoi son action est-elle devenue militante ?

Il a fait basculer le mandat dans une autre direction. La première surprise fut son choix assez radical de publier un rapport présenté au Conseil des Droits de l’Homme des Nation unies dans lequel il a fortement attaqué le christianisme et les réserves qu’ont les personnes chrétiennes à l’égard de la modernité. Jusqu’alors, le rapporteur précédent avait prôné des opinions courageuses et justes sur le droit et l’objection de conscience face à l’avortement. Monsieur Shaheed a lui opéré un basculement idéologique d’une approche favorable aux religions à une approche plutôt défavorable, s’agissant notamment des chrétiens et de leur rapport aux questions de mœurs.

Ce rapport sur l’islamophobie témoigne d’une volonté d’avoir une approche dialectique et non plus de transversale. Il oppose les communautés entre elles et prend l’attitude de la division dialectique, opposant la minorité persécutée à la majorité

Puis, il y a eu un deuxième rapport publié sur l’islamophobie, tout aussi problématique en raison du contenu, et même plus généralement en raison du choix de réintroduire cette notion au sein des Nations unies. Il y a eu de nombreuses années de débat autour de cette notion, qui a été progressivement minimisée. Ce rapport sur l’islamophobie témoigne d’une volonté d’avoir une approche dialectique et non plus de transversale. Il oppose les communautés entre elles et prend l’attitude de la division dialectique, opposant la minorité persécutée à la majorité. Plutôt que de chercher des solutions transversales applicables à tous sans distinguer les religions, il les oppose, ce qui est une approche intellectuelle vraiment moderne.

Aussi, il fait le jeu de l’Organisation de la Conférence Islamique qui à la fin du siècle dernier et encore en 2005 avait choisi de promouvoir la notion d’islamophobie en droit international aux Nations unies. Cela a été repoussé par un effort conjugué des pays occidentaux, mais on voit que monsieur Shaheed essaye de le réintroduire. Il n’a quasiment aucune considération pour le problème de l’islamisme radical et de la violence, qui ne sont pas même évoqués. Dans son précédent rapport, il fait le procès des chrétiens conservateurs, mais là ne dit pas un mot du problème des violences relatives à l’islam. Il serait intéressant d’étudier le contexte dans lequel monsieur Shaheed intervient car ce n’est pas un électron libre, mais quelqu’un qui est entouré d’une équipe et qui est soutenu.

Quelle est la définition donnée par Ahmed Shaheed de l’islamophobie dans son rapport au Conseil des Droits de l’Homme, et en quoi est-elle contestable ?

C’est la notion de phobie qui est contestable et qui est un problème général. Sa définition interdit toute critique. Or, l’un des fondements de la liberté religieuse liée à la philosophie des Lumières est que l’on peut changer de religion, la choisir et exercer un jugement critique sur elle. Avoir une attitude critique à l’égard de n’importe quelle religion, et de l’islam en particulier, doit être garanti via la liberté religieuse. Couvrir tout cela de phobie discrédite d’avance et interdit le jugement. Cela relève d’une approche marxiste car ces derniers traitaient leurs opposants de fous. C’est une psychiatrisation de la politique. Cette notion n’est acceptable ni sur le plan épistémologique ni sur le plan juridique.

e musulmans. Si on doit intégrer dans toute réflexion politique la dimension de l'islamophobie, ça veut dire qu’aucune décision politique ne doit aller à l’encontre des pratiques musulmanes

Ahmed Shaheed souhaite instaurer un « processus inclusif » et un « instrument non juridique ». Quel en serait l’impact de ses propositions dans les politiques publiques ?

Cela aurait les mêmes impacts que pour le genre. On entend toujours à l’ONU, et cela s’est ensuite répandu ailleurs, qu’il fallait avoir une approche « gender mainstreaming », ce qui veut dire que toute politique doit contenir une dimension de genre. Là, ce serait pareil : vous pensez la politique en y incluant une préoccupation ou une intention sur le phénomène de l’islamophobie, au même titre qu’on doit tenir compte de l’égalité homme-femme, des personnes handicapées et des questions de genre. En faisant ça, d’une part on neutralise les critiques et d’autre part on impose les mœurs et accepte les usages des familles de musulmans. Si on doit intégrer dans toute réflexion politique la dimension de l'islamophobie, ça veut dire qu’aucune décision politique ne doit aller à l’encontre des pratiques musulmanes. Ça devient un élément essentiel de notre mode d’action politique et cela ne finit forcément par islamiser la société[...]

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