Yuriy aurait été la victime innocente, celle qui passait-là, et qui se serait fait attraper par une bande de voyous, comme l’aurait été n’importe quel autre adolescent traversant la dalle de Beaugrenelle à 18h ce vendredi 15 janvier. Encerclé, roué de coups à dix contre un et laissé pour mort à même le béton – scène effroyable qui, saisie par les caméras de vidéosurveillance, a fait le tour de nos écrans – Yuriy serait le dernier martyr d’une trop longue série à tomber sous les coups de la racaille, cette gangrène française. La mère du jeune homme, particulièrement réactive médiatiquement, était la nouvelle incarnation de ces innocents faits victimes aléatoirement, et à laquelle il fallait dès lors s’identifier. Un seul mot d'ordre : #JeSuisYuriy.
Depuis une semaine, la droite croit tenir avec cet événement, comme elle le croit à chaque fait divers, la preuve de son analyse sur l’ensauvagement de la société qui fera enfin la différence politiquement. Preuve en est Valeurs actuelles, qui en a fait sa Une cette semaine. Beaucoup sont sincèrement scandalisés, les plus pervers exultent de tenir pareil trésor argumentatif : il faudrait des martyrs pour émouvoir et prouver ; en voilà un. Cette course en avant alimente des réactions toujours plus emphatiques et radicales qui, en plus d’essorer notre belle langue, ne gardent que peu de soucis de la réalité des faits. Le diktat de l’image et de l’instant accélère les prises de position et les rendent, du fait même de la sacralité de l’image et de sa supposée parfaite objectivité, particulièrement tranchées, faisant fi de tout contexte. Les réseaux sociaux et la machine médiatique se font caisses de résonance et finissent d’alimenter le capharnaüm général. [...]
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