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Angela Merkel pour mille ans ?

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Publié le

25 septembre 2017

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[qodef_dropcaps type=”normal” color=”red” background_color=””]d[/qodef_dropcaps]éjà chancelière lors du deuxième mandat de Jacques Chirac en 2005, Angela Merkel affiche une longévité impressionnante, faisant figure d’exception dans les grandes démocraties contemporaines.

 

Scientifique de formation, cette fille de pasteur luthérien aura côtoyé plus d’une centaine de chefs d’Etats européens, deux secrétaires généraux du Parti communiste chinois ou bien encore trois présidents américains. Une réussite stupéfiante qui peut s’expliquer par la forte personnalité et les résultats d’Angela Merkel, surnommée « la gamine » par Helmut Kohl puis affectueusement « mutti » après son accession au pouvoir. Une quatrième victoire qu’il conviendra pourtant de nuancer. Car, si la chancelière conserve la confiance d’une grande partie du peuple allemand, forte de ses succès sur le plan économique, le score de 33 % de la coalition CDU-CSU arrivée en tête est le plus faible depuis 1949.

Profitant notamment de la chute libre du SPD mené par un Martin Schulz décevant qui a péniblement dépassé la barre des 20,5 %, Angela Merkel devra composer avec une coalition hétéroclite, dite « Jamaïque », encore inédite au niveau fédéral, en raison de la présence des libéraux du FDP représentés par la couleur jaune et des Verts, les socio-démocrates ayant d’ores et déjà fait part de leur refus de gouverner avec la droite. Un attelage qui sera certainement très difficile à mener, les oppositions entre le FDP et les Verts étant légions, de la place du diesel aux fâcheuses questions migratoires qui ont fait le lit de l’AfD. En outre, les Verts pourraient imploser, tiraillés entre une aile droite tentée par la collaboration et une aile gauche difficilement maitrisable, très radicale sur les sujets de société.

Les deux grands partis historiques de l’Allemagne d’après-guerre réalisent donc leur score cumulé le plus faible, en deçà même de celui de 2009 et très loin des résultats observés entre 1957 et 2001 où CDU-CSU et SPD réunissaient toujours plus de 75 % des suffrages exprimés. Première interrogation : comment expliquer cette défiance peu commune pour les grands partis de gouvernement dans une Allemagne souvent conformiste sur le plan politique ? Fait le plus notable, le FDP (+ 5,7 points par rapport à 2013) et le tout jeune AfD (+ 8,8) ont profité de la vague d’impopularité qu’a subie Angela Merkel auprès de certaines catégories de la population, tant les couches supérieures regrettant que le CDU tourne le dos à une politique résolument conservatrice revenues vers le FDP, que ces Allemands de différents horizons inquiets par le terrorisme islamiste et la submersion migratoires qui ont été séduits par le discours offensif de l’AfD.  Différence importante avec la France, les catégories populaires n’ont pas fui le SPD et l’union CDU-CSU, le champ électoral allemand se clivant plutôt autour de la pyramide des âges ou des territoires, du sud catholique au nord-est protestant.

Seconde interrogation : l’AfD s’inscrira-t-elle durablement dans la vie politique allemande ? Avec plus de 90 députés, ce parti qualifié de « populiste », devient la troisième force du Bundestag. Une ascension fulgurante qui masque pourtant mal les difficultés internes d’une formation troublée par les querelles de personnes. Créé en avril 2013, l’AfD était alors surnommé le « parti des professeurs » avant de muter en parti populiste plus traditionnel, centré sur le combat dit « identitaire ». Née au plus fort de la crise grecque, cette plate-forme souverainiste composée d’intellectuels et d’économistes en guerre contre l’Europe du sud, accusée de profiter de la générosité allemande, s’est radicalement transformée sous l’impulsion d’une femme originaire d’Allemagne de l’Est, souvent comparée à Angela Merkel : Frauke Petry de son nom. Sacrifiant la ligne défendue par son mentor Bernd Lucke, la députée européenne a compris que la faille du CDU était la politique migratoire.

Pourtant, celle qui déclarait à l’issue des élections régionales partielles de Mecklembourg-Poméranie de septembre 2016 qu’elle assumait « être de droite », a brutalement claqué la porte de l’AfD à l’annonce de son élection comme députée de Saxe. Légèrement « drama queen », Frauke Petry a profité de la tribune qui lui était donnée pour faire étalage de ses divergences avec les nouvelles têtes dirigeantes de l’AfD. Pointée du doigt Outre-Rhin pour être responsable d’une « radicalisation » du parti, Frauke Petry le quitte aujourd’hui parce qu’elle se trouve en désaccord avec un cadre comme Alexander Gauland, jugé trop outrancier. Il faut bien admettre que l’homme a tenu des propos particulièrement ambiguës et dérangeants pour des oreilles françaises, au cours d’un meeting le 2 septembre dernier : « Si les Français ont le droit d’être fiers de leur empereur [Napoléon] et les Britanniques de l’amiral Nelson et de Churchill, alors nous avons le droit d’être fiers des performances des soldats allemands durant la Seconde Guerre mondiale ».

Un discours qui faisait d’ailleurs écho à des déclarations pangermanistes de Björn Hörg, autre cadre du mouvement. Nous aurions tort de faire peser sur les jeunes générations allemandes une culpabilité excessive pour des faits commis il y a plusieurs décennies, mais il serait tout aussi inacceptable de fermer les yeux sur ce qui pourrait devenir un jour, une réhabilitation d’un régime criminel qui a tant fait souffrir les Européens. Oui, les Allemands doivent défendre leur nation contre ce qui menace de la faire disparaître et n’ont pas à s’excuser d’être ce qu’ils sont. Toutefois, l’excès ne pourrait que leur porter préjudice, réveillant des fantômes désagréables pour les voisins français, polonais ou néerlandais.

Divers, l’électorat de l’AfD l’est assurément dans sa géographie politique, mobilisant 35 % d’abstentionnistes lors des législatives de 2013, 24 % d’électeurs de l’AfD confirmant leur choix précédent, 21 % d’électeurs déçus du CDU-CSU, 10 % du SPD et 6 % venus de l’extrême gauche post RDA du parti Die Linke. Il l’est toutefois beaucoup moins dans ses préoccupations, tant ce vote conjoncturel répond principalement à la crise migratoire, mais aussi, à l’Est, à un sentiment de relégation sociale. D’ailleurs, le portrait robot de l’électeur moyen de l’AfD dessine un ouvrier de sexe masculin, d’âge moyen (45 ans) et vivant à l’Est de l’Allemagne. L’AfD est même la deuxième force politique en ex-RDA, devançant Die Linke de 5 points ! Le paysage politique allemand s’est complexifié autour d’enjeux auparavant mineurs outre-Rhin, rattrapant la France de l’immigration. Angela Merkel saura-t-elle y répondre ? Réponse dans quatre ans…

 

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