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Antoine Volodine, Poète-monstre pour époque finale

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Publié le

21 janvier 2019

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Antoine Volodine chez lui - Orléans - 20 septembre 2018
Avec Frères sorcières, le concepteur génial du post-exotisme offre encore, en cette rentrée d’hiver, l’un des livres les plus sublimes et déments que puisse produire notre littérature actuelle. Rassemblant trois textes très différents dans la forme mais sculptant chacun la même pâte étrange, le livre de Volodine envoûte d’abord son lecteur avec l’interrogatoire post-mortem d’une comédienne, dont on suit le parcours après qu’elle a été capturée par une horde et qui se défend contre l’adversité en scandant des slogans hallucinés. La partie centrale propose alors la totalité des « Vociférations » en 49 groupes de phrases magiques. Enfin, « Dura nox, sed nox » déroule une phrase unique de 120 pages qui aspire le lecteur à travers les nombreuses réincarnations d’un mage en un kaléidoscope frénétique et somptueux. Dans Frères sorcières, il nous paraît lire l’écho de l’esclavage sexuel et des viols de guerre qui, récemment, furent d’une ampleur inédite en Syrie. Comment les horreurs concrètes voyagent-elles jusqu’aux mondes oniriques du post-exotisme ? Nos livres puisent une bonne part de leur matière dans l’histoire, dans les traumatismes et les cauchemars du XXe siècle, qui débordent à présent largement sur le XXIe siècle. Les révolutions ratées et trahies, les guerres incessantes, les offensives impérialistes, les génocides, les nettoyages ethniques. Nous prenons cela comme images insupportables de base et nous transformons ces images grâce à un filtre onirique et politique qui nous est spécifique. Le titre du livre laisse présager que vous allez exploiter le thème si à la mode du « genre ». Pourtant, le post-exotisme ressasse des mantras politiques rouges et n’intègre pas le vocabulaire des idéologies contemporaines… Les auteurs post-exotiques auraient bien du mal à intégrer à une des idéologies constituées et ayant pignon sur rue dans les sociétés contemporaines. Leur rêverie idéologique reste inébranlablement fidèle aux idéaux, à la manière et aux langues des combattants égalitaristes qu’ils ont été avant leur mise à l’écart du monde, à l’intérieur de leur prison, au cœur de la création poétique collective qui aboutit aux livres que nous signons. C’est dire aussi à quel point nous sommes perplexes face à certains débats contemporains. Nous avons par exemple parmi nous des féministes radicales et radicaux, dont les positions ont été illustrées dans Terminus radieux et dans Herbes et golems. Leur approche n’entre pas en contradiction avec les expressions du féminisme d’aujourd’hui, mais elle est vraiment différente. Dans « Dura nox, sed nox », le narrateur ironise sur la gloire éditoriale de Volodine. Elle fut encore accrue par le prix Médicis qui couronna Terminus radieux en 2014. Comment les voix du post-exotisme composent-elles avec ce prestige institutionnel ? La gloire éditoriale… tout est relatif. Le prestige institutionnel… quelle exagération ! Non, en réalité, les écrivains post-exotiques ont la chance d’avoir pu survivre dans un contexte éditorial qui, pour des multiples raisons, mais bien politiques et surtout artistiques, littéraires, de mode, ne leur était pas favorable. Gloire à ceux et celles qui les ont aidés à ne pas sombrer dans les ténèbres ! Le premier texte se présente comme un interrogatoire dans le Bardo. Il s’agit là de deux leitmotivs du post-exotisme : l’interrogatoire de police et l’errance dans le Bardo, qui semblent avoir été hybridés en un seul. Le post-exotisme évolue-t-il naturellement ainsi, par hybridation, déclinaison, voire distorsion de ses propres thèmes ? Il y a longtemps que je n’avais pas eu recours au procédé formidablement efficace de l’interrogatoire. Pour raconter une histoire, c’est très pratique, et intervenir dans la narration en en corrigeant les longueurs, par exemple, est tout à fait jouissif: accélérez, vos images n’apportent rien, passez sur les détails, assez de sentimentalisme inutile, etc. Ici c’est un juge des morts qui mène le dialogue, et une femme qui raconte sa vie sans avoir compris qu’elle est déjà dans l’au-delà. Oui, c’est une variation sur une méthode de récit, parce que l’interrogateur n’est pas très brutal. Le souhait de la compagnie de théâtre dans « Faire théâtre ou mourir » est de revenir aux origines archaïques du théâtre, ce qui relève d’une démarche typique des avant-gardes. Comment s’inscrit le post-exotisme par rapport à ces mouvements ? La troupe de théâtre dont faisait partie Eliane Schubert, « La Compagnie de la Grande-nichée », vit dans un monde du désastre, traverse des pays dévastés, retournés à la barbarie et au banditisme. De façon empirique, les membres de la Compagnie cherchent à retrouver, quand ils le peuvent, le caractère sacré du théâtre : du souffle, une incarnation, de la magie. Ils ne se situent pas dans un débat savant sur l’histoire du théâtre et de ses origines. (...) À découvrir dans le dernier numéro de L’Incorrect et en ligne pour les abonnés.
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