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Le retour du Baron noir

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Publié le

13 février 2020

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Louée pour son réalisme et sa prescience, la création originale de Canal + Baron Noir avait répondu à toutes les attentes lors de sa deuxième saison. Nous étions donc impatients de revoir Kad Merad dans son rôle jouissif de Philippe Rickwaert, cador socialiste du Nord et grand tacticien de la chose politique.

 

 

Les qualités intrinsèques de ce qui est devenu l’étendard de la chaîne cryptée – avec Le Bureau des Légendes – sont une nouvelle fois au rendez-vous. Dans l’ensemble, la troisième itération de Baron Noir séduit. Le scénario est riche, réservant de nombreux rebondissements qui tiendront en haleine les téléspectateurs les plus exigeants. Il est aussi bien servi par des interprètes en pleine forme, notamment Kad Merad et Rachida Brakni dont le couple politique irradie. Mais cela était prévu, su par avance. Nul ne pouvait en revanche prévoir quelle orientation prendraient les scénaristes. La deuxième saison s’arrêtait sur le triomphe du nouveau monde d’Amélie Dorandeu, après avoir anticipé les troubles qui ont agité la gauche française autour du communautarisme et du séparatisme identitaire dans les banlieues. Changement de cap pour cette troisième saison ayant pour axe principal l’opposition entre les défenseurs de la démocratie représentative et un leader d’opinion démagogue, largement inspiré par les thèses d’Etienne Chouard sur la démocratie directe et le tirage au sort des parlementaires.

 

La première partie de la troisième saison montre donc la rédemption et la renaissance d’un homme de parti au sein d’une gauche divisée.

 

« Le nouveau monde ? Une bonne grosse enculade ! La droite, la gauche ; c’est indépassable », rugit un Philippe Rickwaert sorti de ses ennuis judiciaires. Revanchard, l’homme croit en son étoile parce qu’il a une « ligne » à opposer à son ancienne maîtresse : sociale et universaliste. La première partie de la troisième saison montre donc la rédemption et la renaissance d’un homme de parti au sein d’une gauche divisée. Pour accomplir son destin, Rickwaert doit faire le deuil du Parti socialiste qu’il envisage un temps de diriger. Constatant que l’affect et la détestation valent mieux que l’indifférence, il juge pour lui le temps venu de rejoindre Debout Le Peuple de Michel Vidal (parfaites copies de La France Insoumise et de Jean-Luc Mélenchon),  en dépit de sa défiance à l’égard du populisme et de la personnalité de ce dernier. Philippe Rickwaert se sait à l’épreuve des balles, sent que son heure est enfin venue : « Je suis toujours passé après. Je me suis oublié, j’ai été au service d’autres. Jusqu’à la taule. Ca c’est fini »

 

La première partie de la troisième saison montre donc la rédemption et la renaissance d’un homme de parti au sein d’une gauche divisée.

Pour y parvenir, l’ancien socialiste ne recule devant aucun stratagème, s’éprouvant lors des élections régionales dans les Hauts-de-France, sans hésiter à broyer au passage son ancien protégé Cyril Balsan de l’aile gauche de la majorité présidentielle de synthèse, qui avait été nommé entre-temps ministre de l’Education nationale grâce à son action à la tête d’un mouvement républicain de gauche opposé au communautarisme. Pressentant son futur échec à sa réélection, la présidente Amélie Dorandeu a alors une idée qui achèvera de faire basculer cette France plus vraie que nature dans le chaos : un référendum portant sur les institutions. Proposant une méthode « disruptive » pour en finir avec l’hyperpersonnalisation de la vie politique française, elle demande au peuple français s’il serait d’accord pour supprimer l’élection présidentielle.

Ce référendum institutionnel destiné à en finir avec les blocages et la défiance populaire produira ses effets en divisant la gauche en deux camps antagonistes. Les partisans de Vidal, plongés dans une logique d’affrontement jusqu’au-boutiste n’hésitant pas à afficher leurs connivences avec Mercier qui veut abattre définitivement le « système » en votant non et en glissant massivement des bulletins nuls dans les urnes, et ceux de Rickwaert, convaincus qu’ « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Dans un discours assez beau, ce dernier se montre le fervent militant de l’union de la gauche et le défenseur d’une forme de « décence commune » pragmatique héritée des grands penseurs classiques du socialisme français, lecture plébéienne opposée à celle très idéologique du camarade Vidal.

 

Lire aussi : Baron Noir saison 2 : la solitude du pouvoir

 

 

Ce qui est la force de Baron Noir est aussi sa faiblesse. Les personnages de gauche sont admirablement bien écrits, leurs idées et leurs luttes internes parfaitement comprises et retranscrites. A contrario, la droite et le Rassemblement national font pâle figure et offrent des caricatures assez grossières, bien que Chalon soit assez habile et dépeint sous un jour moins sombre que le révolutionnaire Mercier. Il est ici clair que les scénaristes ont admis que le RN se trouvait désormais dans le champ républicain, cherchant à conquérir le pouvoir par les voies légales et non par la rue. Le dialogue entre Mercier et Chalon autour du 6 février 1934 en donnant l’éclatante confirmation finale. En bout de course, le RN finit même par être siphonné par les populistes opposés à la démocratie représentative, dans un remake inversé de la relation ayant réuni le Mouvement 5 Etoiles à la Ligue.

 

Ce qui est la force de Baron Noir est aussi sa faiblesse. Les personnages de gauche sont admirablement bien écrits, leurs idées et leurs luttes internes parfaitement comprises et retranscrites.

 

De cette très bonne fable, quelques enseignement peuvent être retenus. Le premier d’entre eux est que la machine politique et institutionnelle française est en bout de course. Notre système électoral ne garantit plus la légitimité, notre société étant par trop fracturée. Baron Noir le montre très bien, y compris dans son faux « happy end » de fin. Cette déconnexion du pouvoir et de la rue offre la voie à des aventures plus que périlleuses, puisqu’il n’y a pas d’échappatoire possible dans le champ politique traditionnel. Il paraît que Macron et ses équipes regardent ensemble la série. Elle devrait les faire réfléchir. Le second, peut-être le plus essentiel, est que la grande politique est un noble combat. Philippe Rickwaert aime l’art de la combinazione, mais avant tout pour servir un idéal. Il montre que la politique est faite par des militants, des colleurs d’affiches et des petites mains. Quand le vent mauvais souffle, il faut savoir courber l’échine et patienter … jusqu’à la victoire.

Gabriel Robin

 

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