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Cannabis : Nicolas Dhuicq est contre un petit pétard

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Publié le

21 juin 2019

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Ancien député de l’Aube, Nicolas Dhuicq est maire de Brienne-le-château et médecin-psychiatre. C’est en cette qualité que nous l’avons interrogé sur le débat en cours relatif à la légalisation du cannabis. Explications.

 

 

GR-Jugez-vous que la France doit finir par légaliser la vente de cannabis ?

ND-L’idée de la légalisation se fonde sur des arguments d’ordre purement économique inscrits dans une logique néolibérale. Ils comparent le coût de la lutte contre la consommation illicite, avec les recettes attendues par des taxes sur une consommation régulée par la puissance publique. C’est faire fi du coût en terme d’accidentologie sur la route, de baisse des capacités d’apprentissage et de concentration au travail, ou pendant la formation, et surtout du coût sanitaire dans la population à partir de la pré-adolescence.  Il est nécessaire qu’une société pose des interdits structurants pour permettre aux adolescents de devenir des adultes en transgressant ceux-ci modérément. Si l’on autorise tout, cela poussera les plus jeunes à aller plus loin dans le risque et la recherche de limites.

la légalisation engendrera, de ce fait, la quête de la transgression vers d’autres produits interdits

C’est une naïveté coupable de penser que la légalisation engendrerait une baisse de la consommation, en quantité de prises et de concentration de toxiques par prise. Car, dans chaque dépendance il y a toujours la recherche de doses toujours plus élevées pour obtenir l’effet recherché, ne serait-ce que pour des raisons biologiques d’accoutumance. Et, dans les toxicomanies, la recherche des limites et le jeu avec la mort ne doivent pas être oubliés. Or, la légalisation engendrera, de ce fait, la quête de la transgression vers d’autres produits interdits.

 

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Quels sont les dangers de la consommation de cannabis ? Y-a-t-il une corrélation entre une consommation régulière et le développement de certaines maladies mentales ?

Depuis le milieu du XIXeme siècle, avec les travaux de Moreau de Tours en 1845 en particulier, l’Europe connaît les dangers de la consommation régulière, c’est le fameux syndrome amotivationnel. Des pays comme l’Egypte le savent depuis longtemps.

Je vois trois types d’effets. 

Premièrement, les baisses de capacités cognitives, avec diminution des capacités d’apprentissage et de mémorisation, ce qui est préjudiciable sur des cerveaux en formation, de plus en plus tardive dans notre espèce. Mais aussi, pour les adultes, les risques lors de la conduite de véhicules, et la baisse des performances professionnelles.

Ainsi, c’est un facteur de décompensation et d’entrée en schizophrénie.

Deuxièmement les effets sur des personnalités fragiles à la base, avec le mauvais pronostic si une personne ressent des effets anxiogènes ou dissociatifs avec le cannabis. Ainsi, c’est un facteur de décompensation et d’entrée en schizophrénie. Des études scandinaves sérieuses, car effectuées sur des périodes longues et des cohortes importantes de sujets, montrent une augmentation d’un facteur six des risques. Dans une société de plus en plus immature et confrontée à l’immédiateté, un toxique qui ralentit et désocialise n’est pas bon.

Troisièmement il faut réfléchir que les effets d’une consommation débutée à douze ans, au collège, avec des substances très dosées en principes actifs, seront bien plus délétères qu’une consommation occasionnelle  chez un post-soixante-huitard, ministre ou cadre supérieur, qui rêve du temps où il séduisait en jouant les rebelles en poils de chameaux, pour paraphraser un ancien Président de la République ! 

 

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L’alcool peut aussi provoquer de la dépendance, de même que certains médicaments. Par ailleurs, certains médicaments sont des dérivés d’opiacés. Quelle différences voyez-vous avec le cannabis ?

Nous sommes inégaux biologiquement et génétiquement devant les risques de dépendance, mais aussi socialement. Un pré-adolescent de milieu socio-économique plus bas qui n’a pour modèle que le trafic et la consommation n’a pas les mêmes risques. Il faut se souvenir que pour développer ce que l’on nommait une toxicomanie, il faut la rencontre entre une personnalité, un produit et une société. Les produits ont des effets différents, la cocaïne et la nicotine sont psychostimulants. Mais tout le monde ne devient pas dépendant à l’alcool par exemple, toute personne n’a pas ce que l’on nomme populairement le « vin triste », en termes techniques : un passage dysphorique.

la recherche de doses toujours plus importantes en principes actifs, mais aussi, comme pour les cigarettes, la concurrence des prix associée à l’absence de frontières et à des niveaux de taxes différents, n’aboliront pas le marché illicite, malgré la légalisation

L’essentiel réside en deux questions. Quelle est cette société d’adultes défaillants, de politiques incapables de donner une explication du monde, qui poussent les plus jeunes à se réfugier dans les paradis artificiels ? Quels sont les liens entre le capitalisme financier et les profits liés aux toxiques ? Il faut se souvenir des liens entre les guerres de l’opium imposées par le Royaume Uni à la Chine, et la création de la banque HSBC. Aujourd’hui les mafias blanchissent beaucoup d’argent qui sert à donner du cash aux circuits officiels bancaires, comme dans la question des déchets, par exemple. Il est naïf de croire qu’il n’y aura pas de blanchiment dans les circuits de production, même officiels.

Enfin, la recherche de doses toujours plus importantes en principes actifs, mais aussi, comme pour les cigarettes, la concurrence des prix associée à l’absence de frontières et à des niveaux de taxes différents, n’aboliront pas le marché illicite, malgré la légalisation. Souvenons-nous que le prix des paquets de cigarettes dans l’Union Européenne dépend beaucoup des prix de vente de départ, avant les taxes, pratiqués dans les différents pays par les grandes compagnies américaines. Je n’ai jamais eu, comme député, de réponse à cette question de nos ministres !

 

Lire aussi : Agnès Thill : « Je suis inquiète par la résurgence de cet intégrisme laïcard »

 

Des pays voisins ont adopté des législations moins sévères sans qu’ils aient enregistré une consommation plus forte. Qu’en pensez-vous ?

Encore une fois, il faut tenir compte de l’aspect culturel. Dans l’alcool, la consommation aigüe et massive pour rechercher l’ivresse, était surtout du type pratiqué en Suède, pays protestant puritain. Aujourd’hui ce type d’alcoolisation touche aussi les pays latins.

Voulons-nous un peuple libre et souverain, non tenu en servitude par du pain et des jeux ?

Les deux vraies questions sont toujours : premièrement voulons-nous un peuple libre et souverain, non tenu en servitude par du pain et des jeux, aujourd’hui ajoutons des toxiques, et secondement, les adultes sont-ils encore capables d’offrir une place, un espoir et une vision du monde aux plus jeunes ?

Propos recueillis par Gabriel Robin

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