Skip to content

Deux amis ouvrent une librairie conservatrice à Nancy

Par

Publié le

5 juin 2020

Partage

[vc_row][vc_column][vc_column_text css=”.vc_custom_1591359327798{margin-right: 25px !important;margin-left: 25px !important;}”]

Sylvain Durain est un essayiste lorrain, qui publie régulièrement portraits et analyses dans les pages de L’Incorrect. Avec un ami, il ouvre une librairie à Nancy. Leur objectif : “la réappropriation physique, géographique et sociale du bien culturel”. Entretien.

 

Deux librairies emblématiques ont récemment fermé dans le Quartier latin. A contrario, Amazon fait des chiffres record. Qu’est-ce qui vous donne espoir pour ouvrir une librairie dans ce contexte ?

 

Sylvain Durain : Le Quartier latin a vu aussi « La Nouvelle Librairie » ouvrir ses portes et, malgré les attaques, force est de constater qu’elle est bien présente dans ce quartier emblématique de Paris. Prenant exemple sur elle et sur « La Libraire Française », nous avons pour ambition de réinvestir le centre-ville de Nancy en créant une librairie, certes, mais aussi un lieu de vie avec tous les mois deux événements marquants : conférences, débats, dédicaces, expositions, etc. Nos visiteurs pourront aussi, à terme, découvrir des produits locaux et passer un moment convivial dans nos locaux grâce à notre espace détente. La librairie tiède c’est terminé, il faut mettre à jour nos pratiques et proposer un cadre permettant aux gens de se réunir, pourquoi pas autour d’une bière brassée à quelques kilomètres de chez nous ?

La réalité, c’est que cet espace est attendu par un grand nombre de personnes qui se plaint d’un manque de concret, d’une virtualisation à outrance, de l’impossibilité de trouver certains livres et de l’absence d’un lieu dans lequel les concepts d’enracinement et de conservatisme ne seraient pas synonymes d’extrême-droite. Notre espoir est là : combler ce manque par une incarnation.

 

Lire aussi : Insurrection progressiste : Nous ne ploierons pas le genou !

 

Alexis Forget : Avec le terme « d’enracinement », Sylvain pointe du doigt quelque chose de fondamental : si la finalité première de ce ré-enracinement touche à l’identité de l’être, c’est que, comme l’écrivait le philosophe nancéien Georges Vallin, « l’objectivation uniformisante du monde semble aller de pair avec la désindividualisation de l’homme »1 et qu’il est impératif pour l’homme de regagner son indépendance dans l’exercice de la vie en société. Notre espoir n’en est donc pas un, c’est une espérance, celle de participer avantageusement, dans la mesure de nos moyens, à la dissolution de ce que Saint Thomas d’Aquin appelait materia signata quantitate.

 

 
Quel sera la ligne de votre établissement concernant les auteurs et les thèmes abordés ?

 

AF : Comme dit plus tôt, nous avons ambitionné d’ouvrir en Lorraine, à Nancy, un lieu de culture dont l’objet serait le conservatisme dans son acception la plus large afin de proposer le plus vaste choix d’ouvrages à qui viendrait flâner entre les étales mais sans doute nous faut-il d’abord préciser ce que nous entendons par conservatisme. En le définissant, dans un petit texte publié à la Pentecôte, comme « le courant politique dont l’objet demeure le Bien commun à travers l’assomption des lois naturelles, de l’héritage de ce qui constitue l’essence de la société où il s’exprime et de la dénature de l’être aux secours nécessaires composant cette société », nous avons souhaité redonner à l’homme la dignité qui est la sienne dans l’ordre naturel, sans oublier pour autant, avec Joseph de Maistre, que « l’état de nature est contre-nature »2, considérant l’origine et la destination de l’homme. C’est donc à travers ce prisme que seront proposés les différents ouvrages du catalogue.

SD : Effectivement, ce terme de « conservatisme » tel que vient de le définir Alexis nous permet de nous positionner clairement tout en restant assez large dans la proposition des ouvrages. Ainsi, nous montrerons notre réelle indépendance en recevant des auteurs académiques comme le Pr Michel Maffesoli dont la venue est prévue pour novembre mais également des auteurs plus « subversifs » le moment venu. Notre but est de couvrir tout le spectre qu’engage le terme de conservatisme. Et pourquoi pas organiser des débats avec des progressistes ? Mais oseront-ils venir se frotter à des idées divergentes ? Tendre la main, c’est aussi faciliter le débat ou voir cette main ignorer par le camp d’en face.

 

 
La clef des libraires qui fonctionnent aujourd’hui semble être la proximité avec des clients réguliers, et une communication dynamique sur les réseaux sociaux. Comment comptez-vous animer votre librairie ?

 

SD : Nous sommes déjà très présents sur les réseaux, notre compte Facebook compte plus de 1000 abonnés alors que nous ne sommes pas encore ouverts. Vidéos, textes, annonces, nous utiliserons tous les moyens modernes pour nous faire connaître et ramener la jeunesse, notre cible première, au livre. Moi qui viens d’un milieu ouvrier, je peux vous assurer que lire a changé ma vie et mon regard sur celle-ci. Sans la lecture, je ne serais pas celui que je suis aujourd’hui. Lire c’est aussi choisir de bons livres et, pour cela, il faut être guidé. Quoi de mieux qu’une librairie au catalogue conséquent et deux libraires sympathiques pour être aiguillé dans ses choix ?

 

 

 
Votre projet s’inscrit-il dans une démarche de décentralisation de lieux de culture, dans des territoires périphériques qui en sont de plus en plus dépourvus ?

 

AF : Votre emploi du terme « périphérique » est intéressant parce que symptomatique de la vision parisienne, si vous me permettez d’être taquin ; Paris n’est pas la France et la culture n’est pas l’apanage des 12 millions d’habitants d’Ile-de-France, tandis que les 55 millions restants constitueraient une massa damnata à qui elle demeurerait insaisissable. En vérité, profondément attachés à notre terroir, c’était logiquement à Nancy, capitale des ducs de Lorraine, que nous avions vocation à nous installer. Mais il est vrai qu’à l’heure du tout numérique, cela participe d’une réappropriation physique, géographique et sociale du bien culturel qu’il faut absolument encourager.

SD : Comme me le rappelait Jean-Marie Cuny, écrivain et ancien libraire lorrain, Nancy était la ville de France qui comptait le plus de librairies par habitants. Il y en a moins aujourd’hui et une chose est certaine, aucune dans tout le Grand Est n’est sur cette ligne. Nancy est également une place forte du fait de son histoire (doit-on rappeler les personnages ou les événements qui sont sortis de nos terres ?), mais aussi par la richesse des personnalités qui y vivent et y travaillent aujourd’hui. Nous voulons bâtir, faire parti des « constructeurs » comme disait Céline, face aux « destructeurs » si nombreux de nos jours. Pour faire vivre nos idées, les incarner dans le réel, tout en gardant cette vision à la fois régionale et nationale, il nous semble qu’une librairie est le meilleur endroit possible.

Pour terminer, nous invitons les lecteurs de l’Incorrect à nous soutenir par le financement participatif que nous avons mis en place et qui se termine le 30 juillet. Aidez-vous à acquérir le lieu que vous méritez ! fr.ulule.com/lesdeuxcites/

 

Propos recueillis par Louis Lecomte

 

Suivez la librairie Les deux cités sur ses réseaux sociaux :

 

 

1Georges Vallin, Être et individualité, Paris, PUF, 1955.
2Joseph de Maistre, De l’État de nature ou Examen d’un écrit de Jean-Jacques Rousseau sur l’inégalité des conditions, 1795.

 

[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]

EN KIOSQUE

Découvrez le numéro du mois - 6,90€

Soutenez l’incorrect

faites un don et défiscalisez !

En passant par notre partenaire

Credofunding, vous pouvez obtenir une

réduction d’impôts de 66% du montant de

votre don.

Retrouvez l’incorrect sur les réseaux sociaux

Les autres articles recommandés pour vous​

Restez informé, inscrivez-vous à notre Newsletter

Pin It on Pinterest