Une rentrée sous le signe du western – horizon, vertige, duels –, voilà ce que nous vous proposons, sous l’inspiration d’Audiard, afin d’entamer ce nouveau cycle selon une grande perspective. Parce qu’il faut régulièrement se remettre en face de l’inconnu, tout rejouer, risquer le désert, pour entretenir la pression sanguine nécessaire.
Ce n’est pas, malheureusement, la diététique que suit un Laurent Ruquier, reconduisant cette année encore Christine Angot, périmée depuis l’origine, comme commissaire esthétique de son causant spectacle. C’est que l’époque manque d’exigence comme d’imagination. Comme du plus simple discernement. En témoigne également la place accordée à Michel Onfray sur France Culture, cet été, où le père fouettard de l’hédonisme a pu durant des heures aligner ses sophismes, ses déconstructions niveau CE1, sa christianophobie primaire, pour s’affirmer décidément comme le sous-Sartre d’une époque tellement abêtie qu’on s’y réfère à la première paire de lunettes venue, surtout quand celui qui les porte vous propose seulement de vous lécher les doigts sans vous déranger tandis que le navire heurte un iceberg.
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Certes, alors que je rédige cet édito, il y a deux bonnes nouvelles : Kaaris et Booba sont en prison. Ces débiles aux pseudos de peluches sont hors d’état de nuire à nos oreilles et à la langue française pour quelques précieuses semaines durant lesquelles, malgré tout, « Maître Gims » (autre peluche – les rappeurs sont des enfants de quatre ans qui ont besoin d’être rassurés et qui voudraient pourtant qu’on les considère autrement qu’avec commisération), continue de triompher avec Vianney, ancien scout d’Europe reconverti en claudette des métisses complexés nous hurlant leur « différence » à la gueule tout en nous reprochant de la constater, le tout sur un air qui recycle le « nananère » des cours de récréations pour nous instruire, nous qui n’écoutons plus guère Couperin, Lully, Ravel ou Tristan Murail. Bilan : les animateurs pour attardés mentaux constituent aujourd’hui l’essentiel du vedettariat. Or, la confusion esthétique est l’une des conséquences de l’immense confusion spirituelle dans laquelle nous évoluons. C’est pourquoi la critique est aussi vitale que la politique ou la philosophie, surtout à une époque où le gramscisme appliqué a fait muer la culture en instrument de propagande au service du libéralisme intégral et globalisé; ce que les Américains nomment « soft power », un pouvoir moins « doux » qu’insidieux, subtil, secrètement omniprésent – toute une imprégnation de l’atmosphère. Ne nous laissons pas engourdir.
Comme Apollinaire, donnons tout au soleil, sauf notre ombre.
Une rentrée sous le signe du western – horizon, vertige, duels –, voilà ce que nous vous proposons. Baissons notre chapeau sur nos yeux. Comme Apollinaire, donnons tout au soleil, sauf notre ombre. Ruons-nous vers la beauté, cet or ré-enseveli sous les impératifs du commerce, de la massification, de l’égalitarisme et de l’antique paresse. Ruons-nous en mitraillant notre mépris, parce que notre mépris, seul, nous fraiera la voie. Nous sommes de retour et nous ne nous sommes pas calmés. Bang ! Bang !