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Edito : Wejdene au Panthéon

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Publié le

8 octobre 2020

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Le Panthéon est un haut lieu stratégique et grotesque de la République française. Depuis 2002, la grande nécromancie se poursuit sur un nouveau mode, la gauche occulto-socialiste tentant désormais de diversifier un peu le contenu de sa boîte à spectres. C’est dans ce contexte que vient de s’ouvrir ce nouveau procès en canonisation laïque qui vise Rimbaud et Verlaine, condamnés à la pédérastie perpétuelle pour une aventure de jeunesse afin de remplir les quotas et satisfaire la fureur prosélyte.
Sangars

Le Panthéon est un haut lieu stratégique et grotesque de la République française. Cette architecture néo-classique et post-lourdingue, Philippe Muray la plaça d’ailleurs au centre d’une grande lutte symbolique parce que le pouvoir « occulto-socialiste » y organisa le culte des revenants contre celui du ressuscité, que cette église consacrée initialement à sainte Geneviève ne cessa d’être baptisée et débaptisée durant un siècle, qu’un Victor Hugo, qui la qualifia de « gâteau de Savoie gigantesque » finit pourtant dessous, et qu’un Lacan put, à juste titre, la traiter de « vide-poche ». Ainsi le Panthéon est-il, depuis son érection, une zone de trafic de cadavres. Tout y est bouffi, lourd, pompeux, didactique, on y révère les « grands hommes » comme des saints laïcs, on cherche le transcendant dans les dépouilles vedettes, on y développe une eschatologie progressiste un squelette après l’autre, ces reliques-là étant priées, plutôt que de guérir leurs adorateurs, de parer à l’implosion d’un pays post-chrétien.

Depuis 2002, la grande nécromancie se poursuit sur un nouveau mode, la gauche occulto-socialiste tentant désormais de diversifier un peu le contenu de sa boîte à spectres

Depuis 2002, la grande nécromancie se poursuit sur un nouveau mode, la gauche occulto-socialiste tentant désormais de diversifier un peu le contenu de sa boîte à spectres. En effet, si les églises catholiques avaient toujours regorgé, en termes de statuaire, de femmes et de marginaux, la basilique athée se limitait plutôt aux seuls mâles, de préférence des intellectuels progressistes qui, de Voltaire à Zola, s’étaient fait les prophètes d’une humanité en marche. Quelque peu désillusionnés sur le pouvoir de la Raison et de la Volonté après Auschwitz et le Goulag, nos néo-sectateurs, devenus post-modernes, décidèrent de farcir leur caveau mystique de femmes et de minorités, au nom de l’Émotion suprême et du Vivre-ensemble.

C’est dans ce contexte que vient de s’ouvrir ce nouveau procès en canonisation laïque qui vise Rimbaud et Verlaine, condamnés à la pédérastie perpétuelle pour une aventure de jeunesse afin de remplir les quotas et satisfaire la fureur prosélyte de Frédéric Martel, l’auteur de Sodoma, dont l’hystérie tenace est sans doute symptomatique d’une hétérosexualité refoulée. Sa pétition se voit signée par Roselyne Bachelot, ce sommet de délicatesse, presque tous les derniers ministres de la Culture et Michel Onfray l’anti-système – qui bouffe décidément à tous les râteliers.

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Qui s’oppose à cet aberrant recyclage ? Le génial Pierre Jourde, l’immense traducteur André Markowicz, tous les plus grands spécialistes des deux poètes et la famille Rimbaud elle-même. Une pareille cohorte légitime face à un ramassis de politicailles bien-pensants, et vous croyez que ces derniers auraient honte ? Même pas. Les voici qui braillent à l’homophobie, comme si c’était la question, et nous donnent envie de tous les y boucler, dans leur nécropole athée, avant d’y foutre le feu, et qu’on en finisse une bonne fois avec ce paganisme d’instituteur.

Si, au lieu d’exploiter leurs fantômes, on lisait leurs vers, Verlaine et Rimbaud resurgiraient pour nous en paroles vivantes, et nous serions convoqués non par leurs mœurs sexuelles, mais par l’exquise mélancolie du premier, la rébellion hallucinée du second. On cesserait peut-être alors, d’attribuer le titre sacré de « poète » à Grand Corps Malade, on renverrait à ses études la quasi-totalité du « rap game » francophone dont les membres auraient surtout le droit d’apprendre leur langue avant de l’ouvrir (et qu’on ne me parle pas de mépris social, Genet a appris en prison, Calaferte dans les chiottes de son usine). Non, en fait, ne brûlons pas le Panthéon, enfermons-y plutôt Wejdene, ça chiffrera en termes de quota, et sur les ondes, au lieu de ses borborygmes, nous ferons scander les Illuminations.

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