Est-ce pour vous faire pardonner votre attitude parfaitement digne durant l’affaire de l’écriture inclusive que vous vous êtes sentis obligés d’organiser cette face avec « Oli », semblant ignorer qu’en 2024, ce qui se passe sous la coupole ne reste pas sous la coupole mais résonne sur tous les réseaux possibles donnant à votre humiliation un écho désastreux? Je vous vois froisser vos bicornes d’une main inquiète, ne semblant pas comprendre d’où viendrait le ridicule. Eh bien, d’abord, inviter «Oli» c’était céder au jeunisme et comme il n’y a rien qui fait plus provincial que d’être trop ostensiblement fasciné par la capitale, il n’y a rien qui pose davantage son ringard que de trop s’émerveiller devant la jeunesse.
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En outre, votre institution vous confiant comme mission de poser un regard élevé et vigilant sur les choses de l’esprit et de la langue, et non de renifler l’air du temps au cul du dernier métro, personne ne vous demandait de donner des gages. « Oui, mais on devait parler du monde de demain, alors faire appel à un jeune… » Tais-toi, Erik, s’il te plaît, ne t’abaisse pas à ce genre d’arguments. Un « jeune » n’est pas plus conscient de l’avenir, il est simplement plus dupe du présent.
Déjà «Oli». Vous rendez-vous compte ? À 27 ans, ce garçon se désigne par un surnom de collégien, il a déjà quinze ans de retard sur lui-même, et vous voudriez qu’il vous indique l’avenir ? Casquette américaine vissée sur le crâne en toute saison et toute circonstance, l’invité vient à son pupitre et, évidemment, ne se découvre pas, il ne sait pas marquer les distances, les révérences, les distinctions, en bon barbare post-moderne il évolue dans un univers que le relativisme a totalement aplani, et même sous la coupole, même dans un lieu censé préserver les saintes hiérarchies, il débarque comme au kébab, parce que pour lui le monde entier est un kébab, et c’est donc à cette grande réclusion de l’imaginaire que vous avez décidé de vous ouvrir.
Déjà «Oli». Vous rendez-vous compte ? À 27 ans, ce garçon se désigne par un surnom de collégien, il a déjà quinze ans de retard sur lui-même, et vous voudriez qu’il vous indique l’avenir ?
Et vous trouvez, j’imagine, cette maladresse touchante… Non, François, arrête, bon sang, d’être toujours aussi fleur bleue ! Ce guignol a vendu un million d’albums, il avait les moyens de se payer des cours de savoir-vivre. Je remarque juste qu’il vient imposer son absence de syntaxe comportementale jusque devant des Académiciens et que ceux-ci l’en félicitent.
Mais que va-t-il donc nous dire ce « jeune » expert en nouveautés ? « Comme le monde de demain, ça va beaucoup trop vite, je suis parti sur un truc qui va vite. » Ce grommellement en post-français signifie (je vous traduis) : l’avenir semblant se caractériser par une accélération générale de tous les phénomènes, je me suis proposé de « partir sur un truc qui va vite »,là, c’est plus ennuyeux à éclaircir, parce qu’en réalité, le « truc » en question étant un texte, la rapidité qu’Oli lui attribue dépend surtout de sa diction, mais disons qu’il faut comprendre: je me suis proposé de m’exprimer moi-même à une vitesse remarquable. Pour mitrailler des lieux communs, bien évidemment. Oli aurait aussi pu dire : « Comme demain, l’univers, il va être trop fort, je me suis lancé sur un flow qui monte fort », après quoi le jeune homme se serait mis à dégoiser la même rédaction de CM2 – mais en hurlant. Bref, en provoquant et en applaudissant cette scène, mesdames, messieurs de l’Académie, vous avez sacrifié à la plus lamentable des démagogies, vous vous êtes ridiculisés, et je le déplore, ayant conservé un certain respect de l’uniforme (et désolé pour Jean).
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En réalité, si le monde semble accélérer c’est surtout qu’il devient plat, qu’il patine et qu’il panique. La syntaxe, le sens des hiérarchies, l’art de la distinction, la perspective: ce sont là des réalités reliées entre elles. C’est parce que certains veulent les abolir qu’on substitue à l’élan historique que peuvent parfois embrasser certains peuples (et ce fut souvent le cas du nôtre) cette grande trépignation régressive internationale à laquelle beaucoup, par paresse, défaut d’imagination, fatalisme archaïque, voudraient nous condamner. Heureusement, dans ces pages, chers Immortels, vous rencontrerez entre autres le peintre François-Xavier Boissoudy et vous verrez comment celui-ci arrive à réinventer l’articulation des plans. Ce qui, vous l’admettrez, avant d’abandonner ce numéro sur le fauteuil de votre voisin, est plus moderne que de les confondre.