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Éditorial culture d’octobre : Écrire un édito, méthode

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Publié le

6 octobre 2021

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Le numéro 46 est disponible depuis ce matin, en kiosque, par abonnement, et à la demande sur notre site. Voici l’éditorial culture, par Romaric Sangars.
joetpinet

Je suis très en retard, je l’admets, pour rédiger cet édito, ce qui donnerait l’impression que je me vis comme encore en vacances, que la clémence de septembre, la splendeur de l’arrière-saison, ont prolongé chez moi une nonchalance estivale, une négligence de mon devoir sacré de rédacteur en chef des pages culture en fonction duquel j’ai aussi comme mission et comme honneur d’introduire le lecteur dans cette rubrique avec un édito vif et charmant. Or, ce n’est résolument pas le cas. J’ai simplement été retardé par divers facteurs. L’un d’entre eux s’appelle Joseph. « J.A.K. », pour les lecteurs, « Jo », pour les intimes, qui ne m’a pourtant livré que deux brèves recensions dans les pages musique, de qualité, certes, d’un ton enlevé et piquant, comme à son habitude, mais qu’il n’a rédigées que bien après qu’eut été dépassée la « ligne mortelle » (la date de rendu), comme à son habitude également, laquelle, de date, est pourtant la même d’un mois au suivant, mais j’imagine que dans l’esprit de Jo, s’y prendre au dernier moment et après que je l’eus relancé par textos, par messages et jusque sur son mur Facebook, vers deux heures du matin, aux trois quarts ivre et en peignoir de soie, correspond à l’esthétique « rock’n’roll » qu’il associe à son statut de véritable « rock critic ».

Pour résumer l’œuvre d’Angot, les historiens littéraires du futur les plus férus de bizarreries oubliées parleront de l’inceste le plus rentable de la littérature mondiale

Vous me direz que tout est une question de posture, ce que ne démentira pas la course à l’Élysée qui vient de débuter et qui verra s’affronter durant des mois des individus prenant la pose pour prétendre à la fonction suprême. Peut-être, alors, que sans cette posture, qui induit son retard, Joseph ne serait pas dans l’état adéquat pour écrire ses papiers. Sauf que son retard entraîne le mien et, présentement, un état inadéquat pour produire mon édito. Devrais-je donc virer Jo ? Tout le monde ayant déjà été viré à de nombreuses reprises dans cette rédaction sans que ces évictions fussent jamais suivies d’effet, je doute de cette option, d’autant qu’à deux heures du matin, ivre, dans son peignoir de soie, Jo n’aura certainement plus conscience d’avoir été remercié un jour de bouclage en raison de ses retards systématiques et que je n’aurais pas le cœur de refuser son papier livré sans signature (« Puisque tu m’engueules, tu vois bien que c’est moi l’auteur de cette critique anonyme ! », me réplique-t-il avec une insolence qui me laisse pantois).

En parlant de postures, aussi nécessaires soient-elles, il en est des insupportables, celle d’Édouard Louis, par exemple, qui revient tous les six mois pour geindre sur une nouvelle modalité, la posture de la victime arrogante envers qui le monde entier aurait des dettes – tellement à la mode – n’est décidément pas la plus élégante. D’autant que ce parvenu qui vous reproche son succès fait le même numéro tous les six mois devant tous les micros de France. Vous remarquerez à juste titre que Christine Angot récrimine quant à elle depuis plus de vingt ans sur le même thème, ce qui n’augure pas d’une rémission prochaine du cas Louis. Pour résumer l’œuvre d’Angot, les historiens littéraires du futur les plus férus de bizarreries oubliées parleront de l’inceste le plus rentable de la littérature mondiale. Je devrais lancer un atelier d’écriture, moi aussi, comme Éric-Emmanuel Schmitt et Bernard Werber. Ma méthode, j’en suis certain, s’avérera imparable : « Trouvez la victime qui est en vous ; accouchez d’elle ; souffrez ; plus fort ; hystérisez la souffrance ; reprochez-la à tous ; ne cessez plus de gémir. »

Lire aussi : Éditorial culture de septembre : Rendez-vous sur l’embarcadère

Le monde moderne est une messe noire où chacun bat la coulpe de son prochain en lui hurlant dessus : « C’est ta faute ! C’est ta faute ! C’est ta très grande faute ! Et tu ne seras jamais quitte ! » Désolé, mais quant à moi, je préfère l’art qui transcende l’ego et déchaîne les grandes orgues.

Après, chacun sa posture.

En attendant, je n’ai toujours pas d’idée pour cet édito, l’heure devient critique, on me lance des regards inquiets, voire accusateurs. Vous en êtes pourtant témoins : le vrai responsable de cette situation, eh bien, c’est Joseph.

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