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Éditorial de Jacques de Guillebon : Contre son camp

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Publié le

4 novembre 2022

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« Nous avons aussi, collectivement, nous, c’est-à-dire l’Occident, entrepris de bronzer au soleil de Satan ». Post-scriptum du numéro 58 par Jacques de Guillebon.
sousle soleil de satan

On a déjà beaucoup parlé de Bernanos dans ce numéro, beaucoup trop songera sans doute le lecteur, qui a sans doute d’autres chats à fouetter, d’autres logements à chauffer, d’autres réservoirs à remplir, d’autres impôts de production à dénoncer. N’importe. C’est l’avantage de la dernière place, la nôtre, le profit de l’ouvrier de la onzième heure, que de pouvoir récupérer le travail des autres et en jouir tranquillement.

Ou pas si tranquillement que ça. On bernanosise de salon, on parle de mal et de grâce, sans mesurer toujours le risque inouï que l’on prend à s’exprimer ainsi. Peut-être est-ce un risque que seuls les catholiques peuvent mesurer. Tant pis, nous parlerons pour eux, avec eux, ou nous considérerons que dans le fond tout Français qui nous lit devrait être sensible et tressaillir, sinon dans son cœur, au moins dans son estomac, sous le coup de fouet du grand Georges.

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Revoyant l’autre jour le merveilleux Sous le soleil de Satan de Pialat, où Depardieu joue Depardieu, c’est-à-dire passe Depardieu dans le rôle du « saint de Lumbres », l’idiot abbé Donissan, qui est malgré lui le véhicule de la grâce, nous eûmes l’idée de retourner au livre lui-même. Felix culpa, grande erreur, car qu’y trouva-t-on, sinon sa propre condamnation ?

« Et le vicaire de Campagne vit soudain devant lui son double, une ressemblance si parfaite, si subtile, que cela se fût comparé moins à l’image reflétée dans un miroir qu’à la singulière, à l’unique et profonde pensée que chacun nourrit de soi-même ». Ainsi, dans son combat contre le diable, l’abbé Donissan reçoit-il une « grâce » qui est de lire les âmes, mais qui est aussi l’occasion d’une condamnation puisqu’il voit son âme à lui, comme personne ne l’a jamais vue, et qu’il faut renoncer à toute espérance tant le mal l’habite. « Il est notre conscience », dira-t-il encore, parlant de Satan.

Inouïe et terrible intuition de Bernanos, qui nous amène à ceci, hors des confessionnaux où chacun, lecteur, nous nous débrouillerons avec le bon Dieu : nous avons aussi, collectivement, nous, c’est-à-dire l’Occident, entrepris de bronzer au soleil de Satan. Qu’il est doux, qu’il est lumineux, qu’il est fortifiant, et qu’il est plein de vitamine D. Nous savons depuis quelques siècles, mieux que personne, mieux qu’aucune civilisation jamais ne le sut, où est le bien, où est le mal, et nous croyons fondés à le clamer partout, à le répandre sur toute la terre. Et nous avons en quelque sorte raison, puisque c’est vrai que nulle part le faible sous toutes ses formes, le pauvre, le paysan, l’ouvrier, le handicapé, le roux et l’albinos, la femme, l’immigré, l’étranger, le triso ne fut mieux aimé et mieux traité qu’ici-bas, en douce terre de France et en quelques autres nations satellites qui voulurent d’être comme nous.

Nous voyons, mieux que dans un miroir, le mal qui est partout dans l’homme et au milieu de nous et c’est harassant, et c’est désespérant

Et cependant – tu as bien compris lecteur avant même que je l’écrive où je voulais t’emmener – nous n’avons pas ou si peu, mesuré quel ferment de condamnation cette lumière crue faisait germer en nous. Enfin, nous voyons, mieux que dans un miroir, le mal qui est partout dans l’homme et au milieu de nous et c’est harassant, et c’est désespérant, et finalement les gauchistes qui veulent continuer de le traquer partout pour l’abolir, ont tort contre eux-mêmes et contre le monde, mais raison contre nous. Parce que s’il nous a été donné, par grâce, par révélation, de dévoiler ces choses cachées depuis la fondation du monde, il ne nous appartient plus désormais d’en nier la présence et la réalité et de faire comme si l’on pouvait s’en accommoder. C’est nous, et les vieux païens anti-chrétiens le savent à juste titre et nous en accusent, qui avons déclenché l’infernal progrès vers la justice et la vérité. Nous voilà bien écrasés de cette lourde charge. Et il nous est fait un devoir de continuer, aveugles, dans un sommeil de la raison, de poursuivre dans cette voie, quand bien même à la fin nous serons détruits. Si le mal est l’Accusateur, accusons-le d’abord en nous-mêmes, c’est ainsi que vient la sainteté. Apprenons à lire en nous-mêmes, et la face du monde en sera changée.


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