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Éditorial monde de mai : filer à l’anglaise

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Publié le

4 mai 2021

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Le numéro 42 est disponible depuis ce matin, en kiosque, par abonnement, et à la demande sur notre site. Voici l’éditorial monde, par Laurent Gayard.

Global Britain in a competitive age, le rapport de 114 pages présenté par Boris Johnson le 16 mars, a fait couler beaucoup d’encre et grincer quelques dents, européennes surtout. Le document résume en une expression l’ambition placée au cœur du rapport : faire de la Grande-Bretagne en 2030, « a soft power superpower », une superpuissance, non pas comparable aux États-Unis ou à la Chine en termes de taille et de capacité brute, mais capable de rivaliser avec ces géants en matière d’influence culturelle et scientifique. Le rapport Global Britain n’est pas un exemple très passionnant de littérature diplomatique. Il s’inscrit dans la continuité de la « Global Britain vision » promue par Teresa May en décembre 2016 mais, de manière plus intéressante, dans la lignée, également, d’un discours prononcé à Chatham House le 2 décembre 2016 par Boris Johnson.

Aux Européens abandonnés de l’autre côté de la Manche, la perfide Albion concède chichement le maintien d’un partenariat stratégique et des actions communes en matière de climat et de transition énergétique

Celui qui n’est alors que Foreign Secretary évoque dans son allocution le massacre de Gandamak, en Afghanistan, durant lequel, en janvier 1842, les quelque 12 000 civils et 5 000 soldats britanniques et supplétifs indiens du 44e régiment d’infanterie d’Essex et de l’armée du Bengale furent massacrés par les troupes afghanes du Prince Wazir Akbar Khan et des chefs de tribus Ghilzai. Il n’y eut qu’un seul survivant, le Dr William Brydon, assistant-chirurgien dans l’armée des Indes orientales. « Et j’imagine qu’il en est certains qui se demandent aujourd’hui si la prochaine génération de Britanniques sera habitée par la même énergie, la même curiosité, la même volonté de prendre des risques pour des peuples et dans des pays si lointains. Car cette année, nous avons, comme nous le faisons régulièrement, surpris nos amis comme nos rivaux. Nous avons voté pour quitter l’Union européenne ». Cinq ans après ce discours emblématique, voilà le gouvernement britannique qui rend officiel un ambitieux agenda, prévoyant de larges investissements dans la recherche et le développement, les secteurs militaires et industriels, ainsi qu’un renforcement des capacités nucléaires militaires du pays et la mise sur pied d’un « Future Offensive Air System » qui concurrence directement le « Système de Combat Aérien du Futur », sur lequel Français et Allemands peinent à s’entendre.

Le plan Global Britain de 2020 réaffirme à peu près constamment le lien historique avec les États-Unis d’Amérique et le rôle central joué par la puissance britannique dans l’OTAN, dont elle est le deuxième contributeur. Mais le rapport souligne aussi avec force la nécessité de regarder vers la Chine et la zone pacifique, nouveau centre de l’économie mondiale et nouvelle priorité stratégique. Aux Européens abandonnés de l’autre côté de la Manche, la perfide Albion concède chichement le maintien d’un partenariat stratégique et des actions communes en matière de climat et de transition énergétique.

Lire aussi : Éditorial monde d’avril : Leçon de bonnes manières à la chinoise

Les voisins du continent restent de braves gens, avec lesquels on peut toujours partager une pinte et une partie de billard de temps à autre mais certainement pas bâtir une puissance globale. Les pères de l’Europe ont eu l’ambition de créer « un système fédéral, doté d’un tribunal unique, d’un seul système légal, et bien sûr d’une union douanière modelée sur le Zollverein qui fut le précurseur d’un État allemand unifié », rappelait Johnson en 2016 ; pendant ce temps, ajoutait-il, la Grande-Bretagne participait activement à la mise en place de Bretton Woods, de l’ONU, du GATT ou de la Banque Mondiale. La distribution des rôles est très claire : à la petite Grande-Bretagne, un destin océanique réassumé, à l’Union européenne, sous la tutelle fédérale et allemande, l’utopie d’un Zollverein continental…

« La Grande-Bretagne n’est pas juste un lien ou un pont entre l’Europe et les États-Unis. Nous ne sommes pas juste une zone d’intersection dans un diagramme de Venn complexe, nous avons notre propre et distincte identité et contribution au monde », proclamait Johnson. Le rapport « Global Britain » concrétise en 2021 cette affirmation et l’intention des Britanniques de filer à nouveau à l’anglaise pour nous laisser empêtrés dans notre Zollverein fédéral. Une fois de plus, les Anglais ont tiré les premiers.

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