La vie politique française n’a plus d’yeux que pour un homme, Éric Zemmour. Et au cœur de toutes les analyses, les sondages trônent comme l’argument ultime : parti de 5% en juin dernier, le polémiste est aujourd’hui coté à 10%. Un score à deux chiffres qui suffit à en faire un candidat crédible auprès des analystes, et surtout des Français. Cette séquence témoigne de la place inédite prise par les sondages dans le débat public – il n’est pas une semaine sans qu’une nouvelle enquête d’opinion ne soit publiée – et avec eux des sondeurs, devenus des protagonistes à part entière du débat public, et dont les Français connaissent noms et visages.
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Pourtant, bien loin de n’être qu’une photographie neutre de l’opinion à un moment donnée et vite remplacée par la photographie suivante, les sondages doivent être appréhendés de manière dynamique dans leur relation aux choix de l’opinion. En clair, il faut interroger l’existence d’une influence des sondages sur la participation et l’orientation des votes. Car il est tout à fait évident que quantifier, et donc objectiver, les préférences de l’opinion publique et les dynamiques de chaque candidat modifient sensiblement notre perception du rapport de force politique en jeu, et par-là orienter les voix. Preuve en est, de 1977 à 2002, il était interdit de diffuser des sondages la semaine précédant l’élection. Depuis 2002, cette interdiction a été ramenée à la seule veille du scrutin.
Concentration des votes sur les gros candidats
Dans Le Figaro, le sénateur Jean-Pierre Sueur considérait qu’« un consensus apparaît au fil des ans pour reconnaître que les sondages produisent bel et bien des effets particuliers ». Les politologues mettent traditionnellement en avant deux effets qui jouent sur l’incitation à participer. Le premier est dit effet « Underdog » (chien battu) et jouerait en faveur du candidat en retard dans les sondages : ses partisans se mobiliseraient, à l'inverse de ses opposants qui croiraient la victoire acquise. D’après le sociologue Patrick Lehingue, cet effet aurait permis en 1995 à Jacques Chirac d’attirer des voix face à Édouard Balladur. D’autres politologues ont souligné l’existence d’un effet « Underdog » inverse : l’avance trop forte d’un candidat provoquerait un découragement chez ses opposants et donc une décrue de leur mobilisation (lors des législatives par exemple).
Plus intéressant, le second effet dit « BandWagon » (effet de mode) créerait au contraire chez les indécis une mobilisation pour le favori afin de s’agglomérer au mouvement majoritaire – du fait même de la nature sociale et grégaire de l’homme, serait-on tenté d’ajouter. D’après les derniers travaux, cet effet ferait plus que compenser le précèdent. Il faut pourtant en accroître encore la portée : la mécanique ne concerne seulement le mouvement des indécis vers la majorité, mais aussi, au sein d’une même famille politique, les partisans d’un candidat minoritaire vers un candidat ayant davantage de chances de gagner. [...]
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