Dans les quartiers chics de la capitale et dans les villes de province replètes, les églises sont à nouveau remplies le dimanche. Ça fourmille même, on fait la queue pour rentrer, on se toise, on se reconnaît, on échange parfois des regards complices par-dessus le masque – qu’on aura au préalable mis sous le menton histoire de signifier notre mépris du diktat sanitaire : pas de ça entre nous, puisque nous sommes entre initiés… On se croirait presque à l’un de ces rallyes organisés par les familles mondaines pour marier leurs cadettes. Les petits fours y sont simplement remplacés par des hosties. Oh, bien sûr, on n’oublie pas de s’agenouiller, de se signer quand il faut, on répète le credo sans même y penser, et c’est certainement le cœur qui parle. Et pourtant, on ne peut s’empêcher de se demander où se cache la foi dans ce confortable gratin, dans ce dispositif mondain cacheté par l’ordre pastoral.
Aujourd’hui en France, le catholicisme n’est plus le fait du peuple : si beaucoup de Français se disent encore chrétiens, par habitude, par culture, la plupart n’ont pas la foi et ne mettent jamais les pieds dans une église
Bien sûr, l’appartenance à l’Église catholique est un marquage social depuis longtemps – au moins depuis le XVIIIe siècle et l’avènement d’une bourgeoisie séculière qui s’est emparée des tropes du christianisme pour en décorer ses salons et graisser les poulies de son entre-soi. Mais alors le christianisme était encore voué au foyer, à l’attachement du peuple à ses régions, et son ancrage social était inextricablement lié à la notion de providence. La foi du charbonnier, c’était encore quelque chose. Le XXe siècle est passé par là, avec lui le scientisme et la sécularisation, avec lui la mauvaise interprétation de Vatican II qui a vu l’Église s’adonner à son propre retournement. Aujourd’hui en France, le catholicisme n’est plus le fait du peuple : si beaucoup de Français se disent encore chrétiens, par habitude, par culture, la plupart n’ont pas la foi et ne mettent jamais les pieds dans une église. Le catholicisme semble tristement limité à une petite élite citadine et cultivée, tandis qu’il déserte les campagnes et les villes moyennes[...]
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