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La Pologne à l’UE : “Si vous trouvez que nos juges manquent d’indépendance, on peut faire pire, comme en Allemagne”

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Publié le

30 janvier 2020

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Le conflit se poursuit en Pologne, entre d’un côté les défenseurs de la démocratie parlementaire souveraine, et de l’autre côté les partisans d’un gouvernement des juges soumis directement au droit européen.

 

La bataille fait rage, encouragée par un jugement de la Cour de Justice de l’UE du 19 novembre dernier. La CJUE a stipulé dans son arrêt du 19 novembre que la Cour suprême polonaise (l’équivalent de la Cour de cassation en France) pouvait décider elle-même si sa Chambre disciplinaire, créée par les réformes du PiS, et le Conseil national de la magistrature lui aussi réformé par la majorité parlementaire du PiS, sont des organes légitimes de l’institution judiciaire à la lumière du droit européen.

La présidente de la Cour suprême polonaise Malgorzata Gesdorf, dont le mandat s’éteindra au printemps mais qui est depuis le début en révolte ouverte contre les réformes du PiS, avait convoqué pour le 23 janvier trois chambres (sur cinq) de la Cour suprême, en excluant de cette réunion les juges nommés après les réformes du PiS, afin de statuer sur l’absence de validité des nominations de juges faites depuis 2018. C’est une violation flagrante de la constitution polonaise qui ne prévoit pas de telles compétences pour la Cour suprême polonaise, et la présidente de la Diète s’est tournée vers le Tribunal constitutionnel pour lui demander de se prononcer sur les compétences respectives du Parlement et de la Cour suprême.

C’est une violation flagrante de la constitution polonaise qui ne prévoit pas de telles compétences pour la Cour suprême polonaise.

Ce mercredi, le Tribunal constitutionnel polonais a suspendu provisoirement l’application de la résolution de la Cour suprême du 23 janvier en attendant de se prononcer sur ce conflit, ce qui est prévu pour la mi-février.

Depuis le début du conflit, la Commission européenne (la Commission Juncker puis la Commission Von der Leyen) prend position du côté de l’opposition polonaise et des juges qui contestent les réformes du PiS. Des réformes qui, soit dit en passant, ont pour but de rétablir un certain contrôle démocratique sur la justice et de permettre de sanctionner les juges corrompus ou incompétents ou, grâce à une nouvelle loi votée en ce mois de janvier par le parlement, qui outrepassent leurs compétences en se prononçant sur la validité des nominations d’autres juges. Ceci pour mettre fin à trente ans d’impunité et de corporatisme au sein de l’institution judiciaire polonaise (trente ans, c’est-à-dire depuis la chute du communisme). De telles réformes avaient été annoncées dans le programme du PiS en 2015 et elles ont été réalisées entre 2017 et 2018. Elles ont donc été approuvées à deux reprises par les électeurs polonais qui ont choisi de donner la majorité absolue au parti de Jaroslaw Kaczynski lors des élections législatives d’octobre 2015 et d’octobre 2019.

 

Lire aussi : Ces juges militants qui attaquent la démocratie en Pologne avec le soutien de l’opposition et de l’UE

 

La Tchèque Vera Jourova, vice-présidente de la Commission européenne chargées des Valeurs et de la Transparence, était à Varsovie mardi pour rencontrer le ministre polonais de la Justice, Zbigniew Ziobro, ainsi que la présidente du Tribunal constitutionnel et la présidente de la Cour suprême. Si le gouvernement polonais est d’avis que l’organisation de son institution judiciaire relève de sa compétence exclusive au regard des traités européens et que Bruxelles n’a pas à s’en mêler, la Commission européenne a demandé à la CJUE de « geler » provisoirement la Chambre disciplinaire près la Cour suprême polonaise, en attendant que les juges de Luxembourg statuent, toujours à la demande de la Commission, sur la validité de cette chambre disciplinaire à la lumière du droit européen. De quel droit européen, on se le demande quand on lit les traités.

D’une manière générale, la Commission européenne estime que le nouveau mode de nomination des 15 juges membres du Conseil de la magistrature ne permet pas d’assurer leur indépendance par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif. En effet, avant les réformes du PiS entrées en vigueur en 2018, ces 15 juges, qui représentent la majorité des 25 membres du Conseil de la magistrature, étaient nommés par d’autres juges. Depuis les réformes, ils sont nommés par le parlement, comme les membres de la nouvelle Chambre disciplinaire également au centre du conflit.

La Commission européenne a demandé à la CJUE de «geler» provisoirement la Chambre disciplinaire près la Cour suprême polonaise.

En Pologne, le Conseil national de la magistrature est, entre autres choses, chargé de proposer au Président de la République les candidats aux postes de juges et c’est le président qui procède ensuite aux nominations. La Cour suprême polonaise (sa présidente et un peu moins de 60 membres – sur 120 en tout – réunis par elle le 23 janvier dernier) prétend aujourd’hui interdire de juger à plusieurs centaines de juges des tribunaux ordinaires nommés depuis les réformes de 2018 ainsi qu’aux juges de la Chambre disciplinaire.

À une Commission européenne qui prétend s’immiscer dans ce grave conflit intérieur polonais en prenant le parti du gouvernement des juges contre la démocratie parlementaire, le ministre de la Justice a fait mardi la proposition de compromis suivante, pour la mettre face à ses contradictions : si vous trouvez que notre mode de nomination des juges ne permet pas d’assurer leur indépendance qui est indispensable pour la bonne application du droit européen en Pologne, nous pouvons faire une nouvelle réforme en copiant ce qui se fait en Allemagne, considérée comme un bon élève de l’Union européenne en matière de respect de l’État de droit.

« Oui, mais votre démocratie n’est pas encore mûre, et donc ce n’est pas pareil »

En Allemagne, les nominations des juges sont, comme celles des membres du parquet, décidées par l’exécutif des Länder, et donc par le ministre de la Justice de chaque État, ce qui, curieusement, ne semble poser aucun problème à la Commission européenne et à la CJUE. Si la Pologne transposait cette solution chez elle, cela signifierait que les juges seraient désormais nommés directement par le ministre de la Justice Zbigniew Ziobro. Seraient-ils alors plus indépendants du pouvoir exécutif que lorsqu’ils sont nommés par le président (qui ne gouverne pas, la Pologne ayant un régime parlementaire) sur proposition du Conseil de la magistrature (dont les membres sont inamovibles pour la durée de leur mandat) ?

On pourrait logiquement penser que non, mais ce que les institutions européennes répondent généralement aux Polonais quand ceux-ci comparent leur situation à celle des « vieilles démocraties » d’Europe occidentale, c’est quelque chose dans le style : « oui, mais votre démocratie n’est pas encore mûre, et donc ce n’est pas pareil ».
Lors du vote avalisant le Brexit mercredi au Parlement européen, l’Anglais Nigel Farage a prédit que l’UE n’existerait plus dans dix ans et que, à cause des insultes qu’elle essuie sans arrêt de la part de l’UE depuis l’arrivée au pouvoir du PiS, la Pologne serait selon toute vraisemblance, avec l’Italie et le Danemark, parmi les prochains pays à claquer la porte.

 

Olivier Bault 

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