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Le débat sur la réduction du nombre des parlementaires est psychédélique : il est totalement déconnecté de la question du travail qu’ils ont à réaliser ! Imaginez une entreprise où l’on se dit : « réduisons le nombre des salariés », ou encore « réduisons le nombre des membres du Conseil d’administration », sans se poser les questions : « combien nous faut-il de personnes pour faire le travail qui est à faire ? Et quel est ce travail ? »
Les Parlementaires forment ce qu’il est convenu d’appeler la « Représentation nationale » : ils sont censés prendre des décisions au nom du Peuple Français. Oui, mais quelles décisions, ou plutôt quel genre de décisions ? Par exemple, envoyer des troupes en Syrie ou au Mali, est-ce une décision qui revient au Parlement, au Gouvernement, ou au président de la République ? La Constitution, dans son article 24, dispose que le Parlement vote la loi, contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques. La Constitution a d’ailleurs réservé (article 48) « une semaine de séance sur quatre » à ces deux fonctions. Problème : peut-on réellement évaluer et contrôler à plus de 900 personnes (l’article 24 de la Constitution limite à 577 le nombre de députés et à 348 celui des sénateurs) ? Mais ce n’est guère plus facile à 600 : la réduction du nombre de Parlementaires envisagée par l’Elysée et Matignon ne résout pas ce problème ; il faudrait « en même temps » définir un système de commissions aux effectifs raisonnables qui soient chargées de ces missions.
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Le vote des lois pose une question difficile : qu’est-ce qu’une loi ? Force est de constater que c’est, de facto, une sorte d’OJMI (Objet juridique mal identifié). La Constitution, en effet, ne fournit pas de réponse à cette question essentielle. Une loi peut donc être un fourre-tout contenant aussi bien des dispositions qui relèvent de la conduite des affaires courantes (et donc du Gouvernement ou de l’Administration) que des principes généraux. Nos dirigeants ont usé et abusé de cette absence de précision pour faire entrer dans des textes de loi une multiplicité incroyable de dispositions qui relèveraient en bonne logique d’un décret ou d’un arrêté, c’est-à-dire d’un acte de commandement dont la responsabilité incombe à l’exécutif.
Nos dirigeants ont usé et abusé de cette absence de précision pour faire entrer dans des textes de loi une multiplicité incroyable de dispositions qui relèveraient en bonne logique d’un décret ou d’un arrêté
L’usage des ordonnances, textes gouvernementaux qu’une loi de ratification transmute en lui donnant une nature législative, est typique de cette confusion qui sévit dans nos institutions et dans les esprits. Selon l’article 38 de la Constitution, une ordonnance prend « des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». En fait, c’est surtout la loi qui sert à prendre des mesures qui sont du domaine du commandement, de l’exécutif, et l’existence des ordonnances démontre simplement que cette extension du domaine de la loi à des décisions relevant en bonne logique de l’exécutif est gênante pour ce dernier, et contraire à une bonne conduite des affaires de l’Etat.
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Autrement dit, la République charge actuellement les Parlementaires de responsabilités qui ne sont pas logiquement les leurs. Les lois de finance et celles de financement de la sécurité sociale sont typiques de cet illogisme. En faisant endosser au Parlement la responsabilité de dispositions fiscales, budgétaires et gestionnaires, le Gouvernement se couvre, se protège : il fait avaliser par avance toutes les erreurs qu’il commet dans les domaines de la fiscalité, de l’action gouvernementale (qui dépend largement du budget) et de la gestion de la sécurité sociale.
Ce que le Parlement devrait expertiser ex post, nos institutions le lui font approuver ex ante, ce qui lui ôte évidemment la possibilité d’exercer la mission que lui confie l’article 24 de la Constitution : contrôler l’action du Gouvernement, évaluer les politiques publiques. Du coup, c’est la Cour des comptes qui remplit tant bien que mal cette mission, avec une autorité purement morale. La situation est comparable à celle d’une grande société où l’Assemblée générale donnerait son blanc-seing ex ante à toutes les décisions prises par la direction générale et le Conseil d’administration, sans possibilité de sanctionner ex post les erreurs de gestion pointées par un cabinet d’audit hautement qualifié.
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Pour que les Assemblées de la République – le Sénat et l’Assemblée nationale – jouent, mutatis mutandis, le rôle d’une Assemblée générale des actionnaires, il est inutile qu’elles se composent de plus de 900 élus, et donc le principe d’une réduction de leur nombre n’est pas mauvais, mais le vrai problème à résoudre est de leur faire jouer leur vrai rôle : non pas voter des décrets pompeusement renommés lois, mais rédiger de vraies lois – un nombre limité de textes édictant sans se perdre dans les détails les règles de juste conduite qui constituent, sinon la sagesse des nations, du moins la sagesse de la France.
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