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Le jeu trouble de la Turquie et les risques libyens pour l’Europe

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Publié le

27 février 2020

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L’instabilité au Moyen-Orient continue de représenter une menace pour la sécurité européenne : l’escalade de la situation à Idlib en Syrie, les protestations dans le croissant chiite et l’entrée de la Turquie dans le jeu en Libye participent à la création d’une nouvelle menace pour l’Europe, comparable à la crise migratoire de 2015.

 

En Libye, la situation se tend toujours davantage. Après les échecs de toutes les négociations de paix, la Turquie est sur le point de fournir à nouveau au gouvernement de Al-Sarraj un important lot d’armes pour lancer une offensive contre les forces rebelles de l’Armée Nationale Libyenne. Dans le même temps, Al-Sarraj a déclaré qu’il fera cesser tous les contacts économiques avec les partisans du général Haftar, qui dirige les forces rebelles à l’Est du pays. Tout est donc réuni pour retrouver une situation catastrophique en Libye pouvant potentiellement déboucher sur une nouvelle crise migratoire en Europe.

 

Le nouvel impérialisme turc

 

Fin novembre 2019, le président turc Erdogan signe un mémorandum sur la coopération militaire entre la Turquie et le gouvernement libyen de Al-Sarraj. Le 2 janvier 2020, le Parlement turc adopte un projet de loi permettant d’envoyer du personnel militaire en Libye, et le 21 février 2020, Erdogan confirme l’envoi de forces militaires pro-Turquie en Libye). Des cas d’envoi de forces spéciales et d’équipements militaires turcs à Tripoli avaient de toutes façons déjà été enregistrés avant l’adoption du projet de loi : le Guardian avait déjà indiqué que la Turquie transportait des djihadistes d’Idlib vers Tripoli dès Mai 2019. Le porte-parole de la l’Armée nationale libyenne, le major-général Ahmed Al-Mismari déclare fin janvier 2020 « que la Turquie transporte des terroristes en Libye, violant ainsi le droit international, ignorant la Conférence de Berlin et violant l’embargo sur les armes. ». Pour interpeller l’Europe, Al-Mismari n’hésite pas à préciser que ces djihadistes pouvaient tenter d’entrer illégalement sur le continent européen.

 

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Le soutien d’Erdogan au gouvernement Al-Sarraj est fondamentalement guidé par un fort désir d’étendre la zone de contrôle turc en Méditerranée et, plus largement, sur le continent nord-africain. Le changement de régime au Soudan a réduit la zone d’influence de la Turquie dans les pays du Maghreb, donnant à Erdogan un besoin urgent de trouver de nouveaux alliés.  Le rôle actif des Frères musulmans au sein du gouvernement Al-Sarraj (La brigade des martyrs du 17 février, ainsi que les brigades de Misrata) a préparé une excellente base pour l’intervention de la Turquie dans le conflit libyen. En outre, la famille d’Al-Sarraj a des racines turques.

La relation du Parti de la Justice et du Développement (Adalet ve Kalkhnma Partisi) d’Erdogan, avec les Frères musulmans, est ancienne : en 1969, Necmettin Erbakan fonde Milli Görü, la branche turque des Frères musulmans. En 1996, Erbakan, qui est considéré comme le fondateur de l’Islam politique et le mentor d’Erdogan (Erdogan a commencé sa carrière politique au sein du parti d’Erbakan), tente d’unir un groupe de 8 pays islamiques (Libye, Iran, Egypte, Pakistan, Indonésie, Nigeria, Bangladesh, Malaisie) en une union islamique. Les tentatives échouent, mais la stratégie d’unification du monde islamique sous l’égide de la Turquie n’est pas pour autant écartée. Malgré les quelques tentatives d’Erdogan pour développer un  « Islam civilisé » inspiré des enseignements soufis (Shamsuddin al-Tabrizi et Jalaluddin Rumi), les Frères musulmans se développent activement en Turquie : des traductions turques du théoricien du mouvement, Sayyid Qutb, ainsi que des traductions de lettres de Hassan al-Banna, sont largement publiées et disponibles partout. Petit à petit, l’influence des frères musulmans s’est donc étendue sur la Turquie et plus particulièrement sur le parti du président Erdogan.

 

La politique étrangère actuelle d’Erdogan peut être clairement définie comme une stratégie néo-ottomane. De ses incursions à Syrie jusqu’à son déploiement en Libye, il s’agit toujours de tentatives pour reprendre pied sur les anciens territoires de l’empire turc que des officiels ottomans avaient juré de reprendre dans les années 20.

 

La politique étrangère actuelle d’Erdogan peut être clairement définie comme une stratégie néo-ottomane. De ses incursions à Syrie jusqu’à son déploiement en Libye, il s’agit toujours de tentatives pour reprendre pied sur les anciens territoires de l’empire turc que des officiels ottomans avaient juré de reprendre dans les années 20. Cette politique a également des justification internes : Erdogan tire en effet une partie de sa légitimité à l’intérieur de son pays en mettant régulièrement en scène ses oppositions aux ennemis extérieurs et sa nostalgie de la grandeur perdue.

 

Dangers en Libye

 

Ces velléités impériales néo-ottomanes qui se traduisent par l’envoi massif d’armes et de mercenaires à Tripoli en violant l’embargo, aggravent pour le moment considérablement la situation en Libye. Si la guerre civile gagne encore en intensité, il est probable qu’elle génère de nouveaux départs en masse de migrants vers l’Europe. Le danger est d’autant plus grand que l’influence des Frères musulmans en Libye et la présence de nombreux djihadistes pourraient aider des terroristes à se glisser parmi les réfugiés. Il serait donc peut-être grand temps que la communauté internationale ait le courage de stopper Erdogan, sous peine de graves périls.

 

Carl Friedrich

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