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L’édito de Jacques de Guillebon : la muselière

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Publié le

2 octobre 2018

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L’inquiétant Viktor Orban muselle la presse. C’est ce que répète partout et notamment sur les ondes publiques qu’il a privatisées à son profit ce groupuscule d’initié que l’on baptise éditorialistes, journalistes et intellectuels en France. Orban muselle la presse, donc, et c’est pourquoi il faut interdire Éric Zemmour de plateau et d’antenne. On tient là le précipité extra pur de la logique libérale dominatrice.

 

Depuis l’été, le bombardement anti-« populiste » a pris des airs de Dresde, voire d’Hiroshima. C’est presque la bataille d’Angleterre. Pas un jour sans que la littérature s’augmente d’un nouvel ouvrage dénonciateur ou curatif. On dirait les remèdes du docteur Servan-Schreiber en Une de L’Express : « Guérir le cancer populiste », « Le fascisme : comment s’en sortir ». Livres et déclarations en tout genre, d’auteurs souvent importés d’outre – Atlantique comme ce Yasha Mounk qui a table ouverte partout, à l’occasion de la parution en France de son Peuple contre la démocratie (Éd. de l’Observatoire), et va banalisant les politiques d’espérance européenne et chrétienne des Orban ou Salvini sous le terme infamant de populisme, ratant par là ce qui constitue leur essentielle originalité. Car les lointains commentateurs, notamment les Américains confrontés à leur étrange président qu’on leur abandonne avec joie – quoiqu’il ne mérite pas leur mépris manichéen – demeurent persuadés que le soulèvement des peuples d’Europe, accompagnés parfois de leurs gouvernants, se réduirait à une forme de démocratie directe et immédiate, forcément simplette, xénophobe et limitée. Ils ne voient pas que l’illibéralisme théorisé par l’éclaireur Orban est au contraire la définition d’un autre État de droit, contre le contemporain qui a été gauchi par l’inflation des « droits individuels », lesquels sont toujours une créance posée sur quelqu’un ou quelque chose d’autre, quoiqu’on s’évertue à ne pas le voir et même à le cacher. Le cas de l’avortement témoigne de cette dialectique de manière éclatante : droit de l’enfant à naître ou droit de la femme à disposer de son corps, toute société se doit de trancher et nul ne peut prétendre que quel que soit le choix, il y ait manquement à l’État de droit.

 

Lire aussi : L’éditorial de Jacques de Guillebon : saison 2

 

Mais la « démocratie chrétienne » que construit Orban est un retournement sans précédent qui, n’ébréchant en rien la dignité humaine tout au contraire la rehausse, et lui reconfère enfin le but qu’on lui avait ôté : la recherche du bien commun. Le lien que retisse le Premier ministre hongrois, avec quelques autres dirigeants européens, n’est que l’exercice politique concret du conservatisme, adapté au temps et au lieu. L’Europe, dit-il, a une autre histoire, partant une autre destinée, et une autre vocation que sa réduction à un hall d’aéroport pour touristes trompant leur ennui, pour immigrés fuyant leur terre, pour faux couples homosexuels traquant le sperme ou le ventre esclave qui les délivrera de leur malédiction. Il ne dit là rien de grave, et sa condamnation scélérate par des parlementaires européens dont le dos tremble résonne comme la dernière lâcheté d’un gang qui sent le pouvoir lui échapper. Car Orban n’a rien fait, rien dit d’innommable. Beaucoup qui aujourd’hui le pourfendent ont dit pis, au moins la même chose : tout le monde a oublié par exemple qu’il y a huit ans, presque jour pour jour, Angela Merkel, qui était déjà chancelière, avait affirmé haut et fort que le modèle « Multikulti » avait « échoué, totalement échoué ».

Et poursuivi : « Nous nous sentons liés aux valeurs chrétiennes. Celui qui n’accepte pas cela n’a pas sa place ici ». Évidemment, selon que vous serez fort ou misérable parmi les peuples européens comme ailleurs, vous serez plus ou moins châtié pour vos paroles. Reste qu’Orban n’a toujours pas été convaincu de fascisme, ni de viol des droits de personne, d’aucune minorité, ni de rien d’ailleurs. En tout cas de rien de pire que ce que l’on peut voir dans nos douces démocraties occidentales où des journalistes se reproduisent entre eux, tentent de dicter leurs humeurs à la France quand rien dans leur vie n’indique qu’ils possèdent la vertu de le faire. Ils cherchent à nous passer la muselière. Mais rien ne nous fera taire.

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