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Le droit à tout rend le monde ingouvernable, c’est-à-dire de plus en plus contrôlé. Car qui ne gouverne pas contrôle, et sa férule s’abat au hasard et violemment. Cette fois-ci, il n’y aura pas que l’Allemagne qui paiera, mais tout le monde.
L’honneur est ce qui nous rassemble, disait Bernanos. Il faut croire que nous n’en avons plus beaucoup. Ou qu’alors nous éprouvons des sentiments et des passions bien plus bas mais bien plus forts que lui et que ce sont eux, pauvres frères humains que nous sommes, qui nous guident toute la sainte journée. Prenez la difficile affaire de la Syrie : quelques petits missiles qui tombent en pays inconnu et c’est aussitôt la cohue, la ruée, le vacarme, les noms d’oiseaux qui pleuvent, celui-ci soupçonné de poutinisme invétéré, celui-là convaincu de trumpisme fondamental. Rude pays que la Gaule, où les Césars extérieurs font leurs affaires pendant que nous nous assommons de poisson pourri. Beaucoup plus important : la guerre civile qui gronde entre orléanistes et légitimistes et menace presque de couper L’Incorrect en deux, tant les lois fondamentales du royaume demeurent obscures et ininterprétables. Rude pays que la France. On n’a pas fini d’en parler.
Et cela durant que dehors tout cède : Wauquiez est à 8 % dans les sondages, Rachida fait des pronostics, Mélenchon et ses députés tremblent devant les milices fascistes, les étudiants partent en vacances chez les zadistes, ou l’inverse, Trump et Kim Jong-un se font des bisous, l’Iran est prêt à négocier, Emmanuel Macron se lance dans le potager alternatif. Plus que jamais les luttes convergent et le monde s’intersectionne.
C’est beau, mais encore une fois l’ordre manque et notre bel édifice repose sur un socle de papier. Pierre Manent l’a remarqué dans son dernier livre, la loi naturelle s’efface devant le défilé de mode des droits, dont l’on a oublié que chacun d’eux était une créance posée sur quelqu’un ou quelque chose d’autre. Le droit à posséder une table en formica dans les années 70 sera payé demain par les créatures marines engoncées dans leur océan de plastique. Le droit de tout savoir est payé déjà par des Chinois que leur gouvernement surveille dans toutes les rues, à chaque seconde, avec ses 170 millions de caméras. Le droit à tout rend le monde ingouvernable, c’est-à-dire de plus en plus contrôlé. Car qui ne gouverne pas contrôle, et sa férule s’abat au hasard et violemment. Cette fois-ci, il n’y aura pas que l’Allemagne qui paiera, mais tout le monde.
Il n’est pas interdit de redouter que notre principe de civilisation s’écroule demain sans qu’on ait vu la catastrophe venir
Le droit à émigrer dans tout autre pays que le sien, à migrer dans tout autre genre que le sien, à avorter tout ce qui nous emmerde crée une instabilité fondamentale à chaque instant ressentie par tout être humain contemporain. Que l’homme passe l’homme et passe même l’univers n’empêche qu’il fonctionne selon des lois difficilement modifiables dont l’oubli le plonge sinon immédiatement dans la folie, au moins dans l’irrationalité. Mais ces lois ne se décrètent pas d’un tournemain politique, et c’est la grande erreur de nos dirigeants, en France mais pas seulement, que de ne pas l’avoir vu. Ou s’ils l’ont vu, que de ne pas se l’avouer ni de se saisir des moyens conséquents pour y remédier.
Le discours d’un Macron devant les catholiques était dans ce sens-là pathétique, non dans ce que ce mot porte de ridicule mais de tragique : quelles que fussent l’habileté et la bonne volonté de ses plumes, le point de vue obligatoirement républicain d’un chef de l’État français l’empêche de se ressaisir de ce qui fonde plus qu’un peuple même une personne humaine. En un mot, on n’a jamais vu qu’un droit fondât positivement une morale, une spiritualité, bref formât des consciences. Les écologiques l’ont observé : un système naturel endure longtemps des dégradations avant de s’effondrer d’un seul coup. Toutes proportions gardées, car nous ne sommes pas des êtres vivants simples, il n’est pas interdit de redouter que notre principe de civilisation s’écroule demain sans qu’on ait vu la catastrophe venir. L’heure est plus que jamais, dans ce chaos universalisé, à l’attention, au sens de Simone Weil, et au soin de ce qui nous fait encore humain parce que, peut-être, le précipice est proche
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