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L’Enracinement de Simone Weil

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Publié le

13 juin 2018

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2018. La crise identitaire ne fait plus l’actualité mais est toujours là. Face aux chantres du métissage, du bougisme, de la fluidité des identités ou face à l’islam séparatiste, L’Enracinement de Simone Weil est une œuvre salutaire. Elle vient bousculer notre rapport à la patrie, au travail, à la culture et à la science. Mais surtout, L’Enracinement rappelle la mission première de toute personne aspirant à investir le champ politique ou métapolitique : « aider la France à retrouver une inspiration authentique. »

 

1943. Simone Weil a rejoint Londres. Au sein du Commissariat à l’intérieur de la France combattante, elle travaille par ce texte au projet d’une nouvelle déclaration des droits de l’homme au sortir de la victoire face à l’Allemagne Nazie. Non intégrée finalement dans les séances de travail, Simone Weil, isolée, mène ses réflexions de son côté. Son texte, enchaînement déstructuré de thèmes en raison de sa mort prématurée en 1943, est une exhortation à faire de l’enracinement du peuple le guide de toute politique, du domaine économique au domaine culturel. Partant du constat du déracinement ouvrier et paysan, Simone Weil voit en l’enracinement « peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine ». En effet, pour construire l’avenir qui n’existe pas encore, notre âme humaine a besoin de s’inscrire dans « les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous ».

L’urgence est d’édifier une « spiritualité du travail » redonnant de « l’utilité sociale » et « infusant de la pensée » dans toute activité : « Rien au monde ne compense la perte de la joie au travail. ». Mais s’il y a bien une collectivité par excellence pour enraciner l’homme et « assurer à travers le présent une liaison entre le passé et l’avenir », c’est la nation. Milieu porteur de vie dont tous les autres « milieux porteurs de vie » dépendent (familles, amis, associations, collègues), sa perte serait un arrachement trop dur. Sa nature mortelle, limitée, mérite donc notre dévouement illimité en tant que lieu de notre enracinement. Face à cette fragilité, notre patriotisme doit avoir pour mobile la « compassion pour la patrie ». Seul ce patriotisme est compatible pour Simone Weil avec une vie de chrétien car il « peut recevoir le nom de charité. » Pour cette raison, elle condamne la « dualité de la morale » : comment pouvons-nous dans notre vie personnelle « mettre des bornes à l’égoïsme et à l’orgueil » et avoir une conception romaine de la nation faite de fausse grandeur idolâtre ? La conception de l’Etat apparue avec Richelieu et prolongée par Louis XIV est donc à bannir. « L’Etat est une chose froide qui ne peut pas être aimée ». L’Etat et la patrie sont à dissocier. Mais nous avons pour « obligation sacrée », avec pour seule limite « la révolte de la conscience », d’obéir à l’Etat qui « dans sa fonction administrative doit apparaître comme l’intendant des biens de la patrie. »

 

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Comment insuffler cet « esprit authentique » dans le peuple ? Simone Weil incite les hommes aux responsabilités à étudier « la manière dont un mobile se transforme en acte. » Comment aider les français à se réveiller, à reprendre le contrôle de leur destin, à réinvestir ce pays qui est le leur ? En captant leurs pensées non exprimées pour formuler celles qui sont ancrées dans le bien (au sens spirituel). Ce travail est à effectuer avant toute prise de pouvoir car le pouvoir ne peut pas être une fin en soi. Il passe par la culture, mais une culture non vulgarisée dont la vérité est transposée dans la sensibilité propre du peuple. Une remise en question personnelle est aussi nécessaire : sommes-nous sûrs de n’admirer que ce qui est bien ? « Si l’admiration est un amour, comment ose-t-on aimer autre chose que le bien ? » Dans l’histoire, la littérature ou la science, nous devons veiller que ce que nous glorifions assure l’unité entre « la parfaite beauté, la parfaite vérité, la parfaite justice ».

 

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Dans un même mouvement, Simone Weil vient remettre en question le prestige accordé à la science et condamne sa tendance à se mettre hors du champ du bien et du mal pour s’ériger en fin absolue. Combien sont les scientifiques de notre époque qui, avant de parler de leurs découvertes, se posent la question de leurs impacts ? Simone Weil engage les chrétiens à dépasser leur complexe d’infériorité face à la science : ceux qui fondent leur compréhension du monde uniquement sur la science s’appuient sur des croyances ou postulats qui sont autant d’actes de « foi ». Mais surtout la science est incapable d’expliquer l’Amour ou la justice. Or, « si la justice est ineffaçable au cœur de l’homme [comme l’ont montré certains hommes résistant au nazisme], elle a une réalité en ce monde. C’est la science [érigée en dogme] alors qui a tort. »  Pour Simone Weil, au contraire, il n’y a pas d’incohérence entre la foi et la science : les forces à l’œuvre dans la nature (comme les trajectoires circulaires des planètes) sont signes de la « sagesse éternelle ».

Cette œuvre nous appelle à retrouver une unité intérieure dans tous les domaines de notre vie et à « avoir en vue avant tout, dans toute innovation politique, juridique ou technique susceptible de répercussions sociales, un arrangement permettant aux êtres humains de reprendre des racines. »

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