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Les communes, dernier lieu de sociabilité humaine

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Publié le

2 décembre 2019

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« L’État est le plus froid des monstres froids », disait Nietzsche. De fait, la construction de l’État moderne a consisté depuis deux siècles à dépersonnaliser l’exercice du pouvoir : plus de concentration entre les mains d’un seul homme qui pourrait revendiquer, à lui seul, le monopole de la contrainte légitime car ce serait là une source inévitable d’arbitraire. Au besoin, on rappelle, pour la dénoncer aussitôt, la formule car tel est notre bon plaisir, apposée au bas des ordonnances royales sous l’Ancien Régime, tout en faisant un contresens sur la signification du mot « plaisir » qui renvoie au verbe latin placere que l’on pourrait traduire par ce qu’il convient et non le caprice du prince.

 

 

Bref, répudiant l’ordre monarchique, la Révolution française voulut fragmenter et dépersonnaliser le pouvoir : la fragmentation prit la forme d’une séparation des pouvoirs, vantée dès Montesquieu sous la forme de contre-pouvoirs qui s’équilibrent entre eux pour devenir ensuite sous la Révolution des pouvoirs aux cloisons si étanches que seul un coup d’État pouvait résoudre les inévitables conflits qui en découlaient. Quant à la dépersonnalisation du pouvoir, elle prit la forme des régimes d’assemblée tant pratiquée sous la Convention par le comité de salut public, où au prétexte de lutter contre toute forme d’arbitraire gouvernemental, on plaçait l’exécutif sous la tutelle d’assemblées législatives exerçant une dictature légale quasi-illimitée. C’est le règne de la loi censée être d’autant plus rationnelle qu’elle est générale et impersonnelle, s’appliquant indistinctement et impitoyablement à tous. Ce furent des lois et des décrets mûrement réfléchis qui taillèrent en pièces la Vendée en 1793, nullement le caprice personnel d’un conventionnel. S’abriter derrière la pseudo-rationalité de la loi constitua le moyen idéal pour légitimer les décisions les plus monstrueuses. Cela présente aussi l’avantage de diluer la responsabilité des décideurs qui peuvent s’abriter derrière le respect des procédures, la collégialité de l’institution et l’abstraction de la norme.

Tel plan de licenciement n’est plus décidé et expliqué par le chef d’entreprise au nom d’un choix libre et éclairé mais à l’issue d’un audit extérieur qui fait apparaître des conclusions rationnelles et indiscutables.

Poussant le vice jusqu’au bout, notre société a importé aujourd’hui des pays anglo-saxons le concept de gouvernance : il s’agit alors, dans le monde de l’entreprise, de présenter des décisions relevant de choix humains comme des ajustements techniques pris en vertu d’une nécessité irréfragable. Tel plan de licenciement n’est plus décidé et expliqué par le chef d’entreprise au nom d’un choix libre et éclairé mais à l’issue d’un audit extérieur qui fait apparaître des conclusions rationnelles et indiscutables. À la fin, personne n’est responsable puisque nécessité fait loi et que la procédure a été respectée.

 

Lire aussi : Un monde sans pardon

 

Le maire échappait pour l’instant à cette dépersonnalisation et à cette technicisation du pouvoir. Lui seul pouvait encore dire « l’État, c’est moi » comme Louis XIV. Lui seul pouvait tisser des liens affectifs avec ses concitoyens, sans s’abriter derrière des normes techniques ou des règlements impersonnels. Lui seul pouvait agir sur le quotidien des gens qu’il rencontrait dans la rue ou à la boulangerie. Lui seul gouvernait réellement, en fait. Cette époque risque malheureusement d’appartenir à l’histoire : la complexité des règlements administratifs et le poids des responsabilités locales ont conduit de nombreux maires à jeter l’éponge. Dans certains villages, les communes sont fusionnées et administrées par un exécutif lointain qui ne connaît pas sa population, quand ce n’est pas par le préfet lui-même, lorsque personne ne s’est porté candidat. De même, les nombreuses intercommunalités conduisent les maires à être dépossédés de leur pouvoir au profit d’agglomérations géantes qui confient les rênes du pouvoir à des techniciens non élus qui n’ont pas de comptes à rendre.

Nous avons choisi de donner la parole à certains d’entre eux, et ce, jusqu’aux élections municipales de mars prochain. Afin que la commune reste le dernier lieu de sociabilité humaine.

Les Gilets jaunes ont bien montré le désir d’existence de cette France d’en bas qui réclame un pouvoir humain plus qu’une administration impersonnelle. À divers titres et chacun avec leur propre style, des maires non-alignés ont choisi de contester cette évolution des choses. Souvent très populaires dans leur commune, ils choisissent en général de se représenter car ils raisonnent en termes de vocation et non de carrière, dépensant sans compter leur temps pour leurs concitoyens. Nous avons choisi de donner la parole à certains d’entre eux, et ce, jusqu’aux élections municipales de mars prochain. Afin que la commune reste le dernier lieu de sociabilité humaine.

 

 

Benoît Dumoulin

 

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