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Les critiques littéraires d’avril 2/2

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Publié le

28 avril 2021

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Les critiques littéraires du mois d’avril par Romaric Sangars, Bernard Quiriny, Marc Obregon et Jérôme Malbert. Partie 2/2.

PILOTAGE AUTOMATIQUE

Télérealité, Aurélien Bellanger, Gallimard, 244 p., 19€

Livre après livre, Aurélien Bellanger nous fait le coup du roman-dossier à la Houellebecq, avec toujours la même formule éprouvée : s’emparer d’un sujet populaire (ici, la télévision), créer un personnage dont l’ascension sociale servira de fil rouge, bien mélanger avec deux ou trois digressions métaphysiques, quelques incises autobiographiques et un lâcher de noms constant propre à faire parler de soi dans les médias. Ici Bellanger s’attache aux pas d’une sorte de Rastignac du PAF qui contribuera à l’essor des premières émissions de téléréalité au mitan des années 90. Un moyen pour le romancier de plonger dans sa propre enfance et dans la mémoire de cette époque charnière où la télévision brillait de ses derniers feux – avant l’explosion du web. Bellanger va jusqu’à rejoindre Houellebecq dans une certaine ringardise assumée : comme son mentor, il semble rechigner à établir des liens entre cette époque révolue et notre contemporanéité et se cantonne à une évocation gentiment fétichiste. La formule Bellanger trouve ici ses limites, entre docu-fiction en pilotage automatique et fable picaresque à focale réduite : un tel sujet attendait davantage de folie et de prises de risque. Si le résultat se lit sans déplaisir, il s’oublie aussitôt. Marc Obregon

NOMBRILISTE ET BURLESQUE

Ma vie d'écrivain, Patrick Roegiers, Grasset, 230 p., 19€

Installé à Paris en 1983 après une première vie d’homme de théâtre en Belgique, Patrick Roegiers a été critique littéraire au Matin de Paris, critique photographique à Révolution (mais oui) puis au Monde, commissaire d’expositions et enfin romancier, publié à partir de 1990 dans la collection « Fiction & Cie » de Denis Roche. Il revient dans Ma vie d’écrivain sur sa relation à la France et sur sa carrière d’écrivain, dans son style crépitant habituel, plein de coq-à-l’âne et de points d’exclamation. On a le droit de trouver ça légèrement nombriliste : ma maison, mon bureau, mes vacances en Corse, ma santé et mon œuvre, que nul n’est mieux placé que moi pour commenter. L’auteur a cependant le don du burlesque, et une manière à lui de tisser dans sa prose les références historiques inattendues et les citations bien choisies. C’est aussi un témoignage amusant sur Saint-Germain-des-Prés vu par un outsider, ainsi qu’un bel hommage à feu Denis Roche qui lui a mis le pied à l’étrier. Jérôme Malbert

GÉNIE FARAMINEUX

Dernières nouvelles (et autres nouvelles), William T. Vollmann, Actes Sud, 885 p., 28€

William Tanner Vollman fait partie ces grands écrivains américains à l’aura parfois écrasante : comme Joyce Carol Oates ou Tomas Pynchon, il a bâti une sorte de monument littéraire impressionnant, parfois hermétique, travaillé par une ambition démiurgique démesurée. Une ambition que ne dément pas ce recueil de nouvelles placé sous le signe de la mort, des spectres de l’Histoire : un voyage littéraire dans l’inconscient du monde, dans ses archétypes romanesques, où la littérature devient littéralement une forme de nécromancie. Rien que ça. « Ce sera mon dernier livre, annonce Vollmann en préambule, si vous lisez quelque chose de moi après celui-ci, ce sera l’œuvre d’un spectre ». On est prévenu : ces dernières nouvelles ont la forme d’épitaphes savantes, où les styles se croisent et déjouent constamment les attentes du lecteur : fantastique, néo-réaliste, documentaire, métafictionnel… La prose de Vollman est un courant d’air fabuleux qui parcourt le globe, depuis les charniers de Sarajevo jusqu’à un Japon légendaire, et qui s’agrège, s’auto-contamine, cueille ici et là les signes avant-coureurs de la fin du langage. On referme le livre avec l’impression d’avoir été soufflé par une sorte d’explosion intellectuelle, maîtrisée de bout en bout, un ralenti majestueux, panoptique, sidérant – et qu’on appellerait la littérature. Épuisant et faramineux. Marc Obregon

UNE RÉUSSITE

Tu aurais dû t'en aller, Daniel Kehlmann, Actes Sud, 92 p., 10€

Il faudra établir une carte des maisons hantées de la littérature, recensant les bicoques perdues au sommet d’une colline, comme celle du nouveau roman de Daniel Kehlmann. Plutôt qu’un roman, c’est une novella, ce format intermédiaire si prisé chez les Anglo-Saxons. Elle raconte la mésaventure d’un scénariste parti passer ses vacances dans une maison Airbnb, au bout d’une route qui serpente à flanc de montagne. Tandis que sa femme et leur fille de quatre ans se délasseront, il planchera sur son nouveau projet. Problème : la maison, quoique confortable, est flippante. On y dort mal. Pire, on a l’impression d’une présence. Les tensions conjugales s’exacerbent… Kehlmann recycle les scies du genre dans un récit compact, en les mélangeant à une satire du couple et de la jalousie. Le coup de l’histoire dans l’histoire (le narrateur pond son scénario en même temps qu’il vit ses péripéties, les unes inspirent l’autre), imparable, ajoute à la réussite de cet exercice de style bien tourné. Bernard Quiriny [...]

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