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Tout commence en 2015 quand Orna Donath, une sociologue israélienne féministe (ne souhaitant pas avoir d’enfant), publie une « étude qualitative » tendant à démontrer que les femmes peuvent regretter d’être devenues mères. Découverte du siècle. La soi-disant étude n’est en réalité que le recueil des témoignages de vingt-trois femmes de 26 à 73 ans, qui regrettent d’avoir eu des enfants. La faute à la société patriarcale, et à ses « injonctions » à perpétuer la race. Précisons que les femmes de l’étude sont toutes israéliennes. Peut-être que la submersion démographique par un peuple légèrement hostile, légitime le fait d’inciter les femmes à procréer ?
Interrogée dans le Figaro Madame en novembre 2019, Orna Donath se réjouissait que « par leurs témoignages, les femmes lèvent un tabou ultime et viennent casser ce mythe. La maternité n’est pas un royaume sacré mais une relation subjective, vécue différemment selon les mères, qui peut apporter de la joie, de l’amour mais aussi de la haine, de la jalousie et du regret ». On en vient donc à normaliser la haine et la jalousie qu’une mère peut ressentir envers ses enfants, plutôt que de considérer ces sentiments comme pathologiques. Quelle est l’étape suivante ? Donner la possibilité aux femmes d’abandonner tardivement leurs enfants ? Pourquoi ne pas proposer l’avortement post-natal ? Si l’enfant est le fruit d’une oppression patriarcale, et d’une décision imposée – bientôt on nous expliquera que la grossesse est un viol – il devient un nuisible dont il faut se débarrasser.
Si la maternité est envisagée comme une oppression, une injonction, une entrave à l’épanouissement personnel des femmes, elle finira comme tout le reste : sous-traitée
À la sortie du livre d’Orna Donath, Le Regret d’être mère, les médias européens s’enflamment. En France, de nombreux articles s’en font l’écho souvent sans préciser l’obédience idéologique de l’auteur. En mars 2021, un hashtag émerge sur Twitter: #RegretMaternel. Des mères se mettent à déverser leur frustration d’avoir enfanté : « si j’avais su », « si c’était à refaire », etc. Une chose tristement naturelle, la maternité qui peut être mal vécue par certaines – que ce soit à cause d’une dépression post partum, de traumatismes ou d’immaturité – devient prétexte à « déconstruire » ce qui fait l’humanité et la civilisation. Ce qui se réglait autrefois chez un prêtre ou plus récemment sur le divan d’un psychologue s’étale désormais dans les médias et doit être accepté par la société. Tant pis si la progéniture regrettée tombe par malheur sur le déversoir maternel.
En France toujours, le livre de la journaliste Stéphanie Thomas Mal de mères, paru le 6 octobre, copie l’étude de la sociologue israélienne et recueille le témoignage de dix « mères repenties » : l’occasion pour les médias de relancer les appels à témoignages. Et contre toute critique des effets que pourrait avoir ce genre de « révélations » sur les enfants concernés, la parade est déjà prête. « Elles aiment leurs enfants mais pas leur rôle de mère ». C’est-à-dire qu’elles regrettent leur condition de mère qu’elles vivent comme un esclavage, donc l’arrivée de leurs enfants. Certaines comme Karla Tenorio, autrice brésilienne, ne cachent même pas leurs « regrets » vis-à-vis de leurs enfants, et étalent sur les plateaux télé et dans des livres leur détestation de la maternité. Karla Tenorio crée même des groupes où elle encourage d’autres femmes à se « libérer ».
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Cette tendance n’est pas anecdotique. Si la maternité est envisagée comme une oppression, une injonction, une entrave à l’épanouissement personnel des femmes, elle finira comme tout le reste : sous-traitée. La veille de l’adoption de la PMA pour toutes, une tribune publiée dans Libération réclamait d’aller encore plus loin : la GPA bien sûr, mais pas seulement. Pour parvenir à une « égalité parfaite » entre les sexes, l’auteur réclamait la procréation extra-utérine. Pourquoi ne pas imaginer dans un avenir plus ou moins proche une procréation décorrélée de la maternité ? Des enfants qui appartiendraient à l’État ou à des entreprises privées qui pourraient les vendre aux couples homosexuels, et des femmes qui seraient libres de boire des mojitos et de se faire tringler dans le métavers de Mark Zuckerberg.