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Loi bioéthique jour 5 : adoption du texte et extension dangereuse de l’IMG

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1 août 2020

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Dans la nuit de vendredi à samedi, l’Assemblée nationale a adopté en seconde lecture le projet de loi bioéthique. Le texte voté en revient à l’esprit du texte adopté en première lecture, faisant fi des garde-fous posés par le Sénat. L’événement marquant de la soirée est sans aucun doute le vote d’un cavalier législatif désencadrant dangereusement le recours à l’avortement.

La majorité présidentielle a réussi son coup. La députation nationale a adopté le projet de loi bioéthique à 60 voix contre 37 et 4 abstentions, après une semaine de débat et près de 2300 amendements déposés. Il ouvre l’accès à la PMA aux couples lesbiens et aux femmes seules et en garantit par ailleurs le remboursement par la Sécurité sociale. Le projet de loi sera examiné en seconde lecture par le Sénat dès l’automne ou au début de l’année prochaine. Une commission mixte paritaire se réunira ensuite pour accorder les vues des deux assemblées.

La seule victoire du camp conservateur aura été le refus du diagnostic préimplantatoire à la recherche d’anomalies chromosomiques (DPI-A), introduit dans le texte par la commission spéciale. Ce dispositif avait pour objectif d’écarter les embryons porteurs de la trisomie 21 et représente une nouvelle contradiction d’un progressisme prétendument inclusif. Favorable à l’ouverture de la PMA, le député LR Maxime Minot a regretté ce rejet du DPI-A par la représentation nationale. A l’inverse, la députée LREM Blandine Brocard a fait preuve d’un grand courage : « Soyons imparfaits. Acceptons de ne pas tout contrôler. C’est de notre humanité profonde dont il est question. Quelle société voulons-nous? Une société qui rejette tout signe de faiblesse, ou une société qui prend soin des plus faibles et des plus fragiles ? » Elle s’inscrivait dans la droite ligne des propos du député LR Thibault Bazin, pour qui le DPI-A est chargé d’une dangereuse potentialité eugénique, celle du désir d’« un enfant génétiquement correct ».

Lire aussi : Loi bioéthique jour 4 : bouleversement de la filiation et levée de l’anonymat

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a rétabli l’autorisation des embryons transgéniques et chimériques. Ces deux procédés, votés en première lecture par l’Assemblée nationale, avaient été interdits par le Sénat en février dernier. L’embryon transgénique est un embryon dont l’ADN et le patrimoine génétique ont été modifié. L’embryon chimérique est formé par l’insertion de cellules humaines dans des embryons animaux à des fins de recherche. Dans un rapport, le Conseil d’Etat a rappelé les risques majeurs que soulève ce procédé, particulièrement le risque de représentation humaine et de conscience humaine chez l’animal. On croit cauchemarder : l’eugénisme est En marche.

Une nouvelle fois, c’est la teneur des discours échangés hier soir qui étonne l’oreille inexercée. Le Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a indiqué que « la famille du Code napoléonien, ce n’est plus la famille d’aujourd’hui, et personne n’a le monopole de la famille. » Il feignait d’oublier que ce modèle familial n’a pas été une invention de l’Empereur, mais fort simplement le modèle institué par la nature des choses. Par ailleurs, la danse du ventre de la majorité observée ces derniers jours a trouvé une nouvelle incarnation en la personne du ministre de la Santé Olivier Véran. Celui-ci nous apprenait en effet être favorable au DPI-A en tant que député, mais y être opposé en tant que ministre !

Caroline Roux dénonce le vote de cet amendement « sans annonce préalable et sans études d’impact » qui « vient bousculer, exploser même, l’encadrement de l’avortement en ajoutant ce critère invérifiable de détresse psycho-sociale. »

L’événement marquant de la soirée est sans aucun doute l’amendement n°524 porté par le groupe Socialiste et apparentés. Ce cavalier législatif étend le recours à l’interruption médicale de grossesse (IMG) jusqu’au terme de la grossesse sur l’instable critère de la « détresse psycho-sociale ». Caroline Roux, déléguée générale adjointe de l’Alliance Vita, dénonce le vote de cet amendement « sans annonce préalable et sans études d’impact » qui « vient bousculer, exploser même, l’encadrement de l’avortement en ajoutant ce critère invérifiable de détresse psycho-sociale. » Elle ajoute que si « la condition des femmes enceintes faisant face à une détresse mérite toute l’attention de la société », l’automaticité de l’IVG n’est pas une solution. L’Alliance Vita demande donc le retrait de ce « cavalier législatif qui est une manière de faire passer l’avortement en une IMG » et la mise en place d’une « étude épidémiologique qui analyse les causes, les conditions et les conséquences de l’avortement. »

Le Président Emmanuel Macron tient sa grande réforme sociétale, gage politique qu’il entend donner à la frange progressiste de sa majorité et de son électorat, tel qu’on lance un os au chien, le tout dans la méconnaissance la plus totale des Français, ayant mis entre parenthèse estivale la politique pour profiter de quelques répits ensoleillés après une crise sanitaire déconcertante et avant une crise économique brutale. Que dire de la légitimité démocratique d’un texte proposant un « changement de civilisation », mais seulement voté par une centaine de députés un 1er août à 3h35 du matin ? Le cynisme politique est total et la lubie idéologique terrifiante.

Lire aussi : Projet de loi bioéthique : transgression générale

Caroline Roux dénonce une « procréation toujours plus artificielle au point de priver des enfants de leur lignée paternelle » et la manipulation du vivant « que ce soit avec l’introduction de lignes rouges que sont les chimères hommes/animales et la possibilité de créer des embryons transgéniques ». Concernant les dérogations permettant à certains établissements privés à but lucratif de pratiquer l’autoconservation des gamètes, elle y voit « une première porte ouverte au marché de la procréation qui est extrêmement inquiétante. C’est un basculement pour la France qui a un principe éthique fondamental de non-marchandisation de l’humain et des éléments de son corps. »

En effet, ce débat parlementaire sur la loi bioéthique confirme deux orientations de nos sociétés de nature à les bouleverser en profondeur. D’une part, le désir des adultes prime sur les droits fondamentaux de l’enfant. Le camp conservateur n’a cessé de vouloir sacraliser les droits de l’enfant, en vain. La majorité a refusé de reconnaître l’inexistence d’un droit à l’enfant, ouvrant par là une boite de pandore qui mènera inévitablement à la GPA. La prudence traditionnelle qui demande au fort de protéger le plus faible est donc jetée aux oubliettes.

Le progressisme idéologique, la science devenue folle et les marchés carnassiers s’associent afin de déconstruire les dernières limites naturelles qui s’imposent aux volontés de l’homme moderne.

D’autre part, il semble désormais possible à l’homme de manipuler le vivant autant qu’il le souhaite. Le progressisme idéologique, la science devenue folle et les marchés carnassiers s’associent afin de déconstruire les dernières limites naturelles qui s’imposent aux volontés de l’homme moderne. La majorité se gausse d’un texte équilibré ; elle vient peut-être pourtant de déséquilibrer à jamais le vivant et l’écologie humaine. Et ce plus encore si Jean-Louis Touraine voit juste : «Je ne suis pas déçu car je n’ai aucun doute sur le fait que la Ropa ou encore la PMA de volonté survivante passeront à la prochaine révision de la loi. C’est inéluctable. Quand vous êtes aux trois-quarts du gué, vous êtes obligé de continuer la traversée.»

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