Après avoir récompensé Les Petits Farceurs de Louis-Henri de La Rochefoucauld, en effet l’un des meilleurs romans de la dernière rentrée littéraire qui méritait amplement pareille distinction, le jury du prix Roger Nimier, présidé par l’académicien Jean-Marie Rouart, a décidé de se suicider, du moins sur un plan symbolique, afin de passer le relais à une nouvelle génération. Ce qui est très hussard, à bien considérer les choses.
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Voilà comment le lauréat lui-même s’est retrouvé aussitôt intégré au nouveau jury, en compagnie d’Eugénie Bastié, de Charlie Roquin, d’Erwan Barillot, de Jessica Nelson et de Céline Laurens, qui prennent ainsi la succession de Bernard Chapuis, d’Éric Neuhoff, de Christophe Ono-dit-Biot, de Didier Van Cauwelaert, de Florian Zeller et de Jean-Marie Rouart. Une féminisation et un rajeunissement soudains et drastiques. Nous ne doutons pas de la faculté de cette nouvelle équipe à rendre hommage à l’insolence et au style, à l’heure où le style, en cette époque basse, idéologique et vulgaire, n’a jamais représenté une si terrible insolence.
Nous offrons à nos lecteurs la recension des Petits Farceurs que nous avions publiée en septembre dernier.
Balzac 2020
Paul Beuvron vient de mourir et Henri d’Estissac, qui fut son meilleur ami de jeunesse, héritant de ses papiers, s’attèle à recomposer sa trajectoire idéaliste, mondaine et tragique, tout en rapportant la sienne en parallèle. Au tournant des années 2000, les deux garçons férus de littérature se lient en hypokhâgne. Le premier, Beuvron, Grenoblois ambitieux, se voit en génie des lettres avant de déchanter et de se compromettre dans l’écriture-fantôme de best-sellers commerciaux ou de confessions de vedettes. Le second, de grande lignée piétinée par l’Histoire, est d’avance dégrisé du pouvoir et va davantage s’intéresser aux coulisses qu’au Goncourt. Si la très belle adaptation des Illusions perdues par Giannoli, il y a deux ans, vous a fait replonger dans le chef-d’œuvre de Balzac, l’actualisation brillantissime qu’en a réussi la Rochefoucauld vous ravira. C’est que l’auteur, également critique musical et littéraire depuis une quinzaine d’années, profite de l’ombre de Balzac pour livrer en pleine lumière l’expérience d’un observateur de première ligne du milieu culturel parisien : la satire est aussi renseignée que féroce. On trouve une évocation magnifique de ce que représenta le magazine Technikart (ici Avant-Garde) au début du millénaire, puis une synthèse transposée mais résumant avec une cinglante exactitude toutes les corruptions, les hypocrisies et les machinations qui caractérisent la cour germanopratine. Si son acronyme est trop long, le roman de LHDLR, lui, fusant à travers l’époque pour en dévoiler les revers héroïques ou sordides, vous paraîtra court. RS