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Nicolas Sarkozy : comme un ouragan

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Publié le

14 août 2020

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Nicolas Sarkozy est de retour ! Non pas sur la scène politique mais dans les rayons best-seller avec Le Temps des Tempêtes. Un livre à lire comme un témoignage historique d’où se distinguent quelques « bonnes feuilles » qui donneront de la matière à croquer pour les journalistes, mais globalement très décevant.
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« Vous voulez contrôler l’immigration ? C’est que vous n’avez pas de cœur. Vous voulez favoriser l’initiative et l’esprit d’entreprise ? C’est que vous êtes égoïste car vous ne pensez qu’aux riches ! » Nicolas Sarkozy en campagne ? Non, Nicolas Sarkozy martelant encore et toujours les mêmes slogans qui l’avaient porté au pouvoir en 2007 au terme d’une campagne assez remarquable, dans Le Temps des Tempêtes. Un livre à lire comme un témoignage historique d’où se distinguent quelques « bonnes feuilles » qui donneront de la matière à croquer pour les journalistes, en dépit d’un style très plat à la limite de la chronique people et d’une construction très décousue.

À la manière de son meilleur ennemi François Hollande qui a récemment fait paraître ses « Leçons du pouvoir », Nicolas Sarkozy a tenu à coucher par écrit quelques-uns de ses souvenirs de président de la République. Si l’exercice semblera vain à grand nombre de Français, les observateurs attentifs de la vie politique française ne manqueront pas de lire ces quelques 500 pages de mémoire, révélant le président Sarkozy tel qu’en lui-même, c’est-à-dire indistingable de l’homme Nicolas Sarkozy dont le personnage public et l’élu de la République ne s’émancipent que très faiblement du caractère que présente le Neuilléen dans l’intimité. Conquérant, énergique et d’une nature infantile presque désarmante, Nicolas Sarkozy aime et déteste, n’exprimant que très rarement des sentiments tièdes.

Au fil du livre, ils sont d’ailleurs quelques-uns à en faire les frais ; l’ancien président réservant même quelques-uns de ses traits les plus sournois à d’anciens camarades de parti. « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge », disait Voltaire en homme averti qu’il était. François Fillon est ainsi dépeint en carriériste ennuyeux et lâche, ne s’opposant jamais frontalement à Nicolas Sarkozy mais laissant ses proches le faire à sa place. C’est tout juste d’ailleurs si Nicolas Sarkozy ne voit pas en l’ancien Premier ministre et candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2017, l’une des raisons principales de sa défaite. Le portrait donné de Bernard Kouchner n’est guère plus aimable, ce dernier étant décrit en fédéraliste libéral peu intéressé par l’Union européenne, préférant les voyages exotiques. Un ministre des Affaires étrangères « tour operator » assez obnubilé par l’image qu’il renvoie.

Ecrits sans flamboyance et sans humour, ces portraits doux amers ne surprennent pas vraiment. Dominique Strauss Kahn trop confiant après que Nicolas Sarkozy l’a appuyé pour le FMI ? Pierre Lescure homme cultivé mais soumis à toutes les modes et à l’air du temps ? Christophe Barbier et son écharpe rouge dont il ne se dépare pas par temps caniculaire pour installer un personnage compensant ses complexes ? Cécilia Sarkozy autocentrée et fourbe ? Philippe de Villiers brillant homme de convictions mais capable d’une grande duplicité ? Ce ne sont pas des scoops pour quiconque a un peu de psychologie. Voilà pour l’écume, car le fond du propos est ailleurs. Le Temps des Tempêtes est surtout l’occasion pour Nicolas Sarkozy de réévaluer son bilan en l’inscrivant dans un moment historique troublé, qu’il croit avoir su au moins partiellement conjurer durant son exercice présidentiel.

L’ancien président trouve d’ailleurs là une occasion d’égratigner Emmanuel Macron ses vues relatives à la période coloniale, seule critique du marcheur qu’il vante par ailleurs

Débutant au moment précis où il fut élu président de la République face à Ségolène Royal, le livre se veut la confession de Nicolas Sarkozy sur ses premiers pas à l’Elysée et un mea culpa sur certaines de ses erreurs. Il ne reconnaît toutefois pas les véritables fautes commises, en atténuant la portée et écartant ses propres errements. Ainsi, il estime avoir eu raison de faire ministres Bernard Kouchner ou Martin Hirsch, lors même qu’il fut élu président avec une campagne dont les thèmes étaient les plus droitiers depuis celle de Jacques Chirac en 1988. Il ne regrette pas non plus d’avoir été l’artisan et le promoteur du Traité de Lisbonne, estimant ne pas avoir trahi les Français en leur expliquant précisément ce qu’il ferait s’il advenait qu’il soit élu.

Plus que tout, Nicolas Sarkozy aime à montrer qu’il est honnête, franc, fait d’un bloc ; l’impudeur qui lui a été reprochée n’étant au fond que l’expression d’une authentique singularité dans un monde politique français par trop compassé, froid, voire rigide. Des reproches qu’il adresse à parts égales à la droite comme à la gauche médiatique, accusée d’avoir sapé son quinquennat dès son commencement, à l’exception de deux ou trois plumes qu’il épargne de son courroux vengeur, telles que celles de Serge July ou de Jean Nouvel, qui l’accompagna durant son premier voyage à destination de l’Algérie lors duquel il rencontra Abdelaziz Bouteflika. L’ancien président trouve d’ailleurs là une occasion d’égratigner Emmanuel Macron ses vues relatives à la période coloniale, seule critique du marcheur qu’il vante par ailleurs, en faisant l’héritier de sa politique et même de ses postures de communication – ce qui n’est pas si inexact -. Il faut tout dire que tous deux ont une même défiance à l’endroit de François Hollande.

Revenant longuement sur sa découverte du monde en tant que président, Nicolas Sarkozy délivre quelques anecdotes sur les grands dirigeants qu’il a rencontrés, ne tarissant notamment pas d’éloges sur George W Bush. Il y a chez lui des traits rappelant Zadig (et Voltaire, comme dirait Frédéric Lefebvre). Prompt à l’émerveillement, se souvenant de tous ses repas par le menu ou de la qualité du couchage proposé par la chancelière allemande. Il n’oublie pas non plus de se hausser un peu du col – c’est de bonne guerre -, en relatant ses déboires américains lors desquels il fut contraint d’écrire lui-même un discours qu’il jugea très applaudi … puisqu’il y fit mention, encore l’enfant qui n’est jamais loin, de son émerveillement précoce pour le pays d’Elvis Presley, de Disney et des acteurs hollywoodiens…

En cherchant à tout englober, il finit par se rendre impuissant et otage des caprices de l’époque.En cherchant à tout englober, il finit par se rendre impuissant et otage des caprices de l’époque.

Le même homme affronta le Congrès américain et les pêcheurs du Guilvinec dans le Finistère – dans ce qui sonnait déjà comme un avertissement sur la fracture sociale et territoriale –  : un homme persuadé que l’action précède la réflexion. Mais dans ce cas, l’action doit être sous-tendue par un instinct au-dessus de la normale, un sens profond de l’Histoire et des principes invariables. Ce n’est pas faire injure à Nicolas Sarkozy, formidable bretteur politique, que de croire qu’il n’avait pas pour lui la colonne vertébrale du chef imperturbable, sagace et déterminé qu’il fallait à la France. Les pages de son livre le laissent d’ailleurs transparaitre, le dévoilant versatile et trop près de la surface des choses. En cherchant à tout englober, il finit par se rendre impuissant et otage des caprices de l’époque.

Qu’a-t-il réussi de particulièrement significatif ? La situation de la France en matière de sécurité a-t-elle évolué ? La France a-t-elle retrouvé une industrie puissante ? L’immigration a-t-elle été combattue ? Si Nicolas Sarkozy n’a pas été réélu, ce n’est pas parce qu’il n’avait pas fait le bon diagnostic – au moins au premier degré, celui du tout venant -, mais parce qu’il n’a pas donné le traitement qu’il fallait. Il voulait agir dans l’urgence, agir en permanence. Il n’a fait que se soumettre à la temporalité de la nouvelle ère numérique quand un grand homme l’aurait soumise.

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