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Pan European Recording : la France vue du ciel

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Publié le

3 septembre 2018

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Pan European Recording serait-il le label français le plus intéressant du moment ? Pour s’en convaincre, il suffit de jeter une oreille au dernier single de Flavien Berger (Maddy La Nuit), figure de proue de cette petite maison parisienne fondée par Arthur Peschaud et Romain Turzi.

 

Le titre, sorte de quintessence du style Berger, élégiaque et addictif, emprunte tant aux harmonies vocales du Van Dyke Parks de Song Cycle qu’à la new wave hexagonale du début des années 80. Une fois de plus, la production est stratosphérique, cathédrale sonore chromée et synthétique, comme si le moindre son racontait sa propre histoire. Si Flavien Berger impressionne toujours autant, s’embarquant sur des rivages plus pop que dans Léviathan, alors proche d’un rockabilly électronique mutant, il n’est pourtant qu’un cheval parmi d’autres dans une écurie qui en compte de nombreux.

 

Lire aussi: Pourquoi la musique Française est-elle si dépressive?

 

Maud Geffray, moitié du duo Scratch Massive, a ainsi élu domicile chez Pan European Recording. Plus narrative, l’aventure solitaire de Maud Geffray s’apparente à un hommage aux années 1980 et 1990. Polaar, son premier véritable album sorti en 2017, est un voyage nostalgique sur fond de synthétiseurs gras qu’on croirait directement sortis des premiers albums d’Autechre ou d’Aphex Twin, tempérés par des chœurs plus pop et un amour sincère pour la musique de danse. Une esthétique très personnelle déjà ébauchée dans le single Bleu Pétrole de 2015, morceau électro-indus nocturne très efficace, presque violent et angoissant. L’univers de Maud Geffray n’est pas peint en rose bonbon couleur fillette, mais bien en bleu pétrole et gris béton, tout juste égayés par les néons artificiels des rues sales des villes et les phares des camions poubelles, qu’on perçoit à peine au lever du jour des petits matins blafards des lendemains de fête.  Se dévoilent les grandes banlieues en lisière de campagne, où les grands bâtiments industriels et les centres commerciaux ont colonisé la nature. Ces paysages qui marquent les inconscients de notre génération ne sont-ils finalement pas mieux décrits par cette musique abstraite que dans des bouquins didactiques de géographes ?

De rock, il est parfois question chez Maud Geffray, qui a d’ailleurs repris Standing By My Door des Cure, mais beaucoup moins que chez Scratch Massive, ouvertement électro-rock sur les premiers albums, et surtout que chez Koudlam, lui aussi membre de Pan European Recording. Auteur très, sinon trop intelligent, Koudlam est un artiste total aux références très riches, comme en témoigne sa playlist personnelle sur Spotify. Un type qui passe de Carpet Crawlers de Genesis aux Bewlay Brothers de Bowie peut-il raisonnablement être mauvais ? Son second album est consacré à la ville de Benidorm, à son architecture vertigineuse et à ses orgies pour touristes venus du Nord de l’Europe. L’homme fait copuler joyeusement les Skinny Puppy, les Swans, le Trap, la série des Thunderdome et les Dance Machine de notre enfance, tout en déclamant des slogans martiaux. Illustration d’un monde bouleversé, nomade et déraciné, le titre intitulé Transperu sample les fameux joueurs de flûtes de bords de plage, les confrontant au hardcore des gabbers néerlandais en goguette sur les côtes ibériques.

« Au cœur des jungles de béton de la postmodernité » et des bacchanales éphémères se cache Dionysos, exilé, revenu dans la Cité par les excès qu’elle génère. Ebriété ou ivresse ? Eveil ou folie ? Ce sont précisément les questions que pose Koudlam, en écho à Michel Maffesoli. La génération Y a encore des choses à dire. Coincée entre l’ancien monde et le nouveau, elle a été pour l’heure bien plus témoin qu’actrice de son destin. Merci à Pan European Recording de lui donner une voix.

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