La condamnation prononcée hier contre François Fillon vous paraît-elle anormalement lourde ou vous semble-t-elle au contraire justifiée ?
Compte tenu de la personnalité de François Fillon et du fait qu’il a été Premier ministre, à partir du moment où le tribunal a estimé que les infractions étaient caractérisées, la peine est sévère mais elle n’est pas injustifiable. Il n’y a rien de scandaleux si les faits sont avérés.
Les révélations de la semaine dernière sur le PNF remettent-elles en cause l’indépendance de la justice dans cette affaire ?
Je distingue en fait deux phases dans l’affaire Fillon. Il y a une première phase que je qualifierais de massacre politique d’un candidat à la présidentielle. Il a été détruit politiquement par une procédure qui a été inspirée par le pouvoir de gauche. Il y a eu une enquête puis une information avec une mise en examen extrêmement rapide.
Il est évident que l’ensemble de ce processus visant un candidat et même un vainqueur potentiel de l’élection présidentielle a été organisé au niveau judiciaire et au niveau politique.
Ce processus révèle une connivence entre le PNF, la procureure générale et le pouvoir politique de gauche. Il est évident que l’ensemble de ce processus visant un candidat et même un vainqueur potentiel de l’élection présidentielle a été organisé au niveau judiciaire et au niveau politique.
Ensuite, lors de la deuxième phase, la phase judiciaire à proprement parler, François Fillon a choisi une défense classique, une défense de citoyen respectueux avec des avocats respectables qui n’ont pas rué dans les brancards. Un certain nombres d’infractions ont alors été déclarées établies par la juridictions lors de la poursuite de l’instruction.
Ces deux phases sont très différentes, entre la destruction d’un candidat et la condamnation d’un prévenu ayant commis des infractions. En appel, il est évident que les avocats de François Fillon pourront faire état des déclarations de Mme Houlette. Je pense malgré tout que l’appel ne changera pas le principe de la condamnation, mais je peux me tromper là-dessus.
Lors de cette première phase, quelle a été le degré d’implication précis du pouvoir exécutif socialiste d’alors ? Un « cabiner noir » a-t-il existé selon vous ?
Je ne crois pas qu’il y ait eu de cabinet noir et je ne crois pas qu’il y ait forcément eu un rôle décisif de François Hollande dans cette affaire. En revanche, sur le plan judiciaire, je pense qu’aucune action dans une affaire de cette résonance n’a pu s’accomplir sans l’aval du pouvoir politique.
Il y a donc au niveau politique une structure judiciaire de gauche qui a validé voire qui a commandé très directement ce qui a été mis en œuvre sur le plan judiciaire.
Il est évident que le PNF et la procureur n’ont pas pris la décision de l’ouverture d’une information judiciaire, qui allait nécessairement entraîner des mises en examens, sans que par exemple le conseiller juridique de l’Elysée, le conseiller du garde des Sceaux voire le garde des Sceaux lui même et la direction des affaires criminelles et des grâces ne soient au courant. Il y a donc au niveau politique une structure judiciaire de gauche qui a validé voire qui a commandé très directement ce qui a été mis en œuvre sur le plan judiciaire. En effet, l’ouverture d’une information judiciaire a très rapidement entraîné une mise en examen de François Fillon qui réduisait presque automatiquement au néant ses chances de victoire.
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Les options politiques marquées à gauche de la plupart des magistrats, qui se sont notamment exprimées dans l’affaire du mur des cons (1), ne sont-elles pas une menace profonde pour l’indépendance de la justice dans des cas politiques ?
Il est clair que le PNF a eu un rôle très délétère, et pour l’affaire Fillon et pour l’affaire des avocats et de Nicolas Sarkozy, et, dans un autre genre, pour la relation Kohler-Macron. Cependant, je ne crois pas à un politisation et à une dépendance générale de la justice en France. Il y a évidemment des magistrats, notamment au syndicat de la magistrature, qui sont politisés de manière perverse. Il y en a aussi d’autres qui donnent l’impression de l’être mais qui sont plutôt inspirés par une sorte de jusqu’au boutisme judiciaire qui consiste, étant persuadé que la vérité est là, proche d’eux, à forcer la procédure pour aboutir. Ça n’est pas tout à fait la même chose que la politisation. Ce cas me paraît davantage s’appliquer au juge Tournaire, qui est celui qui a mis en examen de manière extrêmement précipitée François Fillon. Ce juge n’a sûrement pas agi par obsession partisane mais parce que, comme un bon artisan si j’ose dire, il a fait très rapidement le travail qui lui était demandé.
(1) Le mur des cons, Philippe Bilger, Albin Michel, 2019, 256 p.