Pierre Manent – La France ne cesse de changer. Nous l’avons dit, elle est devenue beaucoup moins chrétienne, le sentiment de la continuité historique s'est affaibli et une partie importante de la population française est désormais musulmane. La question est : comment évalue-t-on cette transformation ? Comment y fait-on face ? Demander si l’islam est « compatible ou non » avec la vie française est une mauvaise façon de formuler les choses car on ne peut pas en inférer des mesures pratiques. On répond oui ? Alors on laisse l’immigration musulmane s’accroître indéfiniment. On répond non ? Alors il n’y a plus qu’à les renvoyer « chez eux », ce qui est tout de même difficile quand ils sont « chez nous » depuis deux ou trois générations. Ces deux « solutions » sont également impraticables.
Une chose est certaine : le fait qu'il y ait de plus en plus de Français musulmans modifie en profondeur la vie française. Ce mouvement peut-il continuer indéfiniment ? Non, ce mouvement ne peut pas continuer indéfiniment, sauf à accepter que notre pays ne puisse plus se reconnaître, et que « France » ne soit plus qu’un nom. Je le répète, une part de la France est musulmane, on a le droit de le regretter, mais nous devons l'accepter puisque, de fait, gouvernants et gouvernés, depuis des décennies nous l’avons accepté. Simplement, il faut faire en sorte que cette part ne s’agrandisse jusqu’à ce que le corps civique soit fragmenté, déchiré et finalement paralysé. Accepter qu’une part de la France soit désormais musulmane, faire en sorte que cette part ne s’accroisse plus, voilà comment je résumerais la question de l’islam.
« Convertissez vos concitoyens d’abord si vous voulez restaurer une civilisation chrétienne »
Chantal Delsol
Chantal Delsol – On ne peut pas s'imaginer qu'on va restaurer une civilisation chrétienne ou une culture chrétienne, les deux choses étant assez différentes. C'est un vœu pieux. Ce n'est pas quelque chose qu'on restaure comme on restaurerait un bâtiment. Les cultures et les civilisations peuvent reposer sur les traditions, sans croyance religieuse, comme en Chine par exemple. Chez nous, tout repose sur les croyances parce que nos religions sont fondées sur la foi en une vérité. Il y a eu une tentative au XXè siècle qui a semblé marcher assez bien pour remplacer la foi par la tradition, puisqu’au bout d’un certain nombre de siècles de foi, des traditions s’étaient créées et comme la foi semblait de plus en plus évanescente, certain ont essayé de se suffire de la tradition comme Maurras : « Vous ne croyez pas, mais au moins pratiquez, il en restera toujours quelques-uns qui croiront ». Je pense que ça n'a fait que précipiter l'effacement du christianisme. Depuis le XIXè siècle, depuis les textes de Théodore Jouffroy comme Comment les dogmes finissent, on assiste à l'effacement de la croyance. Mais comment s’imaginer restaurer une civilisation sur rien ? Les musulmans croient, nous non. On se plaint parce qu’ils veulent imposer des menus hallal, mais les catholiques n’ont jamais réclamé jeûne du vendredi à l’école. Il ne faut pas s'imaginer qu'on va restaurer quelque chose auquel personne ne croit. J’ai envie de vous dire : convertissez vos concitoyens d’abord si vous voulez restaurer une civilisation chrétienne. [...]
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