« Ce n’est pas La Tour du Pin qui est à l’Action française, c’est l’Action française qui est à La Tour du Pin », disait Charles Maurras, parlant d’un « maître direct » dont il a adopté « en bloc » la doctrine sociale. Parmi une énumération d’autres influences conservatrices, Henry du Moulin de Labarthète rappelait qu’« il y a dans les idées du Maréchal du La Tour du Pin ». Célèbre ministre de la Justice, Edmond Michelet confiait que « s’il est un personnage que le général de Gaulle connaît mieux que Marx, c’est peut-être le très ignoré aujourd’hui La Tour du Pin », auquel il puisa notamment la participation des ouvriers et la réforme sénatoriale de 1969. De fait, il est peu d’hommes qui, à la vie et aux idées si peu connues, aient à ce point irrigué l’histoire intellectuelle et politique des droites au XXe siècle.
Héritier de la sociologie naissante et élève de Frédéric Le Play, il observe avec effroi les conséquences atomisantes et paupérisantes des « éternels principes » sur le corps social, dont la dissolution des organes vitaux – familles, corporations, provinces – ne produit que nudité
Né en 1834 d’une vieille famille présente à Bouvines, à Damiette et sur l’échafaud révolutionnaire, René de La Tour du Pin embrasse la carrière des armes jusqu’à être fait prisonnier en 1870, captivité où il se lie à celui qui sera son grand compère, Albert de Mun. À la lecture d’Émile Keller – le député du Syllabus –, leurs interrogations sont dissipées nettes : la cause des maux français porte un nom, la Révolution française, en tant qu’elle revendiqua le renversement d’une société régie par les principes catholiques. Dans la veine de Frédéric Ozanam, leur vie sera toute dédiée à l’action sociale par l’Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers et son mensuel l’Association catholique, dont La Tour du Pin est fait penseur attitré. Profitant de ses relations avec le Comte de Chambord, au profit duquel il fomente un coup d’État raté, il tisse un réseau de catholiques sociaux européens qui, réunis dans l’Union de Fribourg, seront pour beaucoup dans la célèbre encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII. Reste encore l’organisation du contre-centenaire de la Révolution française et le refus du Ralliement, l’affaire Dreyfus et la Première Guerre mondiale, avant que le Laonnais ne s’éteigne tout juste nonagénaire. [...]
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