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Réponse à l’appel des 6 000 chrétiens contre l’extrême droite

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Publié le

1 juillet 2024

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Au regard de ses soutiens et de son contenu, l’appel des 6 000 chrétiens à voter contre l’extrême droite est surtout celui d’une gauche, cléricale ou non, qui a perdu tout sens du droit naturel et du bien commun. Tribune.
© Patrick de Pontonx
© Patrick de Pontonx

Le journal La Croix, dans sa parution du 18 juin 2024, a fait la promotion de « L’appel de 6 000 chrétiens intitulé : “Au nom de notre foi, nous voterons contre l’extrême-droite” ».

Cet appel a été lancé par le Collectif « Justice et Espérance », dont La Croix se borne à indiquer qu’il a été « initié par un collectif de jeunes chrétiens ». Parmi les signataires, catholiques, protestants, ou chrétiens de l’entre-deux, l’on compte de nombreux pasteurs et « plus de 70 prêtres ». On relève aussi, au vol, la signature d’un « citoyen prêtre », de militants écologistes, de socialistes, d’une communiste, d’un « anarchiste chrétien », de militants ou d’associations LGBT. On trouve également, parmi d’autres, un « chrétien LFIste », des « humains », des membres du Nouveau Front Populaire, des représentants des Scouts de France, des citoyens du monde engagés dans leur paroisse et la démocratie.

Y figurent également beaucoup d’organismes tels qu’Alternatives catholiques, qui promeut « l’écospiritualité » et appelle à « faire le deuil de la doctrine sociale » de l’Église, parce qu’elle « ne prend pas parti ». On trouve également Lutte et contemplation, très représenté, engagé dans les « luttes écologiques et sociales » et « la justice climatique ». On rencontre le Comité de la jupe de la fameuse Anne Soupa, qui se propose de « promouvoir un christianisme et une lecture de l’Évangile non androcentrés » et de « dénoncer les assignations sexuelles » dans la religion. On relève encore la présence de La Mission de France, qui résista à l’enseignement d’Humanae Vitae et fut jadis très engagée en faveur des prêtres ouvriers.

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Le soutien du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) mérite une attention plus spéciale. Ce Comité, qui se désigne lui-même, non sans raison, comme « un acteur historique du changement », a fait sa mue en 1968, au nom de la « solidarité », dans une perspective révolutionnaire marxiste dont ne se cachait pas son président d’alors, Bernard Holzer, ni ceux qui lui ont immédiatement succédé. Il s’agissait, avec la protection appuyée de l’épiscopat français, de lutter contre les structures de domination et d’aliénation, qui ne pouvaient évidemment qu’être occidentales, de droite ou d’extrême-droite, et de réconcilier la praxis et la « foi ». Ce Comité, qui demeure aujourd’hui fidèle à la théologie de la libération, a soutenu financièrement par le passé, avec l’argent détourné des fidèles, des groupes terroristes, comme le Polisario, différents organismes marxistes, en particulier l’Institut œcuménique pour le développement des peuples (INODEP), fondé par Paulo Freire. Cet organisme, au nom des Écritures, invitait en particulier, selon une dialectique marxiste toujours active dans l’implosion du christianisme, à « détruire l’institution cléricale », pour « faire émerger l’Église populaire », et tout autant la chrétienté et les nations qui l’avaient constituée.

Ces précisions aident déjà à comprendre le prisme idéologique de « l’Appel des 6 000 », devenus 10 000, clairement excentré à gauche dans l’espace sociologique du christianisme, ou de ce qui s’en réclame.

L’Appel indique : « Au nom de notre foi, nous voterons contre l’extrême-droite » et il exhorte dès lors les croyants « à voter massivement contre le Rassemblement national ». L’objet du Collectif « Justice et Espérance » est en effet de « clamer haut et fort que [l’appel évangélique] est incompatible avec l’extrême-droite », laquelle serait aussi de ce chef incompatible avec l’espérance et la justice.

Notre rôle ici n’est nullement de faire l’apologie du Rassemblement national et de ses liens improbables avec la foi. Il n’est pas non plus de justifier de quelque manière que ce soit ses orientations, notamment morales, ou le contenu de son programme, en particulier sur l’écologie dont l’Appel l’accuse de méconnaître les exigences en préférant « le déni au consensus scientifique ». En revanche, il nous semble que les observations suivantes s’imposent.

1- La première est que les signataires de l’Appel entendent exercer une sorte de Magistère politico-religieux, sur lequel ils invitent toutes les « institutions religieuses » à conformer leurs discours afin qu’elles se « mobilisent fermement » (la mobilisation, la lutte, la guerre intestine sont des obsessions permanentes de cette époque ouverte, tolérante et inclusive) « contre l’implantation des idées d’extrême-droite dans notre pays – et plus particulièrement dans nos communautés ». On peut penser qu’ils attendent des clercs, en particulier, qu’ils prêchent contre candidats et électeurs de « l’extrême-droite ». Il est probable, à l’expérience, que cet appel politico-religieux à la croisade recevra plus d’un accueil favorable.

2- La deuxième est évidemment que cet Appel public est fait au nom de la foi. De « notre foi », est-il indiqué. Cependant, ce possessif est rien moins qu’ambigu. « Notre » foi peut en effet désigner une foi commune, unitive chez ceux qui la reçoivent parce que son objet est un, à savoir la « Vérité première », et qu’elle se fonde sur l’unique autorité du Christ qui révèle. « Notre » foi peut au contraire renvoyer à un cumul de convictions plurielles, individuelles, qui se rapproche davantage d’un consensus d’opinions diverses exprimées sur la religion et son rapport à la politique, que d’une foi commune véritable. L’Appel, qui est résolument œcuménique, joue sur cette ambiguïté, pour faire croire que tous ceux qui accueillent l’Évangile ne peuvent pas ne pas rejoindre sa mobilisation politique contre « l’extrême-droite ».

Cet appel révèle une confusion malheureusement très partagée jusqu’au sommet de l’Église, entre l’ordre surnaturel et l’ordre naturel, qui se traduit par l’anéantissement de ce dernier et la disqualification totale du bien commun au nom de la dignité de la personne humaine

3- La troisième observation est qu’en effet la justification de cette mobilisation politique est évangélique. L’Appel se réfère principalement à l’épisode du bon Samaritain (Lc 10, 25-37), où « l’homme blessé, abandonné au bord de la route, est secouru par un étranger ». La parabole devient la source d’une métaphore inversée où, non seulement tout « homme » particulier doit secourir son prochain par charité, mais où la société politique toute entière, en tant que corps politique, a le devoir moral de tenir ses portes grandes ouvertes sur l’immigration. « L’extrême-droite », qui s’y oppose, et qui « nourrit la peur de l’étranger », devient ainsi l’ennemi du Christ. C’est l’aspect sans doute le plus intéressant de l’Appel, en ce qu’il révèle une confusion malheureusement très partagée jusqu’au sommet de l’Église, entre l’ordre surnaturel et l’ordre naturel, qui se traduit par l’anéantissement de ce dernier et la disqualification totale du bien commun au nom de la dignité de la personne humaine. En vertu de ce fidéisme dévastateur, dont nous ne sommes pas peu redevables à Maritain, le religieux, qui se retourne par ailleurs contre lui-même par sa détestation de la confession de la vérité, et son obsession toujours persistante de réunir la foi et la « praxis » dans le sens de la gauche, vient envahir le politique et lui dicter ses lois, en niant ses droits naturels comme aussi ceux des citoyens. En voudrait-on un seul exemple concret qu’il suffirait d’évoquer « le droit de vivre en paix chez soi ». Ce droit, supposé universel, tend premièrement à justifier que les migrants n’aient pas à quitter leurs terres. Il tend aussi à légitimer leur droit de migrer s’ils y sont contraints. Le corollaire propagandiste de ce droit est que les pays de destination ont le devoir moral de les accueillir. C’est le fond « évangélique » de l’Appel. Cependant il ne viendra jamais à l’idée des apôtres des migrations que les citoyens des pays d’accueil aient eux-mêmes un droit fondamental à « vivre chez eux en paix », au point qu’ils soient en droit de s’opposer à des migrations massives qui troublent gravement cette paix par le flot de violences diverses qu’elles leur imposent. Ce qui est droit pour les uns ne l’est pas pour les autres, parce que ce droit, pour ces derniers, est supposément dissous par les exigences de la charité.

Il n’y a d’évangélique que l’accueil, dût-on le payer de la perte de sa paix et d’une explosion sociale ; ceux qui s’y opposent ne sont donc que des ennemis du Christ. Tel est en substance le message de l’Appel, grossi d’une gauche, cléricale ou non, qui a perdu tout sens du droit naturel et du bien commun. Ce n’est pas sans raison, de la sorte, que cet Appel ne voie par ailleurs aucune incompatibilité entre les Évangiles, qu’il prétend défendre, et la droite libérale, la gauche et même l’extrême-gauche. Les temps changent mais l’idéologie demeure. L’utilitarisme évangéliste reste révolutionnaire.

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