Antonin réprime un long bâillement et jette un regard désœuvré sur la vaste chambre qu’il occupe au 36, avenue de l’Observatoire, dans le luxueux appartement familial. Une chambre d’adolescent, encore marquée par ses anciennes passions: quelques posters de free fight se toisent depuis les murs opposés, une console de jeux dernier cri et ses accessoires éparpillés au sol, des magazines de gaming et une collection de One Piece qui prend le soleil sur l’étagère près du lit. Pour le reste, Antonin a tenu à afficher ses engouements récents pour le combat antifasciste : les classiques de la littérature marxiste, auxquels il n’a jamais vraiment touché, une pile de fanzines rouge et noir et surtout les jolies affichettes qu’il a faites à grands frais dans un atelier de sérigraphie, aux armes de son antenne de quartier, les terribles Arago Fighters.
Extension du domaine de l’ennui
Comme 90 % des jeunes oisifs qui s’encartent dans les mouvements antifascistes franciliens, Antonin n’a pas trop à se plaindre de la vie : fils de médecin, petit-fils de négociant en spiritueux, il tire de son ascendance une fierté lointaine, fantasmée, même s’il ne peut s’empêcher de mépriser ses parents en secret – des notables de la gauche caviar qui lui ont donné le blaze d’un poète fou. Antonin. Pourquoi pas, après tout. Le problème, c’est que ce prénom pèse sur lui comme une malédiction [...]
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