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Ce Soir Là, une fiction France 2

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Publié le

30 décembre 2017

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Bataclan

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Delphine Ernotte est sur les dents, la production de Ce Soir Là la stresse particulièrement. Mieux vaut se planquer quand madame n’a pas sa capsule de Nespresso à portée de main, surtout les mâles blancs de plus de 50 ans. Le premier qui moufte peut postuler pour une place d’eunuque dans un harem saoudien.

 

Et elle a raison, la chaîne joue gros en ce moment. Emmanuel Macron nous critique dès qu’il peut, manière de faire plaisir à tous les droitards. On doit se relancer. On compte d’ailleurs nous accorder un budget HBO pour un téléfilm relatant les événements de novembre 2015 au Bataclan, et nous n’avons pas encore de script. En tant que scénariste débutant, je n’ai pas le droit à l’erreur. Le sujet est sensible mais le groupe veut injecter un peu de positive attitude,  c’est l’ADN de la chaîne. On ne fait jamais rien de gratuit, il faut toujours faire passer un message social, montrer que le service public s’adresse à tout le monde, qu’on peut vivre ensemble. On y croit vraiment.

Il serait certes un peu malvenu de sortir un feel good movie du jeudi soir ayant pour toile de fond un massacre à la kalachnikov, j’en ai bien conscience. Au départ, on a pensé intégrer une love story entre un migrant afghan et une jeune parisienne bossant dans l’industrie du disque, tous deux présents lors du concert des Eagles of Death Metal. On veut participer à dégonfler la baudruche médiatique anti migrants, mettre en lumière une autre facette de ces aventures humaines terrifiantes, un exemple édifiant qui pourrait toucher les ados comme les plus âgés. France 2 est une chaîne familiale.

Problème, tous les gros beaufs et les lourdauds nous le reprocheront. Je vois déjà venir la fachosphère et ses gros sabots, les cons du Printemps Républicain et tous les autres, cherchant dans les procès verbaux des migrants simples spectateurs. Invérifiable évidemment. Si un migrant s’était trouvé là, il se serait probablement enfui par peur d’être raflé par la police de la République. Va expliquer ça à tous ces cerveaux de bulot… Bref, une idée m’est venue pour éviter ces procès d’intention : changer d’angle d’approche en basculant dans la pure fiction ! Après tout, la BBC n’hésite pas à caster des personnes d’origine africaine pour jouer des vikings ou des héros de la Grèce antique ! France 2 a aussi les équipes pour faire entrer la production télévisuelle hexagonale dans le XXIème siècle.

Le puzzle se mettait doucement en place, riche de mes souvenirs d’enfance : Tendre Banlieue de Tito, le CDI du collège, la MJC du quartier, la figure rassurante de L’Instit joué par Gérard Klein, le rap menthe à l’eau d’Alliance Ethnik, etc. Du lourd ! Beaucoup l’ont oublié mais c’est France 2 qui a eu la peau des navets RPR paternalistes d’AB Productions en sortant Seconde B, une sitcom multiculturelle plus réaliste qui osait aborder les sujets tabous de l’époque – le racisme par exemple -. Je me suis donc lâché en pleine réunion. Tant pis, on n’obtient pas un Sept d’Or sans prendre un minimum de risques.

« Ecoutez, je crois que les Français n’en peuvent plus de la sinistrose. Ils veulent rêver un peu. Vous visualisez la sensation que procure un Werther’s Original quand il fond sur la langue ? C’est l’objectif ! Nieztsche disait « tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ». Le Bataclan n’a pas tué l’idéal républicain. On va écrire une uchronie, un monde parallèle dans lequel les attentats de novembre 2015 n’ont jamais eu lieu. »

 

Lire aussi : Audiovisuel public, la culture à gauche ?

 

Je m’attendais à prendre une grosse avoinée. À ma grande surprise, tout le monde a surkiffé cette ébauche de script. Il était donc temps de jouer pour le tout, d’aller plus loin. J’ai toujours envié les libertés offertes par le comic book. Pourquoi France 2 ne développerait pas un univers partagé ? Dans l’univers France 2, l’éducation nationale serait ce que le Shield est à Marvel, et, naturellement, Gérard Klein serait notre Nick Fury !

« Il fait quoi Gérard Klein ? Il a pris sa retraite ? On pourrait le faire revenir dans son rôle d’instit. Aujourd’hui, les reboots cartonnent. L’Instit c’est la version française de Last Action Hero. Imaginez Gérard en moto dans Paris, le 15 novembre au soir. Salah Abdeslam est un ancien élève qu’il avait réussi à éloigner des tentations du quartier. En le croisant par hasard, Gérard sent d’instinct que quelque chose ne va pas et lui rappelle le pacte républicain qu’ils avaient conclu des années auparavant. Miraculeusement, Abdeslam renonce au djihad et convainc ses camarades de la supériorité des valeurs républicaines, du vivre ensemble. On enverrait un message de paix. Une bouteille à la mer adressée aux prochaines générations. Possible d’ajouter quelques fantaisies, pourquoi pas conserver l’histoire d’amour entre le migrant et notre nana. »

L’honneur du service public est de créer le monde tel qu’on voudrait qu’il soit.

 

Ps : ce texte est évidemment une fiction.

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