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Aude Mirkovic analayse le rapport du Conseil d’État sur la bioéthique

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Publié le

21 juillet 2018

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Mirkovic

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Aude Mirkovic est maître de conférences en droit privé. Elle est l’auteur de PMA : un enjeu de société, sorti en 2018 aux éditions Artège, et du roman En Rouge et Noir, sorti en 2017 aux éditions Scholae. Nous l’avons interrogée à propos du projet de loi relatif à la biothétique.

 

Le Conseil d’État vient de rendre son rapport sur le projet de loi à venir. Que vous inspire sa lecture ? Etes-vous rassurée par sa prise de position sur l’euthanasie ?

 

Le CE fait état des obstacles éthiques et juridiques qui s’opposent à l’euthanasie ou encore à la gestation pour autrui, et on ne peut que s’en réjouir. Il suffit d’imaginer un rapport en faveur de ces pratiques pour mesurer combien la situation serait plus compliquée. Mais le Conseil d’État se montre laxiste dans l’interprétation des principes lorsqu’il s’agit de la PMA pour les femmes célibataires et les couples de femmes : pour lui, il n’y a aucune obligation de légiférer sur ce point, ce qui est heureux, mais aucun obstacle non plus, ce qui est très discutable. En réalité, le rapport fait état de nombreux obstacles, graves, mais il n’en tire pas la conclusion qui s’impose, renoncer à ce projet, et veut laisser la question ouverte pour le législateur. Il ne nous reste donc plus qu’à interpeller nos députés pour qu’ils prennent conscience des conséquences de la PMA pour les femmes : pour l’enfant, c’est la privation de père, délibérément et définitivement, par la loi. Pour la société, ce projet signifie la généralisation de la PMA – puisque la condition d’infertilité pathologique serait supprimée -, l’instauration du marché des gamètes et la sélection généralisée des individus via le tri des donneurs et des embryons. Si nous voulons de ce monde-là, réjouissons-nous ; si nous n’en voulons pas, écrivons à notre député ! Quelques lignes suffiront, mais encore faut-il le faire.

 

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Vous êtes juriste. Y a-t-il des moyens de lutter contre l’instauration de la PMA pour les couples de femmes ou les femmes seules, sur le plan international ? Comptez-vous engager des recours avec votre association Juristes pour l’enfance ?

 

Commençons par lutter contre cette PMA sans père chez nous, en France. Nous pouvons aussi penser à des actions internationales, car la PMA sans père est directement contraire aux droits de l’enfant tels qu’ils résultent de la Convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU et, en particulier, son droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux, dans la mesure du possible. Comment une pratique qui efface délibérément le père pourrait-elle être conforme à ce texte ? Il y a donc tout un travail de promotion des droits de l’enfant à mener car il ne suffit pas de les proclamer, encore faut-il les respecter. Mais il faudrait d’abord que les députés français connaissent ce texte et, j’insiste, à nous de leur rappeler son existence.

 

Pensez-vous que la légalisation de la PMA entraînera, sans même l’intervention du législateur celle de la GPA, par la voie judiciaire, au nom de l’absence de discrimination entre les couples d’hommes et de femmes ?

 

À notre époque de post modernité, les juges ne se soucient plus guère de la loi dont on a consciencieusement sapé tout fondement depuis des générations. Nous sommes au bout du système et, maintenant que tout le monde a bien compris que la loi n’était que l’expression éphémère d’une volonté plus ou moins collective n’obéissant qu’à elle-même, elle ne sert plus guère de repère en soi et, dès que cela les arrange pour parvenir à une solution choisie a priori, les juges l’écartent. Ils pourraient donc faire fi de la prohibition légale de la GPA au nom de l’égalité, ou plutôt au nom d’une égalité falsifiée car l’égalité ne signifie pas traiter tout le monde de la même manière mais seulement ceux qui sont dans des situations comparables. Le Conseil d’État rappelle que « les règles du droit de la famille fondent une différence de traitement sur une différence de situation liée à l’altérité des sexes », et qu’« une personne seule, un couple homosexuel, un veuf ou une veuve sont placés dans des situations différentes de celle des couples hétérosexuels infertiles puisque l’impossibilité de procréer à laquelle ils sont confrontés ne résulte pas d’une pathologie ». Cependant, dès lors qu’on veut voir dans les différences naturelles des inégalités, des discriminations, alors en effet les hommes qui ne peuvent pas porter d’enfant sont victimes de discrimination par rapport aux femmes. Et le moyen d’y remédier est la GPA. Il faudrait travestir le concept d’égalité pour en arriver là mais, quand on voit de quelle manière les juges ont instrumentalisé l’intérêt de l’enfant pour fermer les yeux sur la GPA réalisée à l’étranger, tout est possible. Mais attention, ceci n’a rien d’inéluctable : à chaque fois que quelqu’un explique cela à ses amis, ses collègues, ses enfants, son député, il fait progresser la société vers une réappropriation du bon sens et de la justice. Il faut tout reconstruire, y compris les fondements du droit, alors pas de panique mais que chacun apporte sa pierre à la reconstruction.

 

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Le Conseil d’État, comme le CCNE avant lui, s’inquiète de la disponibilité limitée des gamètes en cas d’ouverture de la PMA aux femmes seules ou en couple homosexuel. Dès lors, un moyen de remédier à la pénurie actuelle de gamètes serait de commercialiser le don du sperme, ce qui ouvre la voie à un marché procréatif. Que pensez-vous de cette solution ?

 

Personne ne veut la rémunération des gamètes : le Conseil d’Etat l’exclut explicitement car, comme l’avait déjà dit le Comité d’éthique, rémunérer les gamètes signifie l’abandon du principe de non patrimonialité des éléments du corps et, dans ce cas, on passe aussi à la rémunération des organes. Pourtant, il est illusoire d’étendre la PMA aux femmes, qui est toujours une PMA avec donneur, sans rémunérer les gamètes. Tous les États qui ont ouvert la PMA en dehors des cas d’infertilité ont été obligés de rémunérer les gamètes. Tous ? Non, la Belgique en Europe et le Canada en Amérique du Nord ont maintenu la gratuité. Résultat ? Ils se retrouvent à acheter 90% de leurs apports de sperme respectivement au Danemark et aux États Unis. Alors, voulons-nous une société dans laquelle les éléments du corps s’achètent et se vendent ? Si nous n’en voulons pas, il faut renoncer à ce projet de PMA non thérapeutique.

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