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Un an de Gilets Jaunes

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Publié le

17 novembre 2019

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Quel est le bilan des Gilets Jaunes un an après le commencement officiel du mouvement lors de la journée nationale de mobilisation du 17 novembre 2018 ? D’une longévité inédite sous la Vème République, cette gronde sociale semble rongée à l’os, partiellement récupérée par l’extrême gauche qui a trouvé là un moyen de se reconnecter avec le peuple des provinces et d’expérimenter ses idées en matière de « convergence des luttes ». Etat des lieux d’un phénomène qui n’en est peut-être qu’à ses prémices.

 

Depuis leur apparition, les Gilets Jaunes ont essaimé dans le monde entier. Dans d’autres pays et sur d’autres continents, se posent des questionnements similaires aux peuples confrontés à l’idéologie de la gouvernance et aux effets de la globalisation économique. Les populations veulent des « alternatives », du moins les catégories les plus fragiles qui doivent composer avec les transformations de l’appareil productif, les délocalisations et la fin des anciens modèles. En France, le mouvement des Gilets Jaunes est parti des provinces les plus oubliées, suivant une géographie étonnante allant des Hautes-Pyrénées jusqu’à l’Est du pays en passant par des départements très pauvres du Centre. Au fond, c’était plutôt logique tant les habitants des ces territoires sont dépendants de la voiture et donc sensibles à toutes les hausses des frais fixes liés à l’usage de ces machines, dont l’augmentation constante et pénible du coût de l’essence que le gouvernement avait tenté de justifier par les politiques écologiques, ce qui n’a pas manqué de mettre le feu aux poudres.

 

Lire aussi : La cause des pauvres

 

L’autre enjeu posé dès l’origine en filigrane était – et est toujours – celui de la représentativité des institutions de manière globale. Pour l’heure, il n’y a pas eu de réponse du pouvoir sur les plans politiques et culturels. La France dite des « Gilets Jaunes » continue donc à se raconter toute seule, grande oubliée des productions filmiques et des plateaux de télévision, obligée de confier son sort à des avocats médiatiques sans avoir véritablement de représentants de son cru. C’est un problème majeur qui ne trouve pas de solution. D’où la montée en puissance des forces de gauche dans ce mouvement, tant elles sont aussi animées par cette passion si française de l’égalité. Il faut bien dire qu’en face on continue à se moquer du monde. Ainsi de Delphine Ernotte qui a déclaré le 14 novembre : « Nous incluons désormais dans l’ensemble de nos contrats de production une clause de la diversité qui exige des sociétés de production, que leurs équipes de tournage, d’écriture et artistiques reflètent la diversité de la société française ». N’en doutez pas, les téléfilms ne seront pas le moins du monde, tournés en province…

Le pouvoir n’a toujours pas pris la mesure de la fracture culturelle à l’œuvre dans ce pays. Principalement parce que la crise des Gilets Jaunes n’a pas eu d’impact sur les grands équilibres électoraux du pays, comme nous étions un certain nombre à le croire. Les élections européennes n’ont fait que confirmer la tendance du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron en sortant même renforcé dans certains bastions. Pourquoi ? Parce que des blocs d’électeurs, notamment dans la droite classique, ont vu en lui le rempart contre le désordre et non le créateur de ce désordre. Devenu force centrale du conservatisme institutionnel et politique, le « progressiste » Macron apparaissait dès lors comme le fossoyeur et le protecteur de la social-démocratie. Car, les Gilets Jaunes d’origine et les autres ne réclament au fond qu’une chose : la poursuite de l’expérience sociale-démocrate que Macron tente tant bien que mal de maintenir sous perfusion en lui injectant un peu de libéralisme réel, sans toutefois toucher à grand chose.

 

On le voit désormais avec certains meneurs fourvoyés et radicaux, à l’exemple de Jérôme Rodrigues qui a manifesté lors de la « marche contre l’islamophobie » ou avec Maxime Nicolle engagé au côté du collectif « Justice pour Adama ». Au tout départ pourtant, c’était bien la France qui travaille qui se révoltait contre une technocratie de plus en plus illisible.

 

En fait d’un révolutionnaire, les Français ont découvert avec Macron un liquidateur judiciaire empêtré, ouvert à un dialogue qu’il a lui-même circonscrit. Les tensions ne peuvent donc pleinement s’apaiser puisque le monarque républicain – délégitimé sur sa droite avec quelques événements, à l’image de cette fête de la musique en compagnie de Kiddy Smile – n’a tout simplement pas les armes pour répondre à la crise, ni la volonté politique. Comment le président élu de la Vème République pourrait-il céder aux tenants de la démocratie directe, lui le garant de l’Etat et du système « représentatif » ? C’est le 5 décembre 2018 que cette révolte populaire partie des entrailles du pays a finalement échoué. À ce moment là sont arrivés les conspirationnistes, les syndicalistes, les gauchistes, les leaders débiles, les tiers-mondistes et les marginaux de tous les horizons, lesquels ont enfoncé les Gilets Jaunes dans une impasse impolitique.

On le voit désormais avec certains meneurs fourvoyés et radicaux, à l’exemple de Jérôme Rodrigues qui a manifesté lors de la « marche contre l’islamophobie » ou avec Maxime Nicolle engagé au côté du collectif « Justice pour Adama ». Au tout départ pourtant, c’était bien la France qui travaille qui se révoltait contre une technocratie de plus en plus illisible. Celle qui n’en peut plus de savoir que la fraude est généralisée mais que c’est elle qui est harcelée et étouffée d’impôts. Celle-ci, si elle a conservé des raisons à sa colère et a probablement toujours de la sympathie pour un mouvement qui aura su un temps lui rendre un peu de fierté, n’est plus dans les cortèges. La violence, initialement une arme qui a provoqué le pouvoir et l’a fait réagir – au moins en apparence -, est devenue un système qui tourne à vide et qui agace les habitants des centres des villes, lassés par tous ces samedis bloqués sans que rien n’en sorte de concret.

 

Lire aussi : Fabrice Hadjadj : “Un peuple pose des actions à la mesure de ses chants”

 

Je suis allé hier dans le cortège des Gilets Jaunes de Toulouse pour voir ce qu’il restait du mouvement. Au-delà d’une violence assumée et de slogans répétés à l’envie, j’y ai vu une forme d’impuissante résignation. Un tiers de meneurs politisés de gauche encadrant deux tiers de protestataires venus là comme ils iraient au bar ou à une quelconque activité collective, comme si les Gilets Jaunes étaient désormais une communauté spécifique au cœur d’une France de plus en plus fragmentée, un club des exclus prêts à arpenter les rues le samedi pour montrer qu’eux-aussi existent et qu’il faudra compter avec leur présence. Malheureusement pour eux, ils renforcent pour un temps le système qu’ils dénoncent, donnant des outils à ses défenseurs et laissant les indifférents plongés dans leur dormition prolongée. 

Que se passera-t-il dans dix ou vingt ans ? Les Gilets Jaunes sont-ils la première manifestation d’un refus ou de nouvelles manières de faire de la politique ? C’est possible mais ce n’est pas acquis. Quoi qu’il en soit, nous sommes à l’aube de transformations majeures dont les tenants de ce mouvement ne sont pour l’heure que des spectateurs. Les cartes seront bientôt rebattues. Ne subsisteront que deux clivages opposant les défenseurs de la continuité historique et anthropologique aux partisans de la tabula rasa et aux grands psychotiques de la post-modernité. Les Gilets Jaunes ont un pied dans les deux mondes.

 

Gabriel Robin

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