Anouk Aimée, c’est encore Federico Fellini qui en parle le mieux. D’ailleurs, ce sont les Italiens, comme souvent, qui ont su capter le meilleur de l’actrice française – à l’instar de Macha Méril, Catherine Deneuve ou Françoise Fabian, particulièrement étincelantes sous les projecteurs de la Cinecitta.

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Pour Fellini, Anouk Aimé était l’étoffe des grandes stars hollywoodiennes : il la comparaît volontiers à Garbo et Crawford, pour cette façon qu’elles avaient d’aspirer le vide autour d’elle afin de le transformer en lumière. Une définition parfaite du cinéma, dont l’actrice serait le vecteur idéal. Anouk Aimée, ou la “beauté du geste” avait ce quelque chose d’irrésolu sous les yeux charbonneux et sous la carnation, qui est l’essence des divas. 

Enfant de la balle 

Née Françoise Dreyfus, c’est une enfant de la balle, fille d’un couple de comédiens juifs qui doivent fuir la Débâcle pour s’installer en Charente. Afin d’échapper à l’étoile jaune, ses parents la font baptiser. Une double confession qui la rend si parfaitement française : à la Libération, elle est remarquée dans la rue par le réalisateur franco-bulgare Henri Calef, qui lui offre une petite apparition dans La Maison sous la Mer. Chiquenaude du destin, son premier grand rôle ne verra jamais le jour : elle est engagée par le duo Marcel Carné-Jacques Prévert pour un film qui ne sera jamais achevé – sur un sujet particulièrement difficile, tiré de la révolte des adolescents détenus au bagne de Belle-Ile-en-Mer. Un tournage compliqué et une douleur sur laquelle Anouk Aimée ne reviendra jamais. Heureusement, Jacques Prévert lui redonne sa chance pour Les Amants de Vérone, excellente mise en abîme du trop oublié André Cayatte. Dans le Paris exaltant de l’après-guerre, elle rencontre les grands artistes intellectuelles du moment, dont Jean Genet qui lui vouera une sorte de culte étrange. 

La française préférée des italiens 

Incarnant à la fois une sensualité au bord de l’implosion et une féminité tragique, elle se tourne naturellement vers la Cinecitta pour poursuivre sa carrière, et tourne films sur films dans les années 60, notamment pour Dino Risi qui lui permet de faire ses gammes sur des notes plus satiriques. Mais évidemment, c’est le film de Lelouch, tout à fait daté mais parfaitement de son temps, Un Homme et une Femme , qui lui donne immédiatement une dimension internationale : ce sera désormais elle la petite française préférée du cinéma, recompensée par un Golden Globe et nominée aux Oscars pour sa prestation éthérée. Ses yeux de chat, ses volutes brunes, ses pommettes où dialoguent douceur et cruauté, en font ensuite une sorte d’épouse parfaite pour Fellini, qui lui donnera le rôle de la femme de Marcello Mastroniani dans son film-testament Huit et Demi, et en fera surtout le personnage-clé de La Dolce Vita, où elle casse déjà son image candide, totalement à  l’aise avec la partition nocturne du réalisateur italien.

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Jacques Demy lui donne également un de ses rôles les plus marquants, du genre qui vous iconise en une poignée de plans, sous la lumière expressionniste de Raoul Coutard : celui de Lola, danseuse éconduite et figure tragique de la nuit des cabarets français. Dur de faire son choix dans une filmographie aussi monumentale : citons tout de même Un soir, un train, du  belge André Delvaux, film auquel elle tenait pour son onirisme crépusculaire et que lui déconseilla d’ailleurs de faire son agent… Quant à son passage outre-Atlantique il lui fait rencontrer Cukor ou Lumet, mais sa carrière américaine restera lettre morte. En 2003, comme pour éclairer un impensé de sa jeunesse, elle tourne dans l’ancien camp de concentration de Sobibor pour La Petite Prairie aux bouleaux. Une manière pour l’étoile d’affronter ses ténèbres.